Ukraine : Andreï Kourkov

Autres romans

Kourkov

Le réalisme fantasmagorique de l'auteur s'affirme dans la trilogie intitulée La géographie d'un coup de fusil solitaire, où se développe un thème éternel : un ange descend sur terre pour prouver à ses confrères  qu'il y a encore des gens dignes d'être acceptés au paradis dont les portes restent toujours fermées, sans qu'on sache pourquoi. Le jour même de son arrivée, l'ange se fait tirer dessus par une garde militaire qui poursuit des déserteurs. L'ange, tout dépité, arrête la balle et prononce une formule magique : Si, malgré tout, tu es quand même sortie dans ce monde, la balle, tu attaqueras désormais tout homme qui aura souhaité du mal à son prochain. Et si c'est le mal qui réunit tous les humains, ils périront tous. Seuls survivront ceux qui se souhaitent du bien. Mais la formule se termine par des paroles tout à fait inattendues : Et si un jour, la balle,  tu es fatiguée de tuer, tue un gentil. Il sera ta dernière cible, et c'est en lui que tu t'arrêteras...
Malheureusement, ce récit kafkaïen n'a pas encore été traduit en français.

Les passionnés de la démocratie naissante en Ukraine suite aux récentes péripéties politiques seront curieux de lire Le dernier amour du président. S'il ne cite ni de personnages ni événements réels, le roman fait clairement allusion au passé soviétique et au présent transitoire de l'Ukraine. Au fil des pages, on constate une sorte de dédoublement du président, à la façon d'E.-E. Schmidt dans La Part de l'Autre : le président (probablement, ukrainien ?) tel qu'il est, d'une part, et, d'autre part, celui qu'il aurait pu ou souhaité être. Le contexte politique révolutionnaire, l'étrange maladie du président, les relations russo-ukrainiennes à propos de la fourniture du gaz, tout est mystérieusement relaté dans ce roman... publié exactement huit mois avant les élections controversées ukrainiennes et la révolution orange à Kiev.

Kourkov

Le dernier roman d'Andreï Kurkov, Le laitier de nuit, paraît aux éditions Liana Levi en ce mois de janvier 2010. Fidèle à son genre, l'auteur met en scène, toujours à Kiev, une panoplie de personnages pour parler de la dégradation de valeurs humaines.  Le breuvage « antifrousse » inventé par un pharmacien de Kiev communique à celui qui en consomme le courage, la constante présence d'esprit et la réussite dans ce qu'il entreprend. Il a cependant un effet secondaire sur les hommes politiques : ils deviennent honnêtes. Malgré tout, l'auteur reste optimiste : le lait précieux et bienfaiteur d'Irina qui incarne l'Ukraine (Irina rime avec Ukraïna, le nom de l'Ukraine dans la langue du pays) nourrira ses citoyens et leur procurera un avenir mérité.


Traduit en trente-deux langues

Bien que Kourkov s'intéresse toujours, dans ses œuvres, à la réalité d'avant et après régime soviétique en Ukraine, à ses tenants et aboutissants, ses romans sont plébiscités à l'étranger et traduits en 32 langues et repris par de nombreux éditeurs.

L'auteur se montre très disponible pour ses traducteurs, avec lesquels il aime collaborer en répondant à leurs interrogations et en fournissant toutes les explications souhaitées, ce qui augmente la qualité de leur travail. Il est toutefois arrivé qu'un traducteur britannique, ancien officier du MI6, se permette de raccourcir l'histoire d'un tiers, sous prétexte que les lecteurs britanniques ne pourraient comprendre la vie post-soviétique qu'ils n'ont ni connue, ni vécue... Le résultat était désastreux, le roman incompréhensible.

Certains traducteurs consciencieux font le déplacement vers Kiev, afin de tout voir de leurs propres yeux, de s'imprégner, pour ainsi dire, de la couleur locale. En compagnie de l'auteur, ils arpentent les endroits décrits, observent la vie des gens similaires aux personnages des romans, que l'on rencontre partout, car tout est tiré du réel. Ils apportent également leur part dans l'idéologie de l'optimisme, mais cette fois-ci c'est d'optimisme international qu'il s'agit.  Cet univers rude mais à la fois émouvant et attirant est assurément à découvrir, in situ, sur place, ou à travers les œuvres d'Andreï Kourkov.

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Seul écrivain professionnel ukrainien qui soit payé pour écrire des livres, selon ses propres dires, Kourkov a récemment déclaré avoir déjà écrit ses meilleures œuvres, ajoutant qu'il serait le premier étonné s'il lui arrivait encore d'écrire une œuvre marquante. Là-dessus, on peut émettre de sérieux doutes : la vie ne cessera jamais de l'inspirer.

 

Alla Kuzhel
Janvier 2010

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Alla Kuzhel est diplomée en langues  romanes et germaniques de l'Université de Donetsk (Ukraine) et en marketing de l'Université de Nancy. Elle enseigne le russe à l'Institut Supérieur des Langues Vivantes ULg.

 


 

Œuvres traduites en français

Le Pingouin, trad. Nathalie Amargier, Éditions Liana Levi,  2000 (rééd. 2005) / Éditions Feryane, 2001 / Éditions Points Seuil, 2001
Le Caméléon, trad. Christine Zeytounian-Beloüs, Éditions Liana Lévi,  2001 / Éditions Points Seuil, 2002
L'ami du défunt, trad. Christine Zeytounian-Beloüs , Éditions Liana Levi,  2002 / Éditions Feryane, 2002 / Éditions Points Seuil, 2003
Les Pingouins n'ont jamais froid, trad. Nathalie Amargier, Éditions Liana Lévi,  2004 / Éditions Points Seuil, 2005
Le dernier amour du Président, trad. Annie Epelboin, Éditions Liana Lévi,  2005 / Éditions Points Seuil, 2006
Laitier de Nuit, trad. Paul Lequesne, Éditions Liana Levi,  2010

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