Comment j'ai découvert l'architecture du Japon
Le Japon et son architecture ont attiré Jean Englebert dès 1970 . Il demeure convaincu que l'architecture du 21e siècle reste à inventer là-bas comme ici. Témoignage.

« Toute chose n'est que mouvement indéfini
dont on ne connaît qu'une brève séquence,
celle qu'on a sous les yeux
».

Augustin Berque

Le début de l'aventure

Je suis allé pour la première fois au Japon en août 1970. J'étais à l'époque en charge d'une importante étude dont l'objet était la conception et la réalisation d'un prototype de maison ou de logement qui serait fabriqué et produit de manière industrielle.

Durant les deux premières années de cette étude, j'avais appris au hasard de mes lectures que des chercheurs japonais s'étaient fixé les mêmes objectifs. J'étais donc curieux de me rendre là-bas et de voir de mes propres yeux, les résultats de leurs recherches.

Lors du dîner de fin d'année organisé en août 1969 par mes étudiants, invité par eux à dire quelques mots, je les mis au défi d'organiser un voyage au Japon et de profiter de ce voyage pour visiter l'Exposition universelle qui allait s'ouvrir à Osaka en 1970.

Après quelques hésitations dues au fait que jamais une excursion aussi lointaine n'avait été imaginée au sein de l'Université, tous ensemble, nous nous sommes attachés à réunir les fonds nécessaires et à dresser un programme d'action avec l'aide d'un responsable japonais de la Japan External Trade Organization (J.E.T.R.O.), Monsieur Osamu Nozaki. Et nous y sommes arrivés ! En août 1970, nous nous envolions à quarante vers le Japon sous la bannière que nous nous étions donnée et dessinée : le coq liégeois au pays du soleil levant. Durant un mois, nous avons visité Tokyo, Nagoya, Kyoto, Himeji, Hiroshima et surtout Osaka et son exposition.

le coq liegeois Red
Figure 1: bannière liégeoise 1970

La découverte de ce pays fut pour chacun une révélation. Bien sûr, nous avions tous lu beaucoup de choses à son propos, mais le choc culturel dépassait ce que nous avions pu imaginer. Le comportement des gens, la langue, la nourriture, l'ordre, la propreté, la discipline, la conscience professionnelle, la solidarité, les moyens de communication, tout nous étonna.

Afin de réunir la somme d'argent nécessaire, je m'étais engagé vis-à-vis des firmes belges qui avaient accepté de nous aider à rédiger à leur intention des rapports relatifs à leurs préoccupations.

La découverte

Outre l'Exposition universelle et l'architecture, nous nous sommes intéressés à d'autres domaines, comme la mobilité et le développement de l'électronique par exemple, en visitant une usine Honda et un laboratoire Sony notamment. Dans ce dernier, nous avons pu à l'époque tester des appareils téléphoniques qui permettaient de voir les interlocuteurs sur des écrans. Nous étions émerveillés. Aujourd'hui, 40 années ont passé et chaque individu peut correspondre de la sorte grâce à son ordinateur ou à son gsm.

Honda suzuka red
Fig2 : chaîne de montage DAX, usine Honda à Suzuka, 1970

Organisés en petits groupes, les étudiants se répartissaient les visites nombreuses que nous avions programmées avant notre départ. Les soirées étaient mises à profit pour faire rapport et informer chaque groupe de ce que chacun avait découvert et apprécié. Les temples, les habitations traditionnelles, les réalisations contemporaines remarquables, rien n' échappait ainsi aux quarante Liégeois, qui chaque matin, partaient à la découverte des différents quartiers des villes visitées.

Quelques rencontres mémorables

Quelques rencontres mémorables avec des architectes connus comme Kisho Kurokawa et Kiyonori Kikutake, deux membres fondateurs et actifs du mouvement « métaboliste 1», nous ont apporté des informations originales à propos de leurs recherches et de leurs réalisations.

À Tokyo, nous avons pu notamment visiter l'immeuble « Nakagin capsule tower », œuvre de Kisho Kurokawa, qui venait d'être inauguré. Cent quarante volumes modulaires accrochés à deux tours en béton comportant les ascenseurs servaient de chambres d'hôtel à des hommes d'affaires qui trouvaient dans chacune les équipements les plus sophistiqués du moment : non seulement une salle de bain complète en matériau thermoformé, mais aussi le matériel électronique le plus moderne : radio, enregistreur, machine à écrire, téléviseur, ainsi qu'un four et un réfrigérateur. Rien ne manquait pour assurer une autonomie complète aux « salary men » qui ne pouvaient rentrer chez eux chaque soir .

nakagin red Nakagin vue intérieure red

Fig.3 : Nakagin capsule tower à Shimbashi, Tokyo, 1970
Fig.4 : Intérieur d'une « capsule »

Les volumes modulaires, baptisés « capsules » par Kurokawa, étaient amenés sur le chantier complètement terminés et équipés et fixés sur une des tours en béton au moyen de quatre boulons en acier à haute résistance. Comme ils étaient totalement indépendants les uns des autres, il était possible d'envisager le remplacement de chacun sans difficulté. Leur durée de vie programmée par l'architecte voisinait les 25 années.

Nous étions émerveillés et moi en particulier puisque je voyais là ce que j'essayais de faire dans mon pays ; mes photos allaient pouvoir m'aider à convaincre les responsables belges du bien-fondé de mes idées et de l'avenir que l'on pouvait en espérer pour notre pays et notre région.


 

1 Métabolisme : par analogie, recherches portant sur l'ensemble des métamorphoses que subissent les villes durant leur croissance et le renouvellement de leur tissu organique. Ce mouvement a été initié par les architectes japonais Kisho Kurokawa, Kiyonori Kikutake et Fumihiko Maki

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