Les fourmis du foot

En Communauté française de Belgique, une vingtaine de bénévoles sont nécessaires pour  un club de football. Alors que depuis trente ou quarante ans, la société évolue vers toujours plus d'individualisme et que l'argent tient une place déterminante, même dans le sport, ces bénévoles représentent un contre-pouvoir, défendant un autre système de valeur, où l'altruisme occupe une place importante. Motivés par la passion du sport, ils trouvent plaisir, épanouissement et reconnaissance sociale en donnant de leur temps, pour remplir diverses fonctions, plus ou moins importantes selon le statut amateur ou professionnel du club. Coup de chapeau à ces hommes et femmes de l'ombre à qui toutes les stars du football doivent une part de leur réussite et de leur gloire.   

 

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Le football constitue de loin le sport le plus médiatique en Belgique francophone comme dans bien d'autres régions du monde. Pour s'en convaincre, il suffit d'analyser n'importe quelle revue proposant les grilles de programmes de la télévision sur les chaînes publiques et privées ou de comptabiliser le nombre de pages consacrées aux résultats et analyses en tous genres portant sur cette discipline sportive dans les différents titres de la presse quotidienne. Cette place centrale dans les médias s'accompagne évidemment d'une attention passionnée de la part d'une proportion très importante de la population, une relation de double causalité devant immanquablement être considérée dans l'explication de cette situation. Si l'on se base sur les chiffres publiés en 2010, de l'ordre d'un demi-million de personnes seraient affiliées aux principales structures fédérales du football et du football en salle. À la fin des années 90, Bodson et son équipe1 mettaient ainsi en évidence que cette activité était mentionnée comme premier sport pratiqué par les hommes en Communauté française. Une estimation récente du nombre de clubs inscrits à la fédération nationale de football ou  à la Ligue francophone de football en salle fait état de plus de 2.000 clubs dans le sud du pays.

Depuis plus de 100 ans, au sein des petits villages comme dans les métropoles, ces clubs, véritables moteurs de la vie sportive, organisent inlassablement leurs activités en rassemblant les joueurs mais aussi des centaines de milliers de spectateurs. Il faut d'ailleurs retenir que c'est le F.C.Liégeois qui fut l'un des pionniers du football belge dans le sens où, avec le club de Verviers, il a participé à la fondation de la fédération belge en 1895. Les clubs sont nés de la volonté de groupes de personnes de diversifier le contexte de pratique en rencontrant d'autres personnes passionnées par une activité commune, en respectant un règlement identique, principe élémentaire de toute activité ludique.

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Organiser la pratique, bâtir des infrastructures, préparer les rencontres avec d'autres groupes a ainsi nécessité des ressources humaines de plus en plus importantes. En 1991, Levarlet-Joye a mis en évidence que, en Communauté française de Belgique, de l'ordre de 20 personnes participent en moyenne à la bonne marche d'un club : 8 bénévoles s'occupant du travail administratif, 8 bénévoles responsables des activités para-sportives (déplacements, entretien, bar...) et 3,5 bénévoles chargés des activités techniques (entraîneurs, officiels, arbitres...).

La fonction de bénévole est née avec le sport lorsque donner de son temps signifiait que l'on appartenait à une classe sociale aisée. Depuis lors, la société a évolué et, parmi les volontaires impliqués dans le milieu sportif, se côtoient des passionnés de tous les niveaux de revenu ou d'éducation, même si les positions centrales et les plus significatives restent l'apanage de ceux qui ont des moyens financiers et / ou le pouvoir, l'un accompagnant souvent l'autre.

Conscient du rôle déterminant joué par ceux qui constituent la structure porteuse du sport, le Comité Olympique International a souligné l'intérêt qu'il convenait de marquer au bénévoles, tant au niveau de ceux qui participent à l'organisation d'événements sportifs que des principaux responsables de la pratique sur le terrain. Les raisons qui incitent certains individus à s'engager dans le bénévolat sportif ont ainsi fait l'objet d'un nombre croissant d'études. Nombre d'auteurs anglo-saxons et tout particulièrement australiens se sont investis dans la recherche des motifs : Auld, Chelladurai, Cnaan, Cuskelly, Johnston... Une grande diversité de modèles a ainsi été proposée au cours des 20 dernières années et, à l'instar de la motivation dans bien d'autres domaines, il semble que l'identification de ce qui amène les gens à s'investir nécessite une approche multidimensionnelle dans laquelle des composantes personnelles, des facteurs contextuels et structurels doivent être pris en considération. Dans une tentative de synthétiser les variables les plus régulièrement mises en évidence, nous proposons six motifs principaux : passion pour le sport, altruisme (volonté d'aider, d'apporter quelque chose à d'autres...), développement personnel (meilleure image de soi, possibilité d'apprendre...), apports divers (reconnaissance sociale, avantages quelconques...),  aspect social (possibilité de rencontrer des gens, de sortir de chez soi...) et obligations diverses (pas d'autre personne disponible, c'est une tradition...). En 1998, nous avons interrogé des dirigeants de clubs de football francophones de différents niveaux de jeu. Il est ressorti de cette enquête que 38,4% d'entre eux mettaient spontanément en avant la passion pour le « ballon rond » comme l'un des facteurs les amenant au sein d'un comité. Rendre service rassemblait 20,6% des réponses tandis que plusieurs autres catégories regroupaient moins d'une dizaine de pourcents (« Relations sociales », 9,2% ; « Intérêt personnel », 9,2% ; « Rester dans le football », 7,1% ; « Enfants impliqués », 7,1% ; « Action sociale », 6,4%).



Les lecteurs intéressés par les références des études citées dans cet article sont invités à contacter l'auteur.

 

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