L'Orchestre Philharmonique de Liège Wallonie-Bruxelles (OPL) est né en 1960. Sa prochaine saison sera dès lors celle de son cinquantième anniversaire. Un anniversaire dignement fêté par un véritable feu d'artifice de cadeaux, surprises, oeuvres majeures ou méconnues et créations. Cela n'étonnera pas ceux qui connaissent cette institution qui semble rajeunir chaque année.
« En cinq ans, chiffres à l'appui, le public de l'orchestre a été multiplié par quatre ! » : Jean-Pierre Rousseau, directeur général (français) de l'OPL depuis octobre 1999 déjà, tire une légitime fierté de la vigueur de son institution, lui qui a toujours affirmé, souvent à contre-courant, que la musique produite par son orchestre pouvait être à la portée du plus grand nombre sans rien abandonner de sa haute exigence de qualité. Lui qui a aussi toujours fait confiance en la capacité du public liégeois à s'intéresser, au-delà des grands titres du répertoire, à des oeuvres moins immédiates, plus contemporaines ou novatrices.
Cette confiance, en soi et en son public, on la verra tout au long de la saison 2010-2011, celle de son cinquantième anniversaire, dans une programmation qui, si elle ne fut pas facile à boucler suite à la défection de son directeur musical (voir par ailleurs), a de quoi mettre l'eau à la bouche des mélomanes. Impossible d'ailleurs d'être ici exhaustif : l'OPL donnera 55 concerts dans sa salle philharmonique, jouant 86 oeuvres avec la complicité d'une centaine d'artistes ou ensembles invités. Il se produira aussi vingt fois en Belgique (Bruxelles, Charleroi, Eupen, Mons, Namur, Turnhout, Valdieu, Verviers, Virton) et à Lille, Maastricht, Amsterdam, Vienne et Varsovie.
Cinquantième anniversaire oblige, l'Orchestre a voulu « restituer au public les oeuvres, artistes et personnalités qui ont fait son histoire ». C'est ainsi que ses trois derniers directeurs musicaux (Pierre Bartholomée, Louis Langrée et Pascal Rophé) dirigeront un grand concert d'anniversaire les 7, 8 et 9 décembre. Le programme de la soirée doit rester une surprise. Mais on sait que Pierre Bartholomée y dirigera une symphonie par lui composée. « Jean-Pierre a tenu à m'associer à cet anniversaire et ça me touche », confie ce dernier. « Il sait aussi que l'essentiel de mes préoccupations, aujourd'hui, c'est la composition, et m'a commandé une oeuvre. Puis il m'a un peu piégé en me demandant de la diriger ! »
Louis Langrée (© B. Ealovega), Pierre Bartholomée (© C. Doutre), Pascal Rophé
À dire vrai, tout ce que la Belgique compte de compositeurs a été sollicité : outre Pierre Bartholomée, Philippe Boemsans, Jean-Paul Dessy, Jean-Luc Fafchamps, Bernard Foccroule, Michel Fourgon, Claude Ledoux et Benoît Mernier ont reçu commande d'une oeuvre originale qui sera créée par l'orchestre.
Des hommes, donc. Des oeuvres, aussi. L'OPL a sélectionné quelques oeuvres marquantes de sa riche histoire, ces concerts où « il s'est passé quelque chose », et les insérera dans sa saison : Légendes de Sibelius ; la 2e symphonie de Mahler, qui fut dirigée à Liège par le compositeur lui-même ; L'enfant et les Sortilèges de Ravel ; le concerto pour violoncelle de Lalo ; la 7e symphonie de Bruckner, etc.
À cela s'ajouteront un festival « Piano dans tous ses états » en octobre ; un festival « À toutes cordes » en janvier ; un festival consacré au Liégeois César Franck, compositeur « fétiche » de l'orchestre (en avril 2011) ; un week-end « à la belge » avec les meilleurs solistes du pays en mai 2011. L'OPL a également voulu offrir au public des « grandes oeuvres » finalement rarement offertes au public : Quatre saisons de Vivaldi, cinq oeuvres de Mahler, la Turangalîlâ de Messiaen, Carmina Burana, le concerto pour quatre pianos de Bach, on en passe et des meilleures.
On signalera également que l'OPL co-organise en mars 2011 avec l'Université de Liège un colloque « Musique et Droits », qui doit explorer l'épineuse question de la législation de la diffusion de la musique et du droit d'auteur, fragilisée par les nouveaux médias.
Et, comme il en a pris l'excellente habitude, l'OPL multipliera les partenariats pour investir « sa » ville de Liège, à commencer par un double concert en plein air les 17 et 18 septembre, place Saint-Lambert. Les séances commentées et gratuites du « Dessous des Quartes », au succès jamais démenti seront bien évidemment toujours au rendez-vous, tout comme les multiples formules d'abonnement qui doivent permettre à chacun de concocter sa saison.
Alors, lancez-vous : « Mon rêve est que chaque Liégeois ait l'occasion, au moins une fois dans sa vie, de rencontrer l'orchestre », souligne Jean-Pierre Rousseau. « Car quand on est touché par la musique, on en ressort toujours un peu meilleur ! ».
Une « baguette » qui avait la bougeotteDans un communiqué de presse laconique, l'OPL avait annoncé en mars dernier le départ, au terme de l'actuelle saison, de son directeur musical François-Xavier Roth, en place depuis un an à peine. Incompréhensible au départ, la nouvelle a trouvé une explication rationnelle quelques semaines plus tard : l'orchestre symphonique de la radio allemande SWR, à Fribourg, a en effet officialisé l'arrivée comme directeur musical de « FXR » pour la prochaine saison. À l'OPL, on ne cache pas une colère qui a même des accents de dégoût d'être ainsi « lâché » en rase campagne. « Il s'agit d'une rupture claire et nette du contrat de directeur musical de François-Xavier Roth, qui interdit d'accepter un autre engagement, et nous prendrons les dispositions légales qui s'imposent », fulmine ainsi le directeur général Jean-Pierre Rousseau. C'est que chacun sait que pareil engagement ne s'obtient pas en quelques jours, et que ce « transfert » doit avoir été préparé depuis des mois. De quoi donner à beaucoup au sein de l'orchestre le sentiment que son directeur musical ne s'est engagé à Liège que dans l'attente que la place convoitée se libère. Signe de la santé de l'OPL, c'est heureusement sans grande difficulté qu'on y a dégotté, en quelques jours, des chefs prestigieux pour remplacer l'ex-directeur musical dans les concerts qu'il devait diriger lors de la prochaine saison. Notamment grâce à la solidarité des prédécesseurs de Roth, Louis Langrée et Pascal Rophé, qu'on reverra beaucoup à Liège. Mais cet épisode malheureux accélère également un processus de réflexion qui était en cours au sein de l'institution sur ce que doit être le rôle d'un directeur musical dans un orchestre moderne. « Nous allons proposer cette réflexion au conseil d'administration », explique Jean-Pierre Rousseau . « On n'est plus du tout aujourd'hui dans le contexte d'un chef permanent comme le fut Pierre Bartholomée. Après tout, le contrat de François-Xavier Roth ne lui imposait que huit semaines de présence à Liège par an ! » |
Pierre Morel
Mai 2010
Pierre Morel est journaliste indépendant.