Quelques grands noms de l'histoire de la médecine à Liège

Liège a compté aux 19e et 20e siècles nombre de médecins remarquables à plus d'un titre. Les cliniciens de l'Université ont joué un rôle très important, voire primordial pour la région liégeoise. De leur côté, les chercheurs fondamentalistes ont participé, de façon notoire, aux progrès de nos connaissances médicales.  Présentation de quelques-uns d'entre eux.

 schwann
Si le premier recteur de l'Université de Liège, créée en 1817, fut un médecin (Toussaint-Dieudonné Sauveur), c'est, pourtant, le nom de Théodore Schwann (1810-1882) qui vient à l'esprit lorsqu'on évoque les débuts de l'école liégeoise de médecine. Fils d'orfèvre devenu imprimeur, Schwann fait ses études de médecine à Bonn, puis rejoint, à Berlin,  Johann Müller, physiologiste de grand renom et créateur de l'anatomie comparée. Dans ce laboratoire, Schwann isole la pepsine, une enzyme digestive, et étudie les phénomènes  de fermentation (il démontre la transformation du sucre en alcool par les levures) et de putréfaction (il met en évidence le rôle des micro-organismes). Pasteur, lui-même, se dira impressionné par ces découvertes. En 1838-1839, intégrant les données du botaniste Schleiden  et ses propres observations, il formule la théorie cellulaire selon laquelle la cellule est l'unité élémentaire fondamentale de tous les organismes vivants. En 1839, il est nommé professeur d'anatomie à Louvain où il étudiera le rôle de la bile. Toutefois, mal à l'aise dans cette université, il passe à Liège en 1848. Il n'y fera plus de découverte fondamentale, mais insufflera une orientation expérimentale à l'enseignement et à la recherche et laissera un laboratoire d'avant-garde, fort bien équipé.

 

 

fredericq

En 1879, le successeur de Schwann est gantois. Léon Frédericq (1851-1935), issu d'un milieu tout empreint d'art et de science, est diplômé, à Gand, docteur en sciences naturelles à 20 ans et docteur en médecine à 25. Il fait ensuite un tour d'Europe des grands laboratoires de physiologie expérimentale et de physiologie marine. Son séjour à la station biologique de Roscoff, en Bretagne, est particulièrement productif. Il y découvre l'hémocyanine, pigment respiratoire équivalent à l'hémoglobine des vertébrés, qui assure le transport de l'oxygène chez le poulpe ; il y observe aussi le phénomène d'amputation-réflexe (autotomie) chez le crabe. En 1879, il est nommé professeur de physiologie à Liège.

Il met alors au point diverses techniques expérimentales fort originales. Grâce à l'une d'entre elles, la circulation céphalique croisée*, il démontre notamment le rôle du CO2 dans la régularisation nerveuse de la respiration. Chercheur prudent, son adage restera : « Le doute est l'oreiller du savant ». Il conçoit un Institut de Physiologie dont le rayonnement est d'emblée largement international et crée les Archives Internationales de Physiologie et de Biochimie qui seront pendant longtemps la revue francophone de physiologie de référence. Notons, en outre, que, comme son homonyme quasi parfait, le peintre symboliste belge Léon Fréderic (1856-1940) avec qui il ne doit pas être confondu, Léon Frédericq est aussi un talentueux artiste qui excelle dans la peinture à l'aquarelle, illustrant notamment la sauvage beauté des paysages fagnards. Son fils Henri, né à Liège en 1887 et diplômé docteur en médecine de l'ULg en 1912, effectue de solides  recherches, consacrées, entre autres, à la physiologie myocardique et nerveuse et à la pharmacologie. Il devient chargé de cours, puis professeur extraordinaire à Gand, avant de revenir à Liège pour y succéder à son père en 1921. Il sera Recteur de notre Université de 1947 à 1950 et  atteindra  l'éméritat en 1956.

florkin

Deux de ses disciples  contribueront largement au renom de notre École de Médecine. Marcel Florkin (1900-1979), diplômé en 1928, fait  un tour du monde de laboratoires de recherches prestigieux aux États-Unis, en Angleterre, en Allemagne, et en France. Tout au long de sa carrière, Florkin, inspiré par les conceptions de Léon Frédericq,  contribuera largement à développer les aspects biochimiques de la systématique, de l'écologie et de l'évolution des êtres vivants.

Il laissera des collections impressionnantes telles que Chemical Zoology  (11 volumes) éditée avec B. Scheer entre 1967 et 1979 et Comprehensive Biochemistry  (32 volumes) entreprise avec E. Stotz. dès 1962. Toutefois, ceux qui ont eu la chance de l'avoir comme professeur se souviendront, avec bonheur, d'avoir étudié leur cours de biochimie générale dans un livre, bien plus modeste en taille, mais combien stimulant, l'Évolution biochimique où s'épanouit le concept, cher à Florkin, de l'évolution  à l'échelle moléculaire.

Marcel Florkin sera présent sur beaucoup de terrains. Amateur d'art contemporain, historien de la médecine, militant wallon, il est co-fondateur, puis président de l'APIAW et joue un rôle prépondérant dans l'organisation de la science et de la culture : il sera, entre autres, délégué de la Belgique aux  dix-huit premières conférences générales de l'UNESCO.


 

* Circulation céphalique croisée : la tête d'un chien A est irriguée par du sang provenant d'un chien B, tandis que l'extrémité céphalique du chien B reçoit exclusivement du sang provenant du chien A.

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