Gagaku : Musique traditionnelle de la Cour impériale du Japon

 

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Quand, en 1185, la classe des guerriers va prendre le pouvoir et établir un système féodal (le shôgunat), la popularité de la musique gagaku va diminuer. La noblesse de l'épée va favoriser d'autres styles artistiques, comme par exemple le théâtre . Des musiciens qui quittent la Cour impériale donneront par la suite des représentations de musique gagaku lors des cérémonies officielles dans des temples shintoïstes et bouddhistes. Sous le général en chef Toyotomi Hideyoshi (1536-1598), qui prend en 1586 le titre de dajôdaijin (ministre des affaires suprêmes à la Cour impériale) et va, pour des raisons des prestige, également entretenir un orchestre gagaku , les musiciens reçoivent des fiefs pour assurer leurs besoins matériels. Sous les Tokugawa (1603-1867) la répartition de ces fiefs dépendra des examens organisés tous les trois ans, afin de garantir une distribution adéquate. À côté des musiciens officiels, obligés à se soumettre à ces examens, un grand nombre d'amateurs, souvent issus de la noblesse de la Cour, va également participer à ces concours, ce qui permettra de maintenir un niveau d'excellence dans la pratique de la musique gagaku6.

Lors de la restauration de l'ère Meiji (1868-1912) et le renforcement de la position de l'Empereur, la musique gagaku va vivre une renaissance mais également des réformes qui mènent à une centralisation et une standardisation du répertoire et de l'interprétation des compositions. Lorque la Cour impériale choisira Tôkyô pour capitale, les musiciens officiellement en charge de la musique gagaku seront regroupés dans un nouvel orchestre, unifiant ainsi les trois styles traditionnels7.  Très conscients des traditions, les membres de l'orchestre impérial retracent souvent leurs origines jusqu'aux anciennes familles en charge des trois styles différents, représentant ainsi les influences chinoises (Ôsaka), coréennes (Nara) et japonaises (Kyôto). Actuellement ces musiciens dépendent du gakubu, le département de musique de la Maison impériale8.

percussions

Aujourd'hui, il existe encore environ 90 compositions du répertoire gagaku, regroupées dans les quatre genres suivants : musique instrumentale (kangen), danses (bugaku), chants (utamono), ainsi que la musique rituelle pour des cérémonies shintoïstes (mikagura). Les instruments sont d'origines très diverses et jouent des rôles bien spécifiques dans les quatre genres. Ils incluent les instruments à vent9 , les instruments à cordes10 et les instruments à percussion11.

 

vents


 

cordes

Des représentations par d'autres orchestres ont également lieu de nos jours lors des festivités dans des temples shintoïstes ou bouddhistes, continuant ainsi la tradition de la musique gagaku, qui, a quasiment disparu dans les régions hors-Japon dont elle était originaire.

 

 

 

 

Andreas Thele
Novembre 2010

 

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Andreas Thele est Directeur du Centre d'études japonaises (CEJ) de l'ULg. Ses recherches et ses enseignements portent sur la pensée de l'Asie orientale, et notamment sur le confucianisme.

 

 Voir  aussi : Dossier Japon

 

Pour en savoir plus

Berque, Augustin, Dictionnaire de la civilisation japonaise, Hazan, 1994
Hammitzsch, Horst (Éd.), Japan-Handbuch. Land und Leute, Kultur- und Geistesleben, 3. Auflage, Franz Steiner Verlag, Stuttgart, 1990
Kishibe, Shigeo, The Traditional Music of Japan (Nihon no dentô ongaku), Ongaku no tomo sha edition, Tôkyô, 1984
Kôshi (Kongzi), Rongo (Lun Yu), Chinois-Japonais, Meiji shoin, Tôkyô 1960, 1998
Morohashi, Tetsuji, Kô Kan-Wa jiten (Dictionnaire Chinois-Japonais), Taishukan, Tôkyô, 1982
Morris, Ivan, The World of the Shining Prince. Court Life in Ancient Japan, Alfred A. Knopf, New York, 1964
Waley, Arthur, The Analects of Confucius, George Allen and Unwin, London 1938,1988
Waley, Arthur, The Tale of Genji, by Lady Murasaki, translated from the Japanese by Arthur Waley, Modern Library, New York, 1960


 


6 Ces examens se nomment kyûdai'e en japonais. À côté de l'orchestre gagaku de la famille impériale à Kyôto, les Tokugawa entretiennent pour leur clan également un orchestre gagaku à Edo, l'actuel Tôkyô.
7 Cet orchestre comptait à l'époque Meiji environ 200 membres. En raison de l'ouverture vers l'Occident, tous ces musiciens ont été  obligés à partir de 1874 d'apprendre à jouer également un instrument de musique occidentale.
8 Le gakubu remonte à l'ancien gagakuryô, qui avait été renommé sous l'ère Meiji d'abord gagakukyoku et finalement gakubu.
9 Comme la flûte autochtone (kagurabue), la flûte coréenne (komabue), la fûte chinoise (ryûteki), etc.
10 La cithare à six cordees (wagon), la cithare à treize cordes (sô no koto) et la luth à quatre cordes (biwa).
11 Comme le grand tambour (taiko), le tambour à baguettes (kakko), un petit gong en bronze (shôko), etc.

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