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Pomme d'or et pomme d'amour / 2

24 septembre 2010
Pomme d'or et pomme d'amour / 2

Nous avons laissé la tomate au 18e siècle aux portes de l'Europe septentrionale. Il est temps à présent d'examiner comment la pomme d'amour est entrée en Belgique, pays peu propice à la culture de la tomate. Mais avant, voyons l'évolution de ce fruit du point de vue de sa forme et de sa couleur.

L'évolution morphologique

Mattioli Pierandrea tris

Les espèces, originaires du Mexique, varient par la taille, la forme et la couleur. En Europe, elles gagnent en taille et passent progressivement du jaune (d'où son nom pomme dorée ou pomme d'or) au rouge. Dans les années 1550, Matthioli distingue la tomate jaune de la tomate rouge1. Au 18e siècle, l'abbé Rozier ne parle plus que d'un fruit « d'un beau rouge vif »2. À la même époque, Valmont Debomare décrit, quant à lui, un fruit « jaune rougeâtre »3.

Pietro Andrea Matthioli (1501-1577)

Sa forme, quant à elle, ne change pas. Il s'agit d'un fruit aplati constitué de plusieurs lobes4. En 1800, Le Bon Jardinier se contente de distinguer la grosse tomate de la petite. Six ans plus tard, Vilmorin-Andrieux5 en répertorie sept variétés en fonction de leur couleur (jaune ou rouge), leur taille, leur forme et leur précocité6. Les parutions suivantes de Vilmorin-Andrieux permettent de suivre la multiplication des variétés de tomates au cours du 20e siècle. L'édition de 1946 en propose 35 « parmi les innombrables variétés »7. Le catalogue officiel français de 2000 énumère 287 variétés hybrides et 30 variétés fixes. Dans le monde, on estime à 2000 le nombre de variétés.

En France, dans les années 1950 et 1960, les tomates plates et côtelées, du type « Marmande » sont très populaires, car très précoces. On les récolte dès le mois de juin. Comme les primeurs sont les plus rémunératrices, les techniques évoluent dans ce sens depuis le 19e siècle : culture à l'abri des haies protectrices, culture sous châssis, sous tunnels en plastique non chauffés, puis chauffés, sous serres en verre, en sol ou hors sol. Dernièrement, l'importation hivernale de tomates fraîches a stoppé la course aux primeurs, devenue obsolète8.

Le triomphe de la tomate

La gastronomie italienne raffole des pâtes, accompagnées de fromage et de lard ou de beurre, depuis le Moyen-Âge. Elle admet totalement la tomate à la fin du 17e siècle. Il faudra encore attendre un petit siècle avant que les deux stars de la cuisine de la péninsule se marient. À la fin 18e siècle, c'est chose faite. La sauce tomate accompagne enfin les pâtes. Aux alentours des années 1820, l'union est définitivement conclue. Le trio pâte – tomate – fromage est consacré. De saveur douce et bon marché, la tomate séduit rapidement la bourgeoisie qui la consacre aliment principal de la cuisine nationale. En plus d'assaisonner des pâtes, elle alimente la sauce principale de la petite et de la grande restauration et accompagne les viandes. Comme la pomme de terre, elle va réunir pauvres, bourgeois et aristocrates.

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© Ignatius Wooster - Fotolia

C'est à la fin du 18e siècle que la tomate fait enfin son apparition dans le Nord de l'Europe. D'après la légende, ce sont les fédérés marseillais qui réclament des tomates dans les établissements parisiens en 1793. La vérité semble plus prosaïque. Pendant l'époque révolutionnaire, les restaurants connaissent une croissance extraordinaire à Paris. Parmi les chefs les plus réputés, se trouvent quelques Marseillais qui promeuvent la cuisine régionale. Les Trois frères provençaux ou le chef du Bœuf à la mode peuvent être considérés comme les véritables introducteurs de la tomate dans la capitale de la gastronomie. Elle devient vite à la mode. Le gastronome Grimod de la Reynière, dans son Almanach des gourmands, nous apprend que les tomates se vendent aux Halles de Paris par « grands paniers » au début du 19e siècle et qu'on la déguste en sauce pour accompagner les viandes, en coulis dans les potages au riz gras et en entremets, à savoir farcie9. Il lui prédit un avenir radieux. L'histoire lui donnera raison.

Les trois frères provençaux450
Les « Trois frères provençaux » est parmi les tout premiers restaurants parisiens
à servir des tomates (représentation de 1842, H. Roger-Viollet).

