Japon et littérature occidentale
Toussaint C° Hélène Bamberger

Jean-Philippe Toussaint

Les rapports de Jean-Philippe Toussaint avec le Japon sont, bien sûr, d'un tout autre ordre. C'est dans Faire l'amour, en 2002, que le pays surgit pour la première fois au cœur de la géographie romanesque de l'écrivain belge. Pour y revenir l'an dernier au milieu de La Vérité sur Marie. Mais déjà, dans son ouvrage précédent, Autoportrait (à l'étranger), Toussaint parlait de sa découverte de Tokyo, où il avait  décidé de suivre des cours de calligraphie et de cuisine  –  « pour apprendre à découper le poisson dans les règles de l'art »  – , suivie de celles de Kyoto puis de Nara, la « capitale historique », nous introduisant à un monde urbain qui habitera ses deux romans futurs.

Photo © Hélène Bamberger

Dans Faire l'amour, le Japon est le théâtre de l'énième séparation du narrateur d'avec Marie. Sous les lambris d'un grand hôtel, après avoir fait l'amour, le couple se brise peut-être définitivement, sept ans après sa formation à Paris. Styliste et plasticienne, Marie a créé sa propre marque et a conçu des vêtements expérimentaux en titane pour une exposition d'art contemporain au Contemporary Art Space de Shinagawa. Toussaint, qui a fait de nombreux séjours au Japon, dont un de quatre mois en 1996, met en scène, à la suite de son personnage, une ville à la fois réelle et fantasmée. Au cours cette dérive de deux êtres en perdition, la mégalopole apparaît à la fois comme un décor et une ambiance. Elle acquiert une présence presque charnelle.

C'est un Japon très différent qui est recomposé dans La Vérité sur Marie. En réalité, le narrateur est littéralement hors-jeu (hors-champ), et ce qu'il raconte, qui lui a été relaté par son amie, ce sont les jours qui ont suivi l'exposition de Marie à Tokyo – déjà évoquée dans Faire l'amour, ils ont rompu et ce roman est donc postérieur dans le temps. Ce Japon recréé et non vécu est en définitive réduit à son aéroport de Narita où l'amant de la jeune femme, Jean-Christophe de G. (qui meurt dans son appartement au début du roman), tente d'exfiltrer discrètement son pur-sang après sa course. Mais arrivé sur le tarmac luisant de pluie, l'animal s'enfuit dans la nuit. Ces pages en définitive fort peu « japonaises » constituent en tout état de cause l'une des plus belles prouesses littéraires de leur auteur.

Voir aussi : Entretien avec Jean-Philippe Toussaint  par Laurent Demoulin

 

Michel Paquot
Octobre 2010

icone crayon

Michel Paquot est journaliste indépendant.

 

Page : précédente 1 2 3