Daniel Cunin : « Le traducteur est un passeur »

Daniel Cunin est détenteur de deux DEA, l'un en Droit (Aix-en-Provence), l'autre en Études germaniques (Paris IV-Sorbonne). Il a enseigné le néerlandais et a été chargé de cours de traduction littéraire à la Sorbonne-Paris IV, département de néerlandais. Il a dirigé plusieurs séminaires de traduction littéraire (Amsterdam, Anvers, Gand, Paris, Utrecht, Nimègue...) et a interviewé lors de manifestations littéraires des romanciers néerlandais (Hella S. Haasse, Kader Abdolah, Abdelkader Benali, Adriaan van Dis, Willem Jan Otten...). Il collabore aux revues Deshima et Septentrion. Outre des romans ou de la poésie, il traduit également des livres pour enfants, des livres d'art ou même des bandes dessinées (comme Les Somnambules de Randall C.). Il vient de participer à la traduction d'une anthologie Poètes néerlandais de la modernité qui devrait paraître prochainement. Et il est en train de terminer pour Actes Sud la traduction d'un roman du Néerlandais Abdelkader Benali, une chronique familiale farfelue racontée par un bébé sur le point de naître.

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Trois livres parus ces derniers mois ont été traduits par Daniel Cunin. Le Voyage vers l'enfant (Éditions Héloïse d'Ormesson) est le troisième roman de Vonne van der Meer (née à Eindhoven en 1952) qu'il traduit pour la même éditrice après La Maison dans les dunes (réédité en 10/18 sous le titre Les Invités de l'île) et Le Bateau du soir (également disponible en 10/18), les deux premiers volets d'une trilogie qui se déroule sur une île frisonne. Si Le Voyage vers l'enfant commence dans ce même lieu (il ne s'agit toutefois pas du dernier tome de la trilogie), il nous invite à suivre au Pérou des Hollandais partis adopter un nouveau-né. Mais ce couple n'est pas au bout de ses surprises. Il s'agit d'un très beau texte surprenant et finalement plein d'humour, simple et intime, qui sonne toujours juste dans sa profonde humanité, confirmant la valeur littéraire de la romancière.

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Considéré comme l'un des plus grands écrivains néerlandais du 20e siècle, Willem Frederik Hermans (né à Amsterdam en 1921, mort à Utrecht en 1995) n'a eu longtemps qu'un seul roman traduit en français, La Chambre noire de Damoclès (en 1962). C'est cette œuvre-là que Daniel Cunin a retraduite en 2006 pour Gallimard, avant de s'attaquer à Ne plus jamais dormir. Le héros de ce dernier roman est un jeune géologue qui, dans les années 1960, se rend en Norvège pour étudier l'impact de météorites dans une région du nord du pays. Mal accueilli par le professeur censé lui fournir des documents photographiques, il participe à une expédition qui se passe très mal. Attaqué par les moustiques, ne parvenant plus à dormir et ne cessant de tomber, il finit par perdre ses compagnons de route. Ce texte intérieur d'une grande puissance narrative entraîne le lecteur, avec une étrange force hallucinatoire, dans la déroute mentale de son narrateur. Il ne peut que donner envie découvrir d'autres pans de l'œuvre abondante d'Hermans.

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Le Faiseur d'anges (Héloïse d'Ormesson, 2010), enfin, est le premier roman traduit en français de Stefan Brijs, né en 1969 dans le Limbourg. Au milieu des années 1980, un médecin vient s'installer dans un petit village situé aux confins de la Belgique, de l'Allemagne et des Pays-Bas, au lieu-dit Les Trois frontières – La Calamine dans la réalité. Il est accompagné de trois bébés d'une incroyable laideur selon ceux qui les ont aperçus, mais pas de femme. De quoi susciter la curiosité et alimenter les commérages. D'autant plus que, comme l'atteste la gouvernante qui en a la charge, ces triplés à la fois surdoués et retardés vieillissent trop vite. À travers cette histoire qui retourne bientôt dans l'enfance de l'intrigant personnage, c'est la question du clonage – alors à ses balbutiements – qui est soulevée.  Et plus largement celle du droit que s'arroge le héros de se « jouer de Dieu ».


 

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