Les bancs d'Izoard

Jacques Izoard a beaucoup parlé de Liège, et des lieux qu'il y affectionnait, comme les escaliers ou les places. On aurait pu installer les bancs dans d'autres lieux, auxquels il était aussi attaché.

Aloys Beguin : À l'origine, nous répondions à un appel à projets de la Ville de Liège sur le thème des bancs publics. Daniel Dutrieux avait proposé une «promenade Jacques Izoard» en pointant les lieux dont Izoard parlait dans ses poèmes et d'y installer des haltes. Cependant,  la Ville a sélectionné trois projets – un projet du Créahm, un projet de Benjamin Pailhe et le nôtre –  qui ont donc dû se partager le budget. Cela changeait évidemment la donne.  Au cours d'une réunion de travail avec Anne Rondia, responsable des espaces publics à l'Échevinat de l'Environnement, nous avons choisi d'ancrer notre projet sur la place des Béguinages, qui est une place un peu  «oubliée».  Jacques Izoard la fréquentait. Il habitait à moins de 500 mètres de là.

Avez-vous expliqué votre projet aux habitants du quartier, aux habitués de la place ? Sont-ils étonnés ou troublés par la nouvelle figure de la place ? 

Aloys Beguin : Nous avons eu  quelques réactions positives, effectivement. Mais nous sommes particulièrement heureux d'avoir trouvé parmi les habitués du lieu un véritable ambassadeur du projet. Au début, cette personne était méfiante, voire négative. Nous étions en train de modifier fortement son environnement et donc ses habitudes.  Nous avons pris le temps de lui expliquer le concept, la stylisation des lettres qui forment le nom d'Izoard, l'hommage au poète à travers une biographie en plein air... Le nom seul d'Izoard a suffi à le convaincre : « Mais Izoard, je le connaissais ! ». Depuis, il est devenu une sorte de guide officieux de la place.

corpscaresse


Daniel Dutrieux
: En imprimant sur les dossiers des titres de recueils de Jacques,  nous espérons donner l'envie aux gens de se les procurer et de s'installer sur la place pour un moment de lecture...  Tout à l'heure,  une jeune  femme est venue sur cette place, avec sa classe. Elle a parlé de Jacques Izoard à ses élèves et leur a fait découvrir sa poésie .  Nous en étions très heureux.   C'est un lieu très fréquenté par les jeunes et il est important aussi pour eux de connaitre le sens du mobilier urbain, ce qui les inciterait peut-être à lui porter plus de respect.


Vous avez conçu ces bancs pour qu'ils résistent aux attaques du temps ou du vandalisme.

Aloys Beguin : Les bancs sont en effet composés d'une tôle d'acier de 10 mm. La peinture est cuite au four comme un émail et les textes sont inclus dans la peinture. Par-dessus, on a appliqué une couche très épaisse de vernis  anti-graffiti, cuite au four également , qui protège l'ensemble. Nous avons conçu les bancs comme une fine feuille bicolore, bleue et grise, qui serait pliée, pour obtenir à la fois une forme de banc et une forme de lettre stylisée, proche de l'abstraction. L'acier convenait bien et permettait  une pureté de la forme. Nous avons travaillé avec deux entreprises de la région, qui se sont passionnées pour le projet. Ca a été une collaboration très agréable. Et nous sommes très heureux du résultat.

Malheureusement, il y a déjà des endroits griffés au canif. Ces bancs n'ont pas été conçus comme une œuvre à l'abri dans un musée. C'est du mobilier urbain et comme pour tout mobilier installé dans un espace public, il y a des risques de dégradation et de vandalisme.  C'est malheureusement inévitable.

Aff IZOARD WEB
Photo © Daniel Dutrieux

Est-ce qu'il y aura sur la place un petit panneau donnant quelques informations sur cette installation en hommage à Izoard ?

Aloys Beguin : Il y a sur la place, dans un panneau publicitaire,  une photo magnifique représentant Jacques Izoard. Nous espérons vivement qu'elle y restera définitivement. Nous n'en sommes pas peu fiers. Discrètement, au pied de la photo, un petit commentaire explique le projet. Et aussi ce petit mot manuscrit de Jacques izoard, qui nous emmène loin, au pays du rêve... C'est très amusant de voir cette photo rétro-éclairée le soir dans ce panneau publicitaire, surtout quand on a connu le personnage...

Propos recueillis par Vincianne D'Anna
Octobre 2010

 

icone crayon


Vincianne D'Anna est journaliste indépendante.

microgris

Aloys Beguin est professeur à la Faculté d'Architecture à l'Université de Liège, site Outre-Meuse

 

microgris

Daniel Dutrieux est plasticien, sculpteur et artiste-peintre.

 

Page : précédente 1 2 3