En effet, La tomate ne se contente pas de gagner l'Europe septentrionale en ce début de 19e siècle. Elle prend également d'assaut les États-Unis, à partir de la Louisiane vers le Nord du pays. À New York, le procureur de la cour suprême la classe parmi les légumes, en se basant sur son mode de consommation et non sur sa nature. Il permet ainsi de prélever la taxe de 10% sur les légumes provenant des Antilles.

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La tomate est désormais pleinement entrée dans la gastronomie. L'ère industrielle va consacrer son triomphe. L'industrie va faire connaître la tomate dans tous les pays européens. À partir de la deuxième moitié du 19e siècle, la fabrique de conserves métalliques se développe fortement en Italie. La tomate, devenue base des sauces italiennes et aliment indispensable à la cuisine toute l'année, devient la reine de la boîte de conserve. Le jus de tomate remplace le jus de viande plus onéreux. Le secteur est alors dominé par la Cirio, dirigée par Francesco Cirio et qui siège à Turin. La Società anonima d'eportazione agricola exporte de grandes quantités de fruits et de légumes vers tous les pays où le climat en interdit la culture. C'est ainsi que la plupart des Européens du Nord découvrent les légumes méditerranéens10.

Après 1880, les Américains passent à la vitesse supérieure, avec les entreprises Campbell, Heinz et Borden qui lancent les premières grandes campagnes de publicité, écoulent leur production à l'échelle mondiale et améliorent l'approvisionnement en matières premières de leurs usines. Dès à présent, le marché mondial est inondé de tomates11.

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1 Michel Pitrat et Claude Foury, Histoires de légumes, des origines à l'orée du XXIe siècle, Paris, Institut de la Recherche Agronomique, 2003, p. 268
2 L'abbé Rozier, Cours complet d'Agriculture, Théorique, Pratique, Economique, et de Médecine Rurale et Vétérinaire, suivi d'une Méthode pour étudier l'Agriculture par Principes ; ou Dictionnaire Universel d'Agriculture, Tome huitième, Paris, 1789, p. 176, col. 2
3 M. Valmont de Bomare, Dictionnaire raisonné universel d'histoire naturelle, contenant l'histoire des animaux, des végétaux et des minéraux, Tome Quatrième, Paris, Chez Didot, Musier, De Hansy et Panckoucke, 1764, p. 460
4 Matthioli la décrit comme un « fruit aplati et côtelé qui de vert, devient jaune d'or ». D'après Tevoux, plus d'un siècle plus tard, « son fruit est gros comme une petite pomme, rond, uni, luisant, mou, de couleur jaune, tirant sur le rouge, divisé en plusieurs loges qui renferment plusieurs semences rondes, jaunâtres. » Encore un siècle plus tard, Larousse la décrit comme « glabre, déprimée au sommet et à la base, à peau résistante, de grosseur variable, assez volumineuse, lobée et de forme très irrégulière, qui, d'abord verte, prend, lors de la maturité, une belle teinte jaune ou rouge. Cette baie est divisée en plusieurs loges, gorgées de suc, au milieu du quel nagent les semences velues, de couleur jaune et de forme lenticulaire ».
5 La tomate entre dans l'Encyclopédie du bon jardinier de Vilmorin-Andrieux en 1785.
6 Aujourd'hui, on a ajouté à ces critères la résistance au froid et aux maladies.
7 Michel Pitrat et Claude Foury, op. cit., p. 272
8 Michel Pitrat et Claude Foury, op. cit., p. 272
9 Voyez la recette précoce de tomates farcies (1750) dans la première partie de l'article.
10 Jean-Louis Flandrin et Massimo Montanari, op. cit., pp. 788, 789
11 Idem, p. 791

La tomate en Belgique

La culture de la tomate, nous le savons tous, nécessite un climat chaud et une terre bien fumée. Autant d'obstacles à son exploitation dans nos contrées qui, jusqu'au 19e siècle, subissent de longs hivers rigoureux et profitent d'un été trop court pour que la plante achève correctement son cycle végétal. En conséquence, à l'heure où la tomate connaît un succès fulgurant chez les maraîchers de l'Île de France, les Belges se limitent encore aux légumes traditionnels, acclimatés depuis longtemps à nos régions. Dans la première moitié du 19e siècle, on peut acheter sur le marché bruxellois, à prix exorbitant, quelques pommes d'amour d'origine parisienne. Ce commerce, trop étroit, n'est pas suffisant pour changer les habitudes culinaires des habitants du plat pays.

