Musique mixte, à la frontière des genres

Le fossé s'élargit ?

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« J'aime beaucoup Radiohead et David Bowie, confie le compositeur français Franck Christoph Yeznikian (sa page sur Myspace) quelques minutes avant la présentation de son œuvre. Ils ont apporté énormément à la musique. Mais est-ce que Thom York (chanteur de Radiohead, ndlr) connaît la musique contemporaine ? Les grands noms, oui, et heureusement. Mais le schisme entre la musique dite savante et la musique dite populaire s'agrandit de plus en plus. Il faut œuvrer, pour créer des ponts entre les deux. » Franck Christoph Yeznikian se bat bec et ongle pour créer ces passerelles. Après tout, il entre dans le monde de la musique comme batteur d'un groupe de punk rock avant de se diriger vers l'expérimentation et la composition contemporaine. Il tente de promouvoir cette musique sur les blogs. De faire comprendre qu'il y a une richesse, et qu'elle n'est pas profondément enfouie sous des mètres de terres occultes d'incompréhension. « David Sylvian, le chanteur du groupe Japan, vient de sortir un album, 'Manafon'. Il y a un travail extraordinaire des sons. Cet album propose cette connexion entre les deux. »

Extrait de PVLVERE (entre poudres et poussières) de F.C. Yeznikian :

Ce schéma d'une rupture entre deux genres de musiques ne date pas d'hier. Mais si elle existe aujourd'hui entre la musique contemporaine et la musique populaire, c'est bien au détriment de la première. L'absence d'un vedettariat dans cette musique contraste avec le culte de l'image, de l'idolâtrie qu'on peut observer au sein des arts plus populaires. « Nous sommes les parents pauvres de la musique. Et ça s'aggrave. Le rendement devient de plus en plus important, au détriment de la diversification. J'étais à la Fnac de Lyon, l'autre jour. Le responsable de la musique classique m'a montré un minuscule espace. Il reprenait l'ensemble de l'actualité de la musique contemporaine. Il y a quelques mois, il en avait deux rayonnages ! ».

Toutefois, cette rupture ne pourrait être vraie qu'en termes de réception du public. Cette musique permet d'intégrer à l'art de nouveaux outils, de nouveaux rapports aux sons, de nouvelles expériences. Mais au-delà de cette table rase, de la recherche d'un nouveau rapport au monde, ce sont des musiques connectées à leur passé (Mendelssohn, Satie, Haydn) mais également à leur présent. Et au-delà d'une influence parfois minime mais avouée de la musique populaire – la frontière est parfois poreuse –, ces œuvres sont les traces d'une interprétation artistique, du témoignage de moments de vie bien réels et de sensations simples que les compositeurs veulent partager :

écouter les extraits sonores « Philippe Leroux - la musique raconte la vie »

et « Marie-Isabelle Collart - pas de schisme, mais un manque d'accès à la diversité  » ).



Le CRFMW, mélomane et humaniste

Au-delà du festival de musique électronique live, le Centre de Recherche et de Formations Musicales en Wallonie œuvre de différentes manières pour favoriser la création et l'interprétation de la musique mixte et son accès au public. Sa création par Henri Pousseur traduit une réelle volonté pédagogique, d'accessibilité de la musique là où son enseignement disparaît de plus en plus des programmes scolaires. S'il reste aujourd'hui un studio de création, il aura directement influencé l'apport de la musique électronique dans les classes de composition et d'improvisation du conservatoire de Liège.

Notons également les bourses et les commandes que le centre offre à des compositeurs de talent pour la création de pièces nouvelles, comme ce fut le cas de PVLVERE (entre poudres et poussières) de Franck Christoph Yeznikian, présentée au festival le jeudi 19 novembre 2009. Parmi toutes les initiatives pour diffuser cette musique qui doit jouer des coudes pour se faire une place dans le paysage culturel de masse, il faut enfin noter la production d'albums, comme la coproduction du label Fuga Libera et du CRFMW « Percutronique », réalisé avec l'aide de la Communauté française et distribué par Outhere. Sorti pour les dix ans du festival de musique électronique live, cet album reprend trois œuvres de musique mixte, dont le Passacaille pour marimba et live electronics de Pierre Bartholomée. Œuvres interprétées par Jessica Ryckewaert, Gérald Bernard et Jean-Marc Sullon.  

                                                                                                                                             Philippe Lecrenier
Décembre 2009

crayon

Philippe Lecrenier est journaliste, diplômé de l'ULg en information et communication à finalité presse écrite et audiovisuelle. Il évolue également au sein du groupe de folk rock Yew.


Pour se familiariser avec la musique mixte :

-         « Percutronique », créé par le CRFMW avec l'aide de la Communauté Française, distribuée par Fuga Libera.

-         « Voi(REX) » pour voix, 6 instruments et dispositif électronique (2002), de Philippe Leroux, sur base des textes de Lin Delpierre.

-          « Huit études paraboliques » (1972) de Henri Pousseur, éditées chez Sub Rosa, mais malheureusement épuisées pour le moment.

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