Chine : Mo Yan

 

80 romans de Celui-qui-ne-parle-pas

Mo YanMo Yan, dont le vrai nom est Guan Moye, est né en 1956 au sein d'une famille paysanne de la province du Shandong. Son enfance est fortement marquée par la faim et la persécution. En effet, la Chine rurale de la fin des années 1950 et des années 1960 vit dans le dénuement total,  notamment en raison de la fameuse politique économique de Mao Zedong nommée « Grand bond en avant » (1958-1960), qui impose entre autres la collectivisation agricole, responsable de la famine et d'autres désastres.

clan

Parce que le grand père avait été propriétaire foncier, la famille de Mo Yan est classée parmi « les mauvais éléments » et ne bénéficie donc même pas du droit d'accès aux aides alimentaires étatiques minimales. Chassé de l'école, pour les mêmes raisons, il n'abandonne pourtant pas sa formation et s'initie aux classiques de la littérature chinoise, comme Et l'acier fut trempé,  Mer de forêts sous la neige, La chanson de la jeunesse, Le roman des Trois Royaumes et Au Bord de l'Eau. Cette terrible période de son enfance, marquée par une misère noire, va exercer une influence considérable sur œuvre littéraire.

Quand il parvient à intégrer l'Armée populaire de libération, à l'âge de 20 ans, il se sent libéré. Il peut enfin poursuivre des études dans une école de l'armée, puis à l'université de Pékin, dont il sera diplômé en 1991.

Dès 1981, il se consacre à la création littéraire. Il publie en 1985 son roman Radis de Cristal en prenant pour nom de plume Mo Yan, « celui qui ne parle pas ». Depuis, ses œuvres ne cesseront d'attirer l'attention du public. Son roman le plus représentatif Clan du Sorgho en 1986 est élu le N°1 parmi « les œuvres préférées des Chinois » par le magazine Littératures populaires en Chine et sera porté à l'écran sous le nom du  Sorgho rouge par Zhang Yimou (Ours d'or au festival de Berlin), ce qui le confirmera comme écrivain contemporain de tout premier plan.

On classe généralement Mo Yan parmi les écrivains appartenant à la « littérature des racines » (xun gen wenxue zuojia), notamment pour les œuvres qui l'ont fait connaître du grand public dans les années 1980.  Il est reconnu pour son style audacieux, impertinent et cru, voire sanglant. Ses œuvres sont toujours empreintes d'expressions particulièrement acerbes et piquantes où les sentiments violents se conjuguent avec des scènes de détresse. À l'époque en Chine, de telles œuvres représentent une révolution extraordinaire.

alcool

Par la suite, Mo Yan tente de rénover son style. Il rédige de nombreux romans de grande qualité tels que Le pays de l'alcool et Beaux seins, belles fesses. La sexualité, la politique, les dérives du pouvoir, l'hypocrisie des nantis sont les thèmes principaux autour desquels s'articule son œuvre qui interroge la nature humaine et la société chinoise.

Étant donné que son enfance s'est déroulée dans la campagne du Shandong, les scènes et les légendes rurales constituent une source très importante de son inspiration artistique. La plupart de ses œuvres racontent des histoires fantasmagoriques qui se déroulent dans cette région. Il construit par son écriture un monde fascinant, mystérieux et extravagant.

On a souvent reproché à Mo Yan de n'être qu'un « diable assoiffé de sang » incapable de décrire autre chose que la misère rurale, peignant en noir la Chine et les Chinois. Malgré tout, c'est l'un des auteurs contemporains les plus reconnus en Chine. Mo Yan a été récompensé par de nombreux prix littéraires tels que le prix Mao Dun de la littérature. Les critiques relatives à ses œuvres ne tarissent jamais, mais ses livres sont de plus en plus populaires.

Peng Wang
 Janvier 2010

 

crayon

Peng Wang (Université des langues étrangères de Beijing) est codirecteur de l'Institut Confucius de Liège, à l'ULg. Il y enseignera bientôt la langue chinoise.


 

Photo © Mo Yan

Œuvres traduites en français

Le clan du sorgho,  trad. Pascal Guinot, Sylvie Gentil, Éditions Actes Sud, 1990
La mélopée de l'ail paradisiaque, trad.Chantal Chen-Andro, Éditions Messidor, 1990 / Éditions Seuil, 2005 / Éditions Point Seuil, 2008
Le radis de cristal, trad. Pascale Wei-Guinot et Xei Xiaoping, Éditions Philippe Picquier, 1993 / Piquier Poche, 2000
Le chantier, trad.Chantal Chen-Andro, Scandéditions Temps actuels, 1993 / Éditions Seuil, 2007
Les treize pas,  trad. Sylvie Gentil, Éditions du Seuil, 1995 / Points Seuil, 2004
Le pays de l'alcool, trad. Noël et Liliane Dutrait, Éditions du Seuil, 2000 / Points Seuil, 2004
La Carte au Trésor, trad. Antoine Ferragne, Éditions Philippe Picquier, 2004 / Picquier Poche, 2006
Enfant de fer, trad. Chantal Chen-Andro, Éditions du Seuil, 2004
Beaux seins, belles fesses, trad. Noël et Liliane Dutrait, Éditions du Seuil, 2004 /Points, 2005
Explosion, trad. Camille Loivier, Éditions Caractères, 2004
Le maître a de plus en plus d'humour, trad. Noël Dutrait, Éditions du Seuil, 2005 / Points, 2006
Le Supplice du santal, trad.Chantal Chen-Andro, Éditions du Seuil, 2006 / Points, 2009  - Sélectionné pour le Prix Mao Dun
La joie, trad. Marie Laureillard, Éditions Philippe Picquier, 2007
Quarante et un coups de canon , trad. Noël et Liliane Dutrait, Éditions du Seuil, 2008
La dure loi du Karma, trad.Chantal Chen-Andro, Éditions du Seuil, 2009