Depuis leur mise au jour sur le site de Karnak au milieu des années 1920, les fameuses statues d'Amenhotep IV - Akhénaton connues sous l'appellation moderne de colosses du Gem-pa-Aton (du nom de la structure antique à laquelle elles étaient destinées, en égyptien ancien « Aton a été découvert ») ont été érigées en véritables icônes de l'épisode atoniste dans l'imaginaire collectif occidental, inlassablement reproduites en couverture de presque tous les ouvrages consacrés à « l'aventure amarnienne ». Très tôt comparée aux développements des arts occidentaux au début du 20e siècle, l'étonnante physionomie déformée du pharaon monothéiste sur ces sculptures suscita engouement et fascination, procurant une image idéale pour un Akhénaton de plus en plus perçu, à l'époque, comme un précurseur de notre propre modernité (cf., dans ce même dossier, l'article consacré à la figure historique d'Akhénaton). En complément du non moins célèbre buste de Néfertiti, dit de Berlin, – révélé au grand public à peu près au même moment – ces colosses contribuèrent à la vision moderne du couple atoniste comme l'union de « la belle et la bête » et engendrèrent moult interprétations, parfois extrêmement fantaisistes. Qu'en est-il réellement ?
Sous prétexte de l'intérêt que l'art atoniste manifeste visiblement pour une représentation moins conventionnelle et moins conceptuelle de la réalité, on a souvent voulu « lire » ces œuvres sur un mode réaliste, voire hyper-réaliste, d'aucuns cherchant à y reconnaître les signes scrupuleusement et presque cliniquement notés par le sculpteur d'une pathologie particulière dont aurait souffert le futur Akhénaton. De façon assez amusante, c'est l'illustration d'une de ces lectures (hyper-)réalistes des colosses du Gem-pa-Aton qui nous fournit un premier indice patent sur l'un des facteurs explicatifs de ces déformations si impressionnantes qui affectent cette célèbre série d'effigies du royal zélateur d'Aton.