Dans la région liégeoise, au 18e siècle, la liste des légumes cuisinés est quasiment la même que celle de Lancelot de Casteau, le fameux maître queux des princes-évêques de Liège au cours de la deuxième moitié du 16e siècle. Les soupes et ragoûts ne contiennent rien d'autre que des oignons, des échalotes, des carottes, des navets, des artichauts, des fèves, des pois, des haricots, des salades, des endives, du cerfeuil, du chou, des concombres, des cornichons, des salsifis, des scorsonères, du pourpier et des lentilles12. Hormis la pomme de terre, les légumes méditerranéens et américains n'ont pas encore conquis l'Europe septentrionale.

En 1809, au château du Marquis de Trazegnies d'Ittre, aucune diversification n'est à signaler. On y consomme des asperges, du chou, de la salade, des petits pois, des carottes, des artichauts, des fèves et des endives13. Apparemment, les Belges sont plutôt conservateurs dans leurs habitudes alimentaires. L'ananas, un des rares produits exotiques s'invitant sur toutes les tables mondaines, n'est qu'un effet de mode venu de Paris. Où sont les tomates, les aubergines et les poivrons méditerranéens ? En ce début de 19e siècle, on n'en trouve trace nulle part.

Un siècle plus tard, la situation ne semble pas s'être beaucoup améliorée. Une famille de bourgeois de Tamines, qui tient rigoureusement son journal de dépenses dans les années 1890 et 1900, nous offre un bien triste tableau culinaire. Son quotidien se compose encore et toujours de pommes de terre, d'oignons, de salade, de radis, de chou rouge, d'asperge, de pois, de fèves, de navets, de poireaux, d'épinards, de haricots, d'oseille, de cerfeuil et de céleri14. Et toujours pas la moindre trace de tomate dans les menus familiaux.

C'est que le climat n'est pas bon pour les tomates en Belgique. On n'y peut rien, se résignent à déclarer les horticulteurs. Voilà un avis que ne partagent manifestement pas les rédacteurs du Journal d'Horticulture Pratique. Dès les années 1840, ils militent contre les préjugés sur la tomate et pour l'expansion de sa culture dans le pays. En 1849, on en est sûr, la tomate peut pousser, et même pousser très bien, chez nous. Cette année-là, un horticulteur des environs de Vilvorde l'a démontré de manière éclatante, à la stupéfaction des chalands du marché de Bruxelles. Il vient de briser un préjugé tenace, celui qui consiste à dire qu'une bonne tomate ne peut provenir que de Paris. Pour la première fois en Belgique, on présente des tomates de première qualité et de prix modique.

Tout est une question de méthode. Évidemment, la tomate ne va pas pousser comme le chou de Bruxelles ou la carotte. Elle demande des soins particuliers. Mais si on applique rigoureusement la méthode qui nous vient de Paris, on obtient à coup sûr de beaux fruits avec un excellent rendement. Grâce à ce savoir faire, ce jardinier obtient de beaux fruits d'un diamètre de 10 centimètres avec un rendement de 2 kg par mètre carré.

Son procédé est quasiment le même que celui d'aujourd'hui, à cette différence près qu'il ne fait aucune distinction entre les précoces et les tardives au moment de planter. C'est grâce à la taille qu'il hâte ou retarde la venue du fruit.

Au mois de février, sous un châssis vitré, notre horticulteur sème ses graines sur une couche de fumier de cheval de faible chaleur recouverte de bonne terre de jardin mêlée à du terreau. Il les plante assez serrées pour que les pieds ne se développent pas trop avant de les repiquer.

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Jeunes plants de tomates

Quand les tomates sortent de terre, s'il ne gèle pas, il les aère en soulevant les châssis, sans oublier de les fermer hermétiquement chaque soir. À ce stade-ci, il faut arroser modérément la tomate, l'humidité de la terre étant suffisante pour les jeunes plants. En général, les jardiniers belges, peu accoutumés à cette culture, commettent l'erreur de trop arroser la tomate qui se développe trop sous le châssis. Une fois repiquée à l'air libre, trop longue et effilée, elle donne alors plus de feuilles que de fleurs. On remarque que si on l'arrose avec modération, elle reste stationnaire, souffre peu de la transplantation, et commence à fleurir 15 jours ou un mois avant les tomates trop arrosées sur la couche.

Arrive ensuite le moment de repiquer les tomates. Le repiquage a pour but de ralentir leur croissance et de hâter leur floraison. On le pratique une première fois sous châssis froid, lorsqu'elles ont atteint 7 à 8 centimètres, et une deuxième fois à l'air libre. Le deuxième repiquage se fait derrière les pois précoces déjà bien avancés. Ainsi protégées, les tomates sont disposées à fleurir de bonne heure.

