Le pianoforte qui a appartenu à Jean-Jacques Rousseau, puis à André-Modeste Grétry, est de retour à Liège au terme d'une longue et minutieuse restauration. Grétry, qui était compositeur d'opéras, n'a jamais écrit d'œuvres pour piano, mais on ne doute pas qu'il se soit servi de l'instrument, notamment pour accompagner les chanteurs.
En 1741, André-Modeste Grétry naît dans la petite maison située en Outremeuse, rue des Récollets, où sa famille s'était installée depuis peu. Cette maison, partiellement démolie puis restaurée au début du siècle dernier sur la base d'une gravure d'époque, abrite aujourd'hui les collections du Musée Grétry.
C'est dans ce musée que prendra place, en 2013, le pianoforte de la Ville de Liège, qui appartenait au compositeur. On célébrera en effet en 2013 le bicentenaire de la mort de Grétry. Mais pendant les trois années de restauration du Musée, le piano sera visible au musée Curtius.
L'instrument qui vient d'être restauré par Yan Van dem Hemmel à Anvers, grâce au financement du Fonds David Constant, est un pianoforte carré fabriqué en Angleterre par deux facteurs de pianos associés, Johann Christoph Zumpe et Gabriel Gottlieb Buntebart en 1769. Il a appartenu à Jean-Jacques Rousseau à qui il avait été anonymement offert. C'était en fait un envoi de Glück, lors de la querelle des Glückistes et des Piccinnistes « pour qu'il apprit l'harmonie »... Lorsque Grétry a acheté à Rousseau, en 1778, l'Ermitage de Montmorency, le pianoforte est devenu sien.
Il existe encore de nos jours une quarantaine d'instruments similaires dans le monde.
Le fabricant John Zumpe est né en 1726 près de Nuremberg. Il émigre à Londres et travaille dans une fabrique de clavecins. En 1760, il fonde son propre atelier. En 1763, il devient très ami avec un des fils de Jean-Sébastien Bach, Jean-Chrétien. Son association avec Buntebart lui permet d'affiner ses recherches techniques.
Ce pianoforte comprend 5 octaves. Le bois est du mahogany, les touches blanches sont en ivoire et les touches noires en ébène. Il s'agit du piano de salon par excellence ; sa puissance sonore est relativement limitée.
Le son caractéristique recompose l'atmosphère musicale d'une époque riche en développement technique de l'instrument. L'articulation est claire et le son doux et charmant. Le piano a un système manuel placé à gauche qui permet de lever tous les étouffoirs et ainsi de recréer un son qui s'apparente à celui de la harpe. Ce type d'artifice sonore donnait beaucoup d'inspiration aux compositeurs.
L'instrument était « révolutionnaire » pour l'époque car il permettait un jeu plus nuancé et donc une expressivité plus importante. Cet ancêtre du piano moderne montrait déjà toutes les caractéristiques de nos instruments actuels mais à un stade embryonnaire. Très rapidement, il supplantera le clavecin, instrument dominant et incontournable du 18e siècle.
Se trouver face à un instrument d'époque crée toujours une émotion. Savoir en plus que Grétry et Jean-Jacques Rousseau l'ont utilisé pour composer donne à ce pianoforte une dimension symbolique supplémentaire et unique.
Passionné de pianos historiques, Patrick Dheur est en charge des pianos anciens de Liège et notamment du piano Serrurier-Bovy (Pleyel 1901), du piano Grétry (Zumpe-Buntebart 1769), du piano Hans double clavier conservé au Château de Colonster, et du piano Henri Herz (1868) du Château de Modave. Dans cette vidéo, il présente rapidement le pianoforte de Grétry
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Nathalie Hosay
Février 2010
Nathalie Hosay est, avec son époux le pianiste Patrick Dheur, conservatrice du Musée Grétry de Liège.