Les bancs d'Izoard

Depuis ce mois d'octobre, la Ville de Liège rend un nouvel hommage au poète liégeois Jacques Izoard. Six bancs publics, créés par Daniel Dutrieux et Aloys Beguin,  inspirés par les lettres du nom du poète, ont été installés à l'ombre des six marronniers de la place des Béguinages. Cette petite place, située à un jet de pierre de son domicile, était fréquentée par le poète. Des habitants du quartier en gardent le souvenir. Rencontre avec les artistes.

Pourquoi avez-vous choisi de styliser les lettres du nom d'Izoard pour créer ces bancs publics ?

Daniel Dutrieux : Aloys Beguin et moi-même ne voulions pas d'un acte de démonstration. où son nom serait directement lisible. Nous voulions tout simplement que les lettres qui composent le nom Izoard soient présentes sur la place, que ces bancs contiennent en quelque sorte un texte caché, sur lequel on peut s'asseoir.

Si on regarde les bancs d'un peu plus près, on remarque plusieurs rainures dans l'assise,  figurant les lignes d'un livre dont le texte serait absent ou en devenir. Bien sûr, elles sont aussi fonctionnelles,  elles servent à l'évacuation de l'eau. Mais  c'est surtout une référence au texte qui est à la fois présent et absent. On peut donc distinguer plusieurs niveaux de lecture : tout d'abord, les lettres formant le nom Izoard, les rainures représentant le texte et ses paragraphes et la bibliographie de Jacques gravée sur les dossiers. C'est une bibliographie très sélective, malheureusement  : il aurait été impossible que toutes ses publications y figurent.

IZOARD EN LIGNE
Les bancs d'IZOARD, document d'étude © Daniel Dutrieux & Aloys Beguin 2010

Comment êtes-vous arrivés à travailler à deux sur ce projet ?

Daniel Dutrieux : Nous nous connaissions déjà et étions proches de Jacques. J'étais un de ses amis, Aloys Beguin un de ses proches voisins. Notre collaboration a été une expérience très agréable. Nous avons vraiment tout fait ensemble, sans nous cantonner à des rôles définis qui auraient été pour moi celui du plasticien et pour Aloys Beguin, celui de l'architecte. C'était réellement une collaboration d'artistes. De plus, nous rendions hommage à un ami et on voulait aller jusqu'au bout des choses.

D'ailleurs, le projet s'est déroulé très rapidement. En avril, l'idée de créer quelque chose à partir du nom d'Izoard a germé. Nous avons réalisé quelques esquisses, pour trouver la forme qui conviendrait le mieux à ce type d'ancrage et à la circulation des gens. En une dizaine de jours, le projet était dessiné.

Aloys Beguin : C'était vraiment un travail à quatre mains. Nous nous complétions l'un l'autre, rebondissant sur les idées de l'autre,  avec une belle complémentarité de sensibilité ou de réflexion. Il est vrai que le projet a évolué assez rapidement et assez facilement, alors que les autres projets sur lesquels je travaille durent parfois des années. Le concept a évolué et s'est progressivement chargé de sens. Par exemple, les titres de recueils sur les dossiers en font presque des fragments poétiques errants qui tombent sur les bancs... c'est une idée qui s'est construite au fur et à mesure de l'avancement du projet.

Pourquoi des bancs publics pour rendre hommage à un poète ?

Daniel Dutrieux : J'avais un jour un rendez-vous avec Jacques. Quand il est arrivé, il était furieux , scandalisé et voulait exprimer au bourgmestre sa désapprobation. On venait de retirer les bancs de son quartier,  parce que des SDF s'y vautraient. Jacques Izoard était très sensible à la cause des SDF, il n'était pas rare qu'il passe du temps avec eux.  Il se montrait aussi très généreux.J'ai eu l'occasion de rencontrer quelques personnes qui fréquentent l'abri de jour situé aux abords de la place des Béguinages. Nous avons parlé de Jacques Izoard. Certains d'entre eux le connaissaient personnellement, ayant conversé avec lui sur des bancs publics... Il nous a donc semblé opportun de lui rendre hommage de cette façon.

La couleur bleue n'a pas été choisie par hasard. On sait que c'était sa couleur favorite.

Daniel Dutrieux :  Il a d'ailleurs écrit un très beau recueil intitulé Le bleu et la poussière. Cependant, il existe des dizaines de milliers de tons de bleu. Nous avons doc tenté de définir «le bleu de Jacques», grâce particulièrement à l'enregistrement d'une conversation que le poète avait eue avec quelques amis au cours de laquelle quelqu'un lui avait demandé de définir son bleu. Malgré les explications relativement  précises d'Izoard dans cet enregistrement,  il nous a fallu faire des hypothèses, pour déterminer la couleur décrite.


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Photos © Michel Houet - ULg

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