Santiago Calatrava ou la poétique des structures
toronto

Plus largement, Calatrava revendique l'importance de la nature comme source d'inspiration : feuilles, pétales, palmiers, arbres se déploient pour envelopper l'espace. Observant les colonnes inclinées de la gare de Stadelhofen ou les deux rangées « d'arbres » de la galerie de BCE Place à Toronto, on ne peut que penser à son illustre compatriote Antoni Gaudi, qu'il rejoint aussi par l'usage de l'arc parabolique scandant l'espace, comme dans les sous-sols de la gare liégeoise. Souvent, la lumière qui traverse les structures réanime leur mouvement cristallisé et le processus de création des formes. Mais parfois le mouvement est bien réel : dans la foulée de ses recherches doctorales, Calatrava explore dans son œuvre sculptée et architecturale le mouvement qui transforme des structures planes ou linéaires en structures tridimensionnelles courbes. Ainsi, partant de ses premiers projets comme l'entrepôt de Coesfeld (1983-85), où les portes se replient pour former des auvents, il en arrive à des mouvements d'envergure monumentale.

Valence

À la Cité de la Science de Valence (1999-2004), le planétarium évoque le mouvement d'une paupière alors qu'au Musée d'Art de Milwaukee (1994-2001), un immense pare-soleil suggère l'envol d'un oiseau. Dans des projets plus modestes comme la fontaine d'Alcoi ou une entrée du métro de Valence, les structures se confondent avec le sol quand elles ne sont pas en usage, et même le béton, que l'on croyait immobile, s'anime dans la Shadow Machine, exposée dans la cour du MoMA en 1993 puis à la Biennale de Venise.

Ci-dessus : À gauche : Toronto, BCE Place, 1987-1992 © Sharon Kennedy - À droite :  Planétarium de la Cité des Arts et des Sciences, Valence, 1999-2004 © Hannu Liivaar

 

Séville

C'est dans la construction de ponts, au programme plus épuré, que Calatrava pousse le plus loin l'expression du mouvement, l'expérimentation et la liberté structurelle. Abandonnant souvent le principe de symétrie au profit d'une composition dynamique pour dialoguer avec le paysage ou le flux des déplacements, il exploite de manière inédite et audacieuse les phénomènes de la torsion et de l'équilibre des forces. Ses ponts à arche inclinée (Orléans, Bilbao, Liège par exemple), ou l'incroyable pylône incliné du pont Alamillo de Séville, équilibrant par son seul poids la traction exercée par le tablier sur les haubans, donnent l'impression au spectateur de surprendre un mouvement en suspens plutôt que d'observer une structure fixe et stable.

Pont Alamillo, Séville, 1987-1992 © Francisco Javier Alcerrecia Gomez

Tout en faisant appel aux technologies les plus pointues, l'œuvre de Calatrava est intemporelle par ses sources d'inspiration et sa limpidité conceptuelle. Par delà les siècles, elle illustre et nous rappelle l'idéal vitruvien, équilibre parfait entre efficacité et beauté. Et si l'emphase et la démesure de ses réalisations sont fréquemment reprochées à l'architecte, il faut admettre qu'elles ne sont qu'à l'échelle de la générosité des intentions de cet humaniste contemporain.

 

Claudine Houbart
Août 2010

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Claudine Houbart enseigne l'histoire de l'architecture et la conservation du patrimoine à la Faculté d'architecture. Ses principales recherches portent sur la théorie et l'histoire de la conservation-restauration aux 19e et 20e siècles.
 

 



Voyez aussi le dossier : La gare de Calatrava et les nouveaux visages de Liège et notamment les articles :

 



Portrait © Suzanne De Chillo - New York Times

 

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