La médecine dans l’Occident médiéval

Introduction de la médecine gréco-arabe aux 11e et 12e siècles

Les traductions arabo-latines qui pénètrent en Occident aux 11e et 12e siècles marquent un tournant décisif dans l'évolution de la médecine médiévale. Elle renoue enfin avec la médecine grecque et découvre la science arabo-islamique. La réception de la médecine arabe est initiée à la fin du 11e siècle par l'immense activité de traduction de Constantin l'Africain (c. 1015-1087), un marchand d'origine maghrébine, qui se fait moine au Mont-Cassin. Au siècle suivant, à Tolède, Gérard de Cremone traduit les œuvres de Rhazes (865-925), le Canon d'Avicenne (980-1037), la chirurgie d'Abulcasis (ca 940-1013).

Apothicaire

L'École de Salerne, déjà célèbre au 10e siècle pour la compétence de ses médecins, prépare l'intégration de la médecine dans les universités. Une médecine salernitaine fondée sur un vaste corpus de traités s'élabore à partir du 11e siècle et au 12e  un enseignement est dispensé.  Les œuvres maîtresses sont : en diététique, le Regimen sanitatis Salernitanum ou Régime de Salerne, populaire jusqu'au 19e siècle, comme l'attestent des centaines de manuscrits et environ 240 éditions ; en pharmacologie,  l'Antidotarium Nicolai et le Liber de simplici medicina ou Circa instans de Matthaeus Platearius (12e s.). Traduits  dans toutes les langues d'Europe, sans cesse enrichis dans leur tradition manuscrite, ils sont, avec Dioscoride, la base même du métier de speciarius au Moyen Âge.

 

 L'apothicaire compose les remèdes suivant les prescriptions du médecin. Hortus sanitatis. De herbis et plantis. De animalibus et reptilibus. De lapidibus et in terre venis nascentibus. De urinis et earum speciebus, [Strasbourg, Jean Prüss, 1497] (Bibliothèque générale de philosophie et lettres, incunable XV. B 43, fol. 333v).  

 

Les universités

Le 13e siècle voit la création des universités. Quatre grandes universités se partagent un quasi monopole en matière médicale : la plus ancienne, Bologne, fondée à la fin du 11e siècle, Padoue, Montpellier et Paris. La philosophie naturelle d'Aristote, qui imprègne profondément l'enseignement universitaire, provoque l'émergence d'une médecine scolastique. L'enseignement consiste en majeure partie à lire et à faire l'exégèse des traités d'Hippocrate, Aristote, Galien et Avicenne, et des innombrables commentaires qui leur sont consacrés. Les points de désaccord entre ces diverses autorités, mis en évidence lors de la lectio, donnent lieu à un exercice oratoire très prisé : la disputatio.

Des préoccupations pratiques ne sont pas absentes

En effet, une littérature médicale typiquement médiévale se développe à partir de la fin du 13e siècle, celle des consilia. Le consilium est une consultation mise par écrit, établie pour un cas bien précis, qui décrit les symptômes, pose le diagnostic, fixe le régime et prescrit les médicaments.

Toutefois, c'est en chirurgie que les progrès les plus notables se font jour.  On observe l'usage d'une éponge somnifère, imbibée d'opium, de jusquiame et de mandragore, pour endormir le patient avant une opération. Les vertus narcotiques de ces plantes étaient bien connues des Anciens, mais la confection de cette éponge, séchée après son utilisation et plongée dans l'eau tiède pour lui rendre son efficacité lors d'une nouvelle intervention, est neuve.

Dissection

Dans le dernier quart du 13e siècle, des dissections humaines sont pratiquées, alors que les connaissances anatomiques des Anciens étaient basées sur la dissection d'animaux, notamment le singe et le porc. À Bologne, Mondino de Luzzi (1275-1326) consigne dans un petit traité sa méthode et ses observations à propos de la dissection de deux cadavres de femmes. La multiplication des autopsies n'aura pas un effet immédiat sur les études anatomiques. En cause, le poids écrasant de Galien : les données de l'expérience qui contredisent le maître sont considérées comme des exceptions de la nature....

La dissection humaine apparaît à la fin du 13e siècle. Bartholomaeus Anglicus, De proprietatibus rerum, en français, Lyon,  Mathieu Huss, 1487 (Bibliothèque générale de philosophie et lettres, incunable XV. A 30, fol. 39r)  

Henri de Mondeville utilise un aimant pour extraire les particules métalliques logées dans les blessures. Il insiste sur la nécessité de ligaturer les artères avant une amputation. Guy de Chauliac (ca 1298-1368) invente un système de poulie et contrepoids qui facilite la respiration chez un patient souffrant de côtes fracturées. Il est l'auteur d'une Chirurgia magna ou Grande chirurgie, abondamment traduite et imprimée, qui est considérée comme le meilleur ouvrage de chirurgie jusqu'à Ambroise Paré.

Carmélia Opsomer
Février 2010

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Carmélia Opsomer, membre de l'Académie royale de Belgique, enseigne l'Histoire du livre et des bibliothèques et l'Histoire du livre à l'époque de la Renaissance à l'ULg. Ses principales recherches portent sur l'histoire des sciences etde la médecine, ainsi que sur les bibliothèques anciennes (15e-18e siècles). 


 
 
Bibliographie
 
Histoire de la pensée médicale en Occident s.dir. de Mirko Drazen GRMEK, Paris, 1995.
Carmélia Opsomer, L'art de vivre en santé. Images et recettes du moyen âge : le Tacuinum sanitatis (manuscrit 1041) de la Bibliothèque de l'Université de Liège, Alleur, 1991.
Nancy Siraisi, Medieval and early Renaissance medicine. An introduction to knowledge and practice, Chicago-London, 1990.
Livre des simples medecines. Codex Bruxellensis IV 1024, éd. fac-similé avec textes et commentaires de Carmélia Opsomer, Anvers, 1980, 2 vol.

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