Après le repiquage, on peut arroser fréquemment de jus de fumier et d'eau. Protégées par les plants de pois précoces plantés en position inclinée, les tomates poussent alors avec beaucoup d'énergie. Ainsi, en juillet, elles dépassent la hauteur d'un mètre et se couvrent de fleurs et de fruits. C'est alors qu'on applique à la plante une taille sévère afin d'éliminer les pousses inutiles et les fleurs superflues. Les tomates dont on veut obtenir les premiers fruits sont pincées au sommet et aux pousses latérales. L'arrosage est supprimé. On obtient ainsi des tomates mûres et de moyenne grosseur en septembre. En taillant et en pinçant plus ou moins sévèrement, en arrosant plus ou moins largement, on a des fruits à différentes époques. Les plans de tomates auxquels on laisse prendre tout leur développement dépassent 2 mètres de hauteur et se chargent de fruits dont certains atteignent 10 cm de diamètre.

De cette manière, n'importe quel jardinier peut arriver à faire pousser ses tomates avec succès. C'est pourquoi le Journal d'horticulture pratique de 1849 souhaite voir beaucoup d'horticulteurs appliquer cette méthode d'une efficacité inédite15.


 
 
12 Ces informations sont issues d'une étude statistique effectuée à partir du manuscrit retrouvé à Havelange contenant 138 recettes. Nous avons déjà parlé de ce manuscrit dans l'article Du boulet à Liège.
13 Archives de l'Etat de Namur, Papiers de Gillon-Charles-Joseph, marquis de Trazegnies d'Ittre, et Amélie-Constance de Nasau, 80, 1803-1812
14 Bibliothèque générale de l'Université de Liège, Salle des Manuscrits, MS 6503
15 Journal d'horticulture pratique ou guide des amateurs et jardiniers, publié sous la direction de M. Scheidmeiler, professeur de botanique à l'école vétérinaire de l'état, depuis 1844, Bruxelles, F. Parent, imprimeur-éditeur, Montagne de Sion, 17, pp. 200-203 et 345, 346

Les pommes d'amour en maigre

Après la recette de pommes d'amour en gras, voici celle en maigre, c'est-à-dire sans viande.

Pommes d'amour en maigre.

Ecaillez, vuidez, & lavez bien vos soles, pour cette Entrée. Il en faut de petites ; coupez-en la tête, les nageoires & la queuë ; fendez-les ensuite tout du long par la moitié ; refendez-les en large sans les séparer, afin qu'un côté paroisse blanc, & l'autre jaspé ; (c'est celui du dos ;) frotez ensuite de beurre vos pommes d'amour ; garnissez-les de papier beurré. Arrangez-y ensuite vos soles, la pointe en bas, & les faites croiser les unes sur les autres. Quand vos deux pommes d'amour sont remplies avec la même cérémonie, mettez-y un peu de sel, & faites un ragoût de laitance de carpes16 et de filets de soles.

Faites frire deux soles ; faites blanchir trois ou quatre laitances de carpes. Quand elles sont blanchies, mettez-les dans l'eau fraîche ; mettez un morceau de beurre dans une casserole avec champignons, mousserons & trufes, & les passez sur le feu ; poudrez-les d'une pincée de farine ; moüillez d'un peu de jus, maigre ou gras ; assaisonnez de sel, poivre, tranches de citron & une pointe de rocambole. Levez ensuite les filets de soles frites ; coupez-les encore en filets minces ; ôtez-en la peau, mettez-les dans votre ragoût avec les laitances de carpes, quelques morceaux de culs d'artichaux ou pointes d'asperges. Votre ragoût achevé, liez-le d'un coulis d'écrevisses. (Voyez au mot Erevisses, la manière de le faire.) Remplissez-en vos pommes d'amour.

Levez ensuite la croûte d'un petit pain rond, de la grandeur de votre pomme d'amour ; frotez de beurre dessus & dessous, appliquez-la sur votre pomme, de façon qu'elle y entre un peu. Dorez cette croûte avec un jaune d'œuf, ramenez les pointes de soles par-dessus ; faites de même à chaque pomme. Mettez-les ensuite cuire tout doucement sur de la braise, quand elles sont cuites, ôtez le papier, dressez-les dans un plat avec un coulis d'écrevisses par-dessus. (Voyez au mot Ecrevisses, la manière de la faire.) Vous pouvez aussi vous servir d'un autre coulis, & servez chaudement pour Entrée.

Ces pommes d'amour tant en gras qu'en maigre ne peuvent être mal-faisantes parce qu'il n'y entre que des choses saines ; mais pour qu'elles ne produisent aucuns mauvais effets, il faut que les assaisonnemens soient ménagés ainsi que dans toutes les farces & dans les autres ragoûts, qui pour l'ordinaire ne sont funestes à la santé que par l'excès des assaisonnemens17.

