Musique mixte, à la frontière des genres
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La musique électronique contemporaine, malgré son apparente inaccessibilité au grand public, ne s'est pourtant pas coupée du reste de l'art. Elle a initié une nouvelle recherche de la spatialisation du son, de nouveaux rapports au monde.  La musique raconte la vie.  En novembre dernier, le Centre de Recherches et de Formations Musicales de Wallonie organisait son 11e festival de musique électronique live à Liège. C'est pour nous l'occasion de (faire) découvrir la musique mixte.

Fin des années 1960, le monde de la musique entame un virage important. De plus en plus d'artistes et ingénieurs du son sont sensibilisés par de nouveaux moyens d'expérimentation du son. Ainsi, Eddie Kramer, ingénieur du son de Jimi Hendrix, propose de passer les bandes enregistrées à l'envers. Citons aussi les Beatles, les Pink Floyd, King Crimson, toute une série de groupes qui vont énormément réfléchir sur le son, avant l'arrivée de la musique électronique de Kraftwerk.

Une pensée nouvelle, une recherche nouvelle

Aujourd'hui, l'électro est un genre à part entière, une philosophie de vie qui se mélange avec le rock, le jazz, la pop, le rap, etc. Les dernières générations de représentants de la musique classique intègrent également ces technologies, avec un engouement et une excitation face à l'expérimentation et à la nouveauté au moins aussi démesurés que chez les grands noms de la musique populaire. Vont donc se développer des institutions permettant l'élaboration de ces musiques contemporaines. Dans les années 1950 déjà, Pierre Schaeffer donne les premiers coups de griffe de ce tournant culturel. Parallèlement, des grands studios de musique électronique vont émerger. Le WDR (Westdeutscher Rundfunk) de Cologne, dirigé par Karlheinz Stockhausen à partir de 1962. Maderna et Berio fondent, eux, le studio de Phonologie Musicale au sein de la RAI en 1955. Notons chez nous le Centre de Recherches et de Formations Musicales de Wallonie, fondé par Henri Pousseur en 1970, ou encore l'Ircam en 1977 en France. Quelques grands noms vont dicter l'Histoire du « classique contemporain » de la musique électronique. Edgard Varèse, par exemple, et son Désert pour ensemble d'instruments à vent, percussion et sons électroniques de 1954, ou son Poème électronique de 1958, mais également Pierre Boulez ou Nono, parmi d'autres.

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D'un point de vue artistique, la musique électronique et la musique mixte (proposant des œuvres pour instruments et installations électroniques) entament leur voyage avec des aléas constants entre l'héritage du passé et une volonté de bouleverser les codes. Philippe Leroux, compositeur, témoigne. « Ce qui me semble fondamental, c'est qu'il y ait une interaction au niveau sonore entre l'électronique, les instruments et la voix, mais aussi une interaction au niveau conceptuel. Le fait d'utiliser l'électronique amène une pensée nouvelle, des concepts nouveaux, des outils nouveaux. Ce qui m'intéresse, c'est de remettre en cause les fondements mêmes de la musique. »

Deux extraits de Voi(rex) par Philippe Leroux :



Philippe Leroux  donne sa définition de la musique en tant que partage :

Gaëlle Hyernaux

« L'installation électronique peut être envisagée comme un nouvel instrument à part entière, développe Gaëlle Hyernaux, qui a présenté une de ses compositions au festival. Elle peut aussi être prise comme une prothèse d'un instrument, comme quelque chose qui nous donne un autre monde, une nouvelle manière de voir la musique. C'est un moyen d'élargir les possibilités de la musique acoustique, ou alors la possibilité d'appréhender le phénomène sonore par un tout autre côté. Elle permet de gommer tous les paramètres qu'on a dans la musique acoustique pour passer outre. Elle permet enfin de pousser les instruments classiques à leurs limites parce qu'il y a des machines derrière. Il y a une technique instrumentale qui évolue de par la musique mixte. »

Extraits d'Avatar ou à la recherche de l'ombre du 120 de Gaëlle Hyernaux  :





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Au-delà de la recherche de nouveaux sons émanant de l'instrument ou non, les musiques électroniques ont initié une nouvelle recherche de la spatialisation du son, qui se répète, qui bouge, qui évolue d'une manière différente à toutes celles que l'être humain a pu expérimenter jusqu'à la moitié du XXe siècle. « Il est vrai que la spatialisation du son n'a sans doute pas été une des préoccupations majeurs des compositeurs, explique Marie-Isabelle Collart, à la direction du CRFMW depuis 2002. Sauf l'un ou l'autre, peut-être. Mais ils n'avaient simplement pas des salles et des acoustiques comme celles qu'on arrive à construire aujourd'hui. En plus, de nos jours, le compositeur, derrière la console, maîtrise le son, il en fait ce qu'il veut. Les tables de mixage, les canaux et les possibilités multiples de placements, de répartitions des diffuseurs permettent cette réflexion, cette expérimentation sur la spatialisation du son. »

Marie-Isabelle Collart : la musique électronique, une évolution, pas une rupture :

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