Canada anglophone : Michael Ondaatje

Michael Ondaatje est un romancier canadien anglophone originaire du Sri Lanka dont les œuvres sont maintenant publiées depuis près de quarante ans. Son œuvre la plus célèbre est Le patient anglais, mais tous ses romans ont reçu des critiques élogieuses tant au Canada qu'à l'étranger. En tant que romancier, il a repoussé les limites de la forme littéraire et exploré les notions de race, de nation et de masculinité.

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C'est en 1976,  avec la publication (en anglais) de Buddy Bolden : une légende, que l'œuvre d'Ondaatje a d'abord attiré l'attention des lecteurs. Depuis lors, il a produit une demi-douzaine de romans bien accueillis, notamment, Le patient anglais (L'Homme flambé), publié en 1992 qui a remporté le Booker Prize cette année-là. Le roman a servi de point de départ pour un film réalisé par Anthony Minghella en 1996, qui a remporté neuf Oscars. Toutefois, on ne peut confiner l'œuvre d'Ondaatje à ce seul roman. Elle dépasse d'ailleurs les limites de la définition traditionnelle du roman et celles de sa nationalité canadienne. S'il est canadien d'adoption, il a des racines au Sri Lanka et en Angleterre. Il est poète, scénariste, réalisateur et critique littéraire autant que romancier.

Michael Ondaatje est né à Colombo, au Sri Lanka en 1943 de parents d'origine européenne, une généalogie qui le plaçait en dehors du système des castes autochtones du pays, et dans une région économiquement et socialement privilégiée d'immigrants européens. En 1954, après la séparation de ses parents, il émigre à Londres, en Angleterre, avec sa mère. C'est en 1962 qu'il s'installe au Canada où il devient citoyen canadien. Il obtient un diplôme de l'Université de Toronto en littérature anglaise, puis une maîtrise de la Queens University à Kingston, en Ontario. Pendant une vingtaine d'années, Ondaatje enseigne la littérature anglaise à l'université de Toronto. La distance entre son domicile canadien et son Sri Lanka natal est inscrite dans son œuvre de différentes manières, notamment dans son intérêt pour des protagonistes migrants, et plus précisément en 1982 dans une autobiographie marquée par le réalisme magique, Un air de famille (Running in the Family) qui raconte à la fois sa jeunesse et un retour au Sri Lanka à l'âge adulte dans un récit postmoderne.

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Dans cet esprit, tout au long de son œuvre, mais peut-être surtout dans ses romans, Ondaatje présente une vision à la fois vaste et inattendue en termes de diversité ethnique et de démarcation par rapport à toute identité nationale. Ondaatje n'est retourné au Sri Lanka que dans son roman Le fantôme d'Anil (2000), un texte qui combine une lamentation pour les pays en guerre avec une rêverie sur la relation paradoxale entre un  émigré qui a depuis longtemps abandonné la maison familiale et les responsabilités auxquelles il ne peut échapper. Dans Le patient anglais, la Villa San Girolamo, transformée  en infirmerie à la fin de la seconde guerre mondiale, devient un espace transnational où se retrouvent une infirmière et un espion canadiens, un comte hongrois, un démineur indien de confession sikh... La peau d'un lion (1987), où il est déjà question de Caravaggio et Hana, l'espion et l'infirmière du roman le plus célèbre, met aussi en scène les flux de migrants et la notion controversée de patriotisme. Il présente Toronto comme un melting-pot postcolonial des différentes cultures des travailleurs migrants qui construisent la ville, dépassant - déjà - toute notion de race ou de nationalité.

 

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Tout comme ses romans démontrent l'inanité des frontières de nation et de race, l'œuvre d'Ondaatje fait preuve d'une conscience aiguë des autres genres artistiques et de la vanité des limites qui voudraient les tenir à l'écart les uns des autres. C'est particulièrement perceptible dans Buddy Bolden : une légende, un prose-poem qui ignore la frontière entre poésie et roman. Il y présente une biographie fictive du célèbre jazzman Buddy Bolden. Non seulement cette œuvre montre la complexité de la création artistique, mais elle permet de percevoir les rythmes jazz de Bolden à travers son style de narration lyrique. Cette approche postmoderne de forme et contenu se retrouve ailleurs dans l'œuvre d'Ondaatje quoique peut-être jamais de manière aussi explicite. Par exemple, Le patient anglais est construit comme un récit à plusieurs voix qui complique les notions de vérité et fiction et attire l'attention sur le manque de fiabilité des ses narrateurs. De même, dans son dernier roman intitulé Divisadero (2007), dont l'action se situe entre la Californie et le nord de la France, Ondaatje explore la nature peu fiable de la mémoire : les histoires personnelles sont des récits entremêlés dans un écheveau quasi inextricable. Par cette vision poétique qui caractérise l'œuvre de Michael Ondaatje, ses romans nous permettent de percevoir la complexité du monde, son irréductible multiplicité, et finalement aussi, ce qu'il a d'éphémère.

 

Katharine Burkitt
Janvier 2010

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Katharine Burkitt enseigne au département d'anglais à l'Université de Liège. Ses intérêts de recherche principaux sont la forme littéraire et la littérature postcoloniale. Elle a publié sur  Michael Ondaatje, entre autres.


 

Œuvres traduites en français

 

Le blues de Buddy Bolden, trad. Robert Paquin, Éditions Boréal, 1987 / Éd. Seuil, 1991
La Peau d'un lion,  trad. Marie-Odile Fortier-Masek, Éd. payot, 1989 / Folio, 1991 / Points Seuil, 2003
Un air de famille  trad.Marie-Odile Fortier-Masek,  Éditions de l'Olivier, 1991 / Points Seuil 1998
Le patient anglais (L'Homme flambé),  trad. Marie-Odile Fortier-Masek, Éditions de l'Olivier, 1993 / Points Seuil, 1995
Les œuvres complètes de Billy the Kid, trad. Armando Llamas, Actes Sud, 1996 / trad. Michel Lederer,Éditions de l'Olivier, 1998
Buddy Bolden: une légende, trad. Michel Lederer, Éditions de l'Olivier, 1999
Écrits à la main : poèmes, Éditions de l'Olivier, 2000
Le fantôme d'Anil, trad. Michel Lederer, Éditions de l'Olivier, 2000 /  Éd. Boréal, 2000 / Corps16, 2001 / Points Seuil, 2001
Divisadero, trad. Michel Lederer, Éd. Boréal, 2007 /  Points Seuil, 2008
Conversations avec Walter Murch : l'art du montage cinématographique, trad. Pierre Brévignon, Éd. Ramsay Cinéma, 2009