700 ans de traditions des gildes visétoises

 

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En 1579, avec la modernisation de l'armement, apparaît une gilde concurrente, sinon rivale, celle des Arquebusiers, sous l'égide du prince-évêque du moment, Gérard de Groesbeek. Son arme spécifique est l'arquebuse, ancêtre du fusil moderne. Cette compagnie (les « Rouges ») développe également ses propres règlements, uniforme et tradition. Ses membres sont aussi mobilisables à la demande des autorités et s'adonnent pareillement à des exercices de tir afin d'entretenir leur adresse et leur convivialité. Dans pareils cas, arbalétriers et arquebusiers visent soit des cibles fixes, soit un oiseau en bois – le papegai – planté au sommet d'une perche. Celui qui atteint les meilleures performances reçoit, jusqu'à la compétition suivante, le titre de « roy » chez les Arbalétriers et d' « empereur » chez les Arquebusiers. Le haut dirigeant de ces gildes est aujourd'hui qualifié de général-président.

 

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La coexistence de ces associations a fini par créer, à Visé, une sorte de société duale où chaque citoyen masculin et, par voie de conséquence, sa femme et ses enfants, se réclamaient exclusivement de l'une ou l'autre de ces entités. Jusqu'il y a peu, les « inter-mariages » eux-mêmes étaient rares. L'instauration de l'État belge et du régime parlementaire, en 1830, est venu compliquer encore cette dichotomie, l'une ou l'autre gilde se réclamant parfois d'un parti politique (mais pas dans le chef de tous ses affiliés) plutôt que d'un autre, souvent, jadis en tout cas, catholique pour les « Rouges », libéral pour les « Bleus ». Un sujet passionnant pour les sociologues et les politologues !

La question scolaire qui, pendant longtemps en Belgique, empoisonna les relations entre catholiques et libéraux, fut d'ailleurs la cause, ou le prétexte, qui entraîna une scission parmi les « Arquebusiers » eux-mêmes, en 1910, d'où la création d'une troisième gilde, celle dite des « Francs Arquebusiers » (les « Francs ») par rapport à la cellule-souche des «Anciens Arquebusiers » du 16e siècle.

Ces trois gildes, avec leurs traditions propres, existent toujours et rythment plus que jamais la vie festive des Visétois. Leur rôle n'a plus rien de militaire depuis longtemps, même si le tir est toujours pratiqué à titre sportif. En cette année 2010, les compagnies visétoises fêtent avec brio les 700 ans présumés de leur doyenne et, par la même occasion, la permanence du rôle historique de chacune d'entre elles.

Le bas-relief des Francs Arquebusiers à l'entrée de la collégiale, au-dessus du porche d'entrée, installé là en 1999, pour le 420e anniversaire de la gilde.

Pour la circonstance, un ouvrage collectif, coordonné par Daniel Conraads et dû à la plume de plusieurs spécialistes visétois ou non (parmi lesquels des professeurs et collaborateurs de l'Université de Liège) vient de paraître : Visé, terre de gildes1

Le livre envisage tous les aspects de cette singulière épopée, depuis le lointain Moyen Âge jusqu'à nos jours. C'est une analyse, tantôt érudite tantôt pittoresque et savoureuse, de cette vivante tradition wallonne, authentique et si différente par sa nature de nombreuses créations néo-folkloriques des temps récents.

 

 

Claude Gaier
Mai 2010

 

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 Claude Gaier est docteur en Histoire et directeur honoraire du Musée d'Armes de Liège. Collaborateur scientifique de l'Université, ses recherches portent principalement sur l'histoire militaire et de l'armement.


 

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1 Visé, terre de gildes, Alleur, Éditions du Perron,  2010 ; Prix: 35 euros (176 pages richement illustrées).
Site: http://www.perron.be     

 

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