Coulis d'Écrevisses en maigre.

Prenez des écrevisses & les lavez dans plusieurs eaux, & les faites cuire dans l'eau ; cuites, épluchez-les & mettez les coquilles à part ; prenez une douzaines d'amandes douces & les pilez dans le mortier avec les coquilles d'écrevisses ; étant bien pilées, prenez un oignon avec quelques carotes & des panais coupés par tranches, & le passez dans une casserole avec un peu de beurre ; étant à demi-roux, moüillez-le d'un boüillon de poisson & assaisonnez de sel, de deux ou trois clous, peu de basilic, champignons et trufes, quelques croûtes de pain, un peu de persil, une ciboule entiere ; faites mitonner le tout ensemble ; étant mitonné tirez du mortier les coquilles d'écrevisses pilées, & les délayez dans la casserole où est le coulis, & leur faites prendre un boüillon ; passez-le ensuite dans une étamine, mettez le dans une marmite ou dans une terrine & vous en servez pour toutes sortes d'Entrées & potages maigres18.

Recette actualisée

4 tomates, 4 soles pour chemiser (faites lever les filets par votre poissonnier), beurre, sel, 4 petits pains ronds de la grandeur des tomates, 1 jaune d'œuf.
Pour le ragoût de laitance de carpe : 2 soles entières, 3 ou 4 laitance de carpe, huile de truffe, champignons, mousserons (facultatif), farine, fonds d'artichaut ou pointes d'asperges, fumet de poisson, coulis d'écrevisses, sel, poivre, 1 citron, ail.
Pour le coulis d'écrevisses :4 écrevisses, amandes, 1 oignon, 1 carotte., 1 panais, huile de truffes, fumet de poisson, sel, 2 clous de girofle, basilic, champignons, croûtes de pain, persil, 1 oignon jeune entier.

Le coulis d'écrevisses

Cuire les écrevisses dans de l'eau bouillante.
Lever la chair, réserver les carcasses.
Piler les carcasses avec les amandes.
Couper grossièrement les oignon, carotte et panais et les faire revenir dans de l'huile de truffes.
Mouiller de fumet de poisson. Assaisonner avec du sel, 1 ou 2 clous de girofle et du basilic. Ajouter les champignons, quelques croûtes de pain, du persil et un oignon jeune.
Quand le coulis a bien mitonné, ajouter les carcasses d'écrevisses et laisser 1 bouillon.
Passer à l'étamine. Réserver.

Préparer les tomates farcies

Faire lever les filets de sole par le poissonnier.
Préparer un fumet de poisson ordinaire.
Frotter les tomates de beurre et les entourer de papier beurré (dans les recettes en maigre, les bardes de lard sont proscrites).
Vider les tomates.
Chemiser l'intérieur des tomates avec les filets de sole, les pointes vers le dessous.

Le ragoût de laitance de carpe

Frire les soles et en lever les filets. Retirer la peau.
Dégorger les laitances de carpe dans plusieurs eaux et les blanchir. Les mettre dans de l'eau fraîche.
Faire revenir les champignons dans de l'huile de truffe.
Singer et mouiller de fumet de poisson.
Saler, poivrer. Ajouter du citron et de l'ail.
Ajouter les filets de soles et les laitances dans le ragoût avec le cœur d'artichaut coupé en dés ou les pointes d'asperge et la chair d'écrevisses.
Lier avec une partie du coulis d'écrevisses.
Remplir les tomates de ragoût.

Terminer les tomates farcies

Lever la croûte des petits pains et la frotter de beurre des deux côtés.
Enfoncer légèrement les croûtes de pain dans les tomates afin qu'elles forment un dôme au-dessus de la tomate. Dorer le pain au jaune d'œuf. Faire en sorte que les soles passent par-dessus les petits pains.
Cuire au four à 140° pendant 20 à 30 minutes.
Ôter le papier, dresser dans un plat et napper de coulis d'écrevisses.

Pierre Leclercq
Septembre 2010

crayon

 Pierre Leclercq est historien de la gastronomie. Avec chercheurs et artisans de Thoueris, il redécouvre et confectionne des plats anciens à l'identique.



16 La laitance est la glande d'où provient la substance molle et blanchâtre que le poisson mâle répand sur les œufs de la femelle, et son contenu.
17 Briand, Dictionnaire des alimens, vins et liqueurs, Paris, 3 volumes, 1750, t. 3, p. 103-105.
18 Idem, t. 1, p. 512.


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