Des croustillons à la foire

Comme chaque année, selon un rituel qui remonte au 14e siècle au moins, la foire s'installe à Liège pour le plus grand bonheur des petits et des grands. Après avoir occupé les quais de la Batte pendant de nombreux siècles, elle s'implante sur nos boulevards à partir de 1860 et se déplace du mois de novembre à celui d'octobre en 1871. À partir de l'ère industrielle, les attractions sont de plus en plus sophistiquées et les salons de dégustations de plus en plus luxueux. Parmi les friandises les plus attendues par le public particulièrement vorace, les fameux croustillons tiennent le haut du pavé aux côtés des laquemants. Notre petite enquête remonte aux origines lointaines de l'une de nos pâtisseries préférées.

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Photo © Jim Sumkay

La foire, une réjouissance multiséculaire

Parmi les réjouissances populaires ponctuant une année de labeur, la fête paroissiale rendant hommage au saint patron local occupe une place privilégiée. Dès le Moyen-Âge, celle-ci est une excellente occasion de manger et de boire en abondance, souvent au mépris des devoirs religieux. Quoi qu'il en soit, ce genre de fête attire les marchands en tous genres débitant dans les localités visitées des produits de première nécessité ainsi que des épices, des herbes médicinales, des tissus précieux, des bijoux, de la quincaillerie et de la maroquinerie1.

De telles fêtes existent probablement à Liège depuis les origines de la cité. Les premiers textes les mentionnant ne datent pourtant que du 14e siècle. En 1339, deux foires sont instituées à Liège avant d'être réunies en une seule par Englebert de la Marck (1345-1363) en 1350. Elle ouvre le 24 septembre de chaque année, jour de la Saint-Lambert. Comme partout ailleurs, il s'agit d'une franche foire. Les marchands venus de l'extérieur y jouissent des mêmes libertés et privilèges spéciaux que les Liégeois. Cette foire est implantée à Gravioule, en Outre-Meuse.2

En 1526, Érard de la Marck fixe au 28 avril la commémoration de la translation des restes de saint Lambert de Maastricht vers le hameau de Leodium au 7e siècle. Huit jours avant et quinze jours après cet anniversaire est établie une franche foire dans laquelle les marchandises sont libres de toutes taxes et de tous droits d'entrée. Elle est installée pour un temps au pied de Cornillon avant de rejoindre l'ancien site de Gravioule3.

Le 5 février 1663, le prince-évêque Maximilien-Henri de Bavière instaure trois franches foires par an afin de dynamiser le commerce liégeois. Ces dernières sont accompagnées de marchés aux chevaux et des prix sont remis aux propriétaires des meilleures bêtes. Cette tradition est encore vivace dans la première moitié du 19e siècle avant de péricliter, puis de disparaître. Des trois foires de 1663, une seule s'imposera définitivement, celle du 28 octobre, installée quai de la Batte4.  Au 19e siècle, elle subit deux importantes transformations qui lui donneront la physionomie qu'on lui connaît aujourd'hui.

La première concerne le lieu. Dans les années 1850 commencent les grands travaux d'aménagement de la Meuse. Il en résulte la création des boulevard d'Avroy et de la Sauvenière, gagnés sur un bras du fleuve. En même temps, la foire commence à se sentir à l'étroit quai de la Batte. Ainsi, en 1859, malgré les vives protestations des commerçants de la Batte, le conseil communal établit le nouvel emplacement quai Cockerill et boulevard d'Avroy pour la durée de la reconstruction du pont des Arches rendant impossible l'exploitation du site. Finalement, elle ne revient que furtivement quai de la Batte, en 1864, avant de s'installer définitivement sur les boulevards à partir de 1865, suite à d'interminables débats et échanges de pétitions5.

Croustillons1

Après l'emplacement, c'est un autre élément fondamental qui subit une modification : la date. En 1871, suite à deux années de temps exécrable ayant écourté les festivités, le conseil communal décide d'avancer la foire d'un mois.6 Désormais, on parle de foire d'octobre.

Nous disposons de renseignements précis sur la physionomie de la foire de Liège depuis les années 1850. Nous en avons déjà donné quelques détails dans l'article La véritable histoire de la frite. C'est pendant cette période qu'elle atteint des proportions gigantesques et que les fritures deviennent des lieux incontournables de la gastronomie foraine.




1 Foires et forains en Wallonie, Musée de la Vie Wallonne, Liège, 1989, p. 14.
2 Gazette de Liège, vendredi 13 octobre 1882, p. 3, col. 2.
3 Ibidem.
4 Ibidem.
Foires et forains en Wallonie, op. cit., p. 55.
5 Foires et forains en Wallonie, op. cit., p. 60-62.
Gazette de Liège, vendredi 13 octobre 1882, p. 3, col. 1.
6 Foires et forains en Wallonie, op. cit., p. 64, 65.
La Meuse, vendredi 7 octobre 1892, p. 2, col. 2.
 
Photo de l'entrée de la Foire de Liège © Bénédicte Tondeur

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