L'héritage de Freud aujourd'hui

Mais, qu'on soit ou non psychanalyste, lire Freud n'empêche certainement pas qu'on critique certains angles de vue, certains points de ce vaste ensemble théorico clinique, qu'il s'agisse de sa conception du féminin, du mythe de la horde primitive, de l'élaboration insuffisante des positions transférentielles et contre transférentielles et de bien d'autres notions en germes à l'époque qui demandaient à être déployées ultérieurement ou autrement. Ce qui fut fait et se fait sans cesse encore au sein de la communauté analytique.

Depuis le 1er janvier 2010,  les œuvres de Freud sont entrées dans le domaine public ; de nouvelles perspectives s'offrent aux éditeurs et aux traducteurs n'appartenant pas à la mouvance psychanalytique. On peut se réjouir que des penseurs de champs épistémologiques différents, historiens, sociologues, écrivains etc. se penchent ainsi sur cette œuvre et nous donnent à la questionner autrement. Désacralisation, démocratisation, sans doute ces termes accompagnent-ils cette nouvelle exploration. Gageons que cet événement sera davantage une source d'enrichissement plutôt qu'une entreprise de démolition, la frange séparant 2 champs d'études connexes étant souvent celle des échanges les plus féconds. Bien sûr il y aura toujours des esprits plus occupés à détruire et à réduire qu'à nuancer et à complexifier ; c'est sans doute une histoire de pulsions de mort et de pulsions de vie ou encore de degré d'entropie.     

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Une vision complexe

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Maintes fois on découvre donc, lecture faisant, qu'une nouvelle élaboration théorico-clinique de Freud n'invalide pas nécessairement celle qui précède mais la nuance ou la complexifie et c'est là une des grandes richesses de cette pensée qui ne clôt pas une découverte par une seule et unique explication. Il en va ainsi des 2 topiques, des théories des pulsions, de la théorie de la séduction etc. C'est aussi, dans cette créativité de pensée toujours renouvelée que s'origine l'ouverture de la psychanalyse aux nombreuses conceptualisations post-freudiennes.

Il n'y a pas de réductionnisme ni de simplification interprétative dans cette théorie mais au contraire une polysémie qui déconcerte certains lecteurs contemporains, plus enclins par notre époque à rechercher une vision schématique du fonctionnement psychique. Or les rêves, les fantasmes, les symptômes ne se décodent pas à la lumière d'une grille simpliste mais s'accommodent davantage d'une vision kaléidoscopique, d'une compréhension protéiforme inscrite dans un processus pour livrer une part de leurs secrets.

Les attaques contre la pensée freudienne, du moins celles qui isolent une phrase, une idée, un extrait censés démontrer une fois pour toutes les erreurs de Freud et invalider définitivement sa méthode, sidèrent par la pauvreté et l'inadéquation de l'argumentation, par le contraste avec la profondeur de la réflexion visée, par l'incompréhension de ce qu'est vraiment un cheminement analytique.

Quel que soit l'angle choisi, l'être humain est un objet complexe, hypercomplexe. Si notre cerveau se compose de plus de 100 milliards de neurones, chacun d'entre eux recevant 10000 synapses, l'inconscient freudien est, quant à lui, parfois comparé à l'espace intersidéral. Neurosciences ou psychanalyse, les champs épistémologiques qui les explorent respectivement exigent donc des explorateurs qui les parcourent d'être capables de maintenir la complexité des modèles sans vouloir les réduire ou les simplifier abusivement.

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