Les fourmis du foot

Malgré les conditions apparemment difficiles dans lesquelles ils évoluent, parmi les dirigeants de clubs de football que nous avons interrogés en 1998, 9 sur 10 se déclaraient satisfaits et prêts à poursuivre leur activité sans condition, dans 45%. Ils justifiaient notamment cet état d'esprit par la qualité des contacts humains que l'engagement au service d'un club leur procurait. Ceux que nous avons interrogés cette année se considéraient plutôt contents de leur statut de bénévoles (score de 3,3/4). Ces constats semblent indiquer que, dans leur analyse «  coût-bénéfice  » (Gould & Weinberg, 2003), ils trouvent toujours un avantage à s'impliquer. Dans l'étude de la prédiction de leur engagement, Dorsch et al. (2002) ont mis en évidence que 58% de la variance étaient liés à quatre facteurs : l'acceptation du rôle (comprendre ses responsabilités et accepter de jouer le rôle attendu), la satisfaction par rapport au service rendu, la clarté du rôle et l'efficacité perçue dans ce dernier. Ceci transparaît dans les résultats de notre dernière analyse des opinons des dirigeants de clubs de football. En effet, nous avons relevé les plus hauts degrés d'accord au niveau de propositions telles que « Vous avez le sentiment que vous apportez quelque chose au club » (3,6/4), « Vous acceptez de bonne grâce les responsabilités qui vous sont confiées » (3,3/4) et « En tant que bénévole, vos missions sont clairement définies par les responsables » (3,0/4).  

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À la veille du coup d'envoi de la Coupe du Monde de football en Afrique du Sud, alors que l'on a coutume de mettre en exergue dans les actualités les dérives telles que le hooliganisme, les comportements racistes et les actes de violences verbales ou physiques, d'une part, les exploits sportifs de joueurs professionnels transférés à prix d'or, d'autre part, il serait normal qu'une plus nette attention soit consacrée aux dizaines de milliers de personnes, le plus souvent anonymes, qui investissent une partie non négligeable de leur temps et parfois de leur argent pour permettre l'organisation des entraînements et de rencontres dans les meilleures conditions possibles. En effet, tous ces inconnus vivent une passion et sont les vrais artisans du succès du football, sport-roi. Sans leur engagement et la qualité de leur travail inlassable, le « ballon rond » ne pourrait survivre très longtemps, comme toute autre discipline, d'ailleurs.

La désertion des « comitards » et les difficultés rencontrées pour les remplacer compliquent le fonctionnement des clubs où une poignée d'irréductibles doit se multiplier pour assurer l'ensemble des tâches. Lorsque l'on voit que celles-ci deviennent toujours plus nombreuses en raison de l'accumulation d'exigences administratives, il paraît opportun de rechercher des pistes pour combler les postes libres. Lors des séances de formation que nous avons pilotées, parmi les solutions que certains dirigeants ont avancées pour lutter contre cette tendance se distinguent des actions reposant sur des motivations extrinsèques : gratuité d'activités, remboursement de certaines dépenses ou attribution d'un budget, chèque de fidélité. À l'opposé, se basant davantage sur des facteurs de motivation intrinsèque, d'autres approches visent à faire la part belle au développement d'un sentiment d'autonomie (travail sur base de projets, définition claire des responsabilités individuelles...), de compétence (évaluation objective des tâches et valorisation des succès en reconnaissant l'engagement...) et de relation sociale (développement du travail en équipe, amélioration de la qualité de la communication, entretien d'un contact permanent avec toutes les composantes de l'organisation sportive...). Par ailleurs, il reste que le moteur le plus puissant réside dans le plaisir éprouvé par chacun lorsqu'il sort de chez lui pour se retrouver plongé dans ce qui est souvent devenu une seconde famille.

Lorsque le public et des milliards de téléspectateurs se mettront à vibrer au diapason en suivant les exploits de ces héros modernes que sont devenues les stars du football, il serait opportun de se rappeler que chacun d'eux doit une partie de sa réussite à l'abnégation de dizaines de personnes qui, dans l'ombre, ont permis l'éclosion de son talent  : entraîneurs chez les jeunes, arbitres, marqueurs, gestionnaires des entrées, responsables des déplacements ou de l'entretien des équipements... Il serait ainsi heureux qu'un hommage leur soit rendu et que, ne fût-ce qu'une fois, les vedettes leur témoignent le respect qui leur est dû. Cela inciterait peut-être davantage de sportifs qui donnent parfois l'impression de penser que tout leur est dû - que le respect le plus élémentaire consiste simplement à dire : merci !

Marc Cloes
Mai 2010

crayon

Marc Cloes est professeur au Département des Sciences de la motricité à l'Université de Liège où il enseigne différents aspects des activités sportives : gestion, organisation, analyse de la compétition, approches didactiques des situations d'entraînement , etc.

 

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