Grèce : Vassilis Vassilikos

Chroniqueur révolté d'un monde surréaliste

Vassilis Vassilikos est un auteur grec contemporain à la plume particulièrement productive : son œuvre compte près de quatre-vingt-dix titres, dont une partie importante est traduite en d'autres langues, ce qui lui permet de jouir d'une réputation internationale depuis longtemps déjà. Mêlant imaginaire et réalité, il exprime dans ses œuvres tout son désir de liberté, ainsi que sa révolte contre les abus de pouvoir en tous genres et la folie qui gouverne trop souvent nos vies.

Né à Kavala le 18 novembre 1934, Vassilis Vassilikos a vécu la plus grande partie de sa jeunesse à Thessalonique. Après une licence en droit, il quitte la Grèce pour les États-Unis où il étudie la mise en scène pour la télévision (Yale University-Drama School ; School of Radio and Television-New York). De retour en Grèce, il exerce le métier de journaliste, mais aussi de scénariste, d'acteur et de metteur en scène (ou d'assistant metteur en scène) à Athènes, pour des productions grecques et étrangères (théâtre, télévision, documentaires).

Pour éviter les persécutions en raison de ses engagements politiques gauchistes, il s'installe à Paris pendant la dictature des colonels, de 1967 à 1974. En 1970, il reçoit le prix littéraire international « Meditteraneo ». Après la restauration de la démocratie, il retourne en Grèce et accepte la proposition d'Andréas Papandreou devenu premier ministre en 1981, qui lui confie le poste de Directeur adjoint à la télévision hellénique ERT 1 jusqu'en 1984. Plus tard, il propose des scenarii à ARTE (1990-1993). Membre du Conseil Municipal d'Athènes entre 1994 et 1996, il est nommé ambassadeur de la délégation de la Grèce auprès de l'UNESCO de 1996 à 2004. Il est également élu président de la Société des Auteurs Grecs entre 2001 et 2005.

V. Vassilikos a été honoré de plusieurs titres : docteur honoris causa de la Faculté de Philosophie et Lettres de l'Université de Patras (1984) ; Membre du Parlement International des Auteurs, siégeant à Strasbourg ; Membre du Conseil d'Administration de la Maison des Écrivains de la France (1990-1993)...

Il est marié à la cantatrice Vasso Papantoniou,  avec qui il a eu une fille.

V. Vassilikos a commencé à écrire très jeune et son œuvre embrasse tous les genres littéraires : des essais, des poèmes, des nouvelles, des romans, des pièces de théâtre, des scenarii, des articles... Cependant, c'est surtout en tant que romancier qu'il se distingue. Sa première nouvelle, Le Récit de Jason, publiée en 1953, l'impose déjà comme un talent très prometteur, malgré l'influence évidente d'André Gide. L'accueil du public est également chaleureux pour sa deuxième œuvre, Victimes de paix (1956), où l'on sent cette fois une certaine ressemblance avec les écrits d'Albert Camus.

L'angoisse existentielle, la solitude et la révolte de l'individu contre un monde déraisonnable, voire surréaliste, opprimant toute expression de liberté authentique, ces thèmes-clés parmi les plus favoris des artistes des années '50 et '60, occupent une place de prédilection dans les œuvres de V. Vassilikos, notamment pendant cette période.

Dans cet esprit, l'auteur réunit en 1961 dans un volume unique trois nouvelles aux sujets symboliques et diachroniques, déjà publiées séparément : La Feuille, Le Puits, La Création d'anges ; une trilogie particulièrement réussie, qui lui a valu le prix littéraire « des 12 ».

Ensuite, V. Vassilikos se tourne vers des questions touchant plus directement l'actualité brûlante, désirant devenir un « chroniqueur de son époque », en quelque sorte. Cette actualité est cependant toujours « romancée » ; l'imaginaire et le réel s'y trouvent entrelacés pour créer l'univers propre des textes de Vassilikos. L'auteur sait retranscrire de manière si réaliste, quoique lyrique et pleine de sensibilité, les enjeux de pouvoir, les conflits externes et internes à tous les niveaux - politique, social, économique, psychologique - d'un monde complexe, qu'on a l'impression qu'il est toujours personnellement impliqué dans l'histoire.

V. Vassilikos publie en 1964 la Mythologie de l'Amérique  et Les Photographies. En 1966, Z traite du meurtre d'un parlementaire grec, G. Lambrakis, en 1963,  et annonce déjà le danger totalitaire qu'encourait la Grèce ; Costa Gavras en fera le scénario du film éponyme.

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Quelques autres œuvres représentatives : Le Fusil harpon (1971), Café « Émigrec » (1972), l'autobiographique Glafkos Thrassakis (quatre volumes, publiés entre 1975-1978), La Flamme de l'Amour  (1979), Le Dernier Adieu (1979) - lauréat en Grèce du Prix National de Nouvelle en 1980, refusé par l'auteur. Plus récemment, il a publié K (en deux volumes : 1992 et 1993), qui traite du scandale financier de l'affaire Koskotas, Maya (1993), Il existe de rêves (1995), Les Cadeaux de l'amour (1997), L'Européen et la Belle de l'Au-delà (1999), Toi et moi (1999), La Mémoire revient avec des sandales neuves (2000)...

Vassilis Vassilikos continue à traduire inlassablement, à la façon raffinée et caustique qui lui est propre, les inquiétudes et les révoltes de tout homme sensible aux enjeux d'un monde aux (dés-)équilibres critiques.

 

Aikaterini Lefka
Janvier 2010

 

crayon

Aikaterini Lefka enseigne à l'ULg le grec moderne et les rapports entre morale et religion dans l'Antiquité. Elle est aussi chercheur en philosophie à l'Université du Luxembourg et à la Towson University.


 

 

Œuvres traduites en français

Z,  trad. Pierre Camberousse, Éd. Gallimard, 1967 / Folio, 1972
Trilogie : La Plante - Le Puits - L'Ange, trad. Pierre Camberousse, Éd. Gallimard, 1968 / La plante, Folio, 1989
Les Photographies, 1969  / trad. Jacques lacarrière,  Folio, 1985
Le journal de Z, Éd. Gallimard, 1971
Le Fusil-harpon et autres nouvelles, Éd. Gallimard, 1973
Lunik 2, Éd. Gallimard, 1974
La belle du Bosphore, Éd. Gallimard, 1977
Alfatride, Éd. Gallimard, 1978
Un poète est mort, Éd. Julliard, 1978
L'eau de Kos, trad. Françoise Huart, Éd. Gallimard, 1980
Le dernier adieu, suivi de Foco d'Amor, trad. Gisèle Jeanperin, Éd. Gallimard, 1985
Rêves diurnes et autres nouvelles, Éd. Gallimard, 1988
La plante, trad. Pierre Comberousse, Éd. Gallimard L'imaginaire, 1989
Mais fais donc quelque chose pour que je rate mon train , trad. Gisèle Jeanperin, Éd. Griot, 1990
L'hélicoptère, trad. Gisèle Jeanperin, Éd. Griot,1991
K, trad. hélène Fronistas, Éd. Seuil, 1994
Les lotophages, trad. Gisèle Jeanperin, Éd. Hatier, 1994
Le prix des sentiments, trad. René Bouchet, Éd. Seuil, 2000.
Les soleils couchants : mémoires littéraires, trad. René Bouchet, Éd. Alteredit,2004