La figure historique d'Akhénaton. Entre histoire et mémoires

De nos jours, Akhénaton est sans conteste l'un des personnages les plus célèbres de l'Égypte antique. Héros de nombreux romans, opéras, films en tous genres, bandes dessinées, livres plus ou moins historiques... il semble faire partie intégrante de notre culture contemporaine. Il fut pourtant, durant plus de trente siècles, un des grands oubliés de l'Histoire. Qui était-il vraiment ?

 
akhénaton
 
Quelques exemples de la popularité d'Akhénaton dans la culture contemporaine

 

Après un règne de 17 années sur l'empire pharaonique de la 18e dynastie au sommet de sa gloire, au milieu du 14e siècle avant notre ère, celui qui monta sur le trône d'Égypte sous le nom d'Amenhotep (4e du nom dans cette fonction), et décida par la suite de se faire appeler Akhénaton (probablement prononcé «  Akhanyati » à l'époque), ce roi qui finit par imposer le culte unique du dieu Aton, fut jeté aux oubliettes de l'histoire par ses contemporains et ses successeurs. Contrairement à la majorité des autres pharaons de l'ancienne Égypte, il fut privé de toute postérité mémorielle officielle, à laquelle il aspirait tant, à l'instar de chacun de ses semblables. Ses monuments furent alors systématiquement démantelés et ré-enfouis dans de nouvelles constructions. Et lorsqu'il était nécessaire de faire référence à son règne, afin d'éviter de mentionner encore son nom, on l'évoquait sous l'expression de « l'ennemi » ou « le rebelle d'Akhet-Aton », du nom de la nouvelle cité où il avait implanté sa cour en Moyenne Égypte.

Ce violent ostracisme fut motivé par la perception traumatisante que les sujets d'Akhénaton développèrent de son règne. Tout fastueux qu'il fut, ce dernier se solda effectivement par une cuisante défaite face aux ennemis d'alors, les Hittites d'Anatolie, et par une terrible épidémie de peste, qui sévit jusque dans la capitale égyptienne et ravagea tout le Proche-Orient pendant plusieurs décennies, deux événements interprétés par les contemporains du royal adorateur d'Aton comme une sanction divine pour mauvaise conduite, pour errements sur une voie à ne pas suivre. L'idéologie atoniste prônée par le roi défunt fut donc bien vite abandonnée et jugée comme une sainte horreur. Mais, ainsi que Eduard Meyer et Jan Assmann l'ont bien montré, un souvenir traumatique – refoulé pourrait-on dire – de l'inventeur désormais anonyme de la religion d'Aton subsista dans la mémoire collective égyptienne et l'on en trouve encore quelques réminiscences chez de nombreux auteurs de l'époque gréco-romaine, comme Flavius Joseph, Manéthon, Hécatée d'Abdère (si souvent cité par Diodore de Sicile), Lysimaque, Chérémon (le prêtre égyptien qui fut le précepteur de l'empereur Néron), Apion, Strabon, Tacite et bien d'autres. Cette mémoire déformée de l'épisode du règne d'Akhénaton exercera d'ailleurs une influence certaine sur la création d'une version alternative de l'Exode et sur l'animosité que les anciens Égyptiens nourriront avec le temps vis-à-vis du monothéisme juif, posant par là les premiers jalons de l'anti-judaïsme et de l'antisémitisme.

akhénatonReprésentation d'Akhénaton, Néfertiti et trois de leurs filles d'après Lepius, Denkmäler III, pl. 111

Page : 1 2 3 4 next