Lectures 2014 - Poches - Romans

Ferrari

Jérôme Ferrari, Sermon sur la chute de Rome

Le Prix Goncourt 2012 doit son titre aux quatre Sermons sur la chute de Rome dans lesquels en 410 Saint Augustin, après le sac de la ville par les Visigoth, considère la fin du monde comme un phénomène naturel. La Corse en est le décor, comme la plupart des romans de l’auteur d’Où j’ai laissé mon âme (Babel). Nous sommes dans un village dont le bar, suite à plusieurs expériences malheureuses, est repris par deux anciens étudiants en philosophie. L’un d’eux, Matthieu, est le petit-fils de Marcel, né à Sartène en 1919 et dont on suit en alternance le parcours au fil du XXe siècle. Notamment pendant la Deuxième Guerre mondiale qui l’éloigne de son île. Au style dialogué, familier, mais pas relâché du premier récit, répond l’écriture lyrique, construite en longues phrases sans retour à la ligne du second. Intervient aussi Aurélie, petite-fille aimante de l’un et sœur exaspérée de l’autre. L’art de Ferrari est d’entremêler habilement ces différents personnages, époques et lieux. (Babel)

 

ToussaintJean-Philippe Toussaint, La Vérité sur Marie

Après Faire l’amour (2002) et Fuir (2005, Prix Médicis), La Vérité sur Marie (2009, Prix Décembre) est le troisième et avant-dernier (le dernier, Nue, est paru l’an dernier) tome du «Cycle sur Marie». L’histoire entre le narrateur et son amie racontée par cette tétralogie, c’est celle de leurs ruptures et retrouvailles. A l’entame de La Vérité sur Marie, ils ne vivent plus ensemble, et si le narrateur rejoint son ex-compagne dans leur ancien appartement commun, c’est parce que l’amant du moment de la jeune femme y est mort subitement. Ce Jean-Christophe de G. (en réalité prénommé Jean-Baptiste), un homme d’affaires travaillant dans le milieu de l’art, occupe dès lors la partie centrale du livre. Sont évoqués sa rencontre avec Marie à Tokyo, dans la galerie où elle expose ses photos, suivie par l’exfiltration difficile du Japon de son pur-sang défait lors d’une course prestigieuse et suspecté de dopage. Marie, on la retrouve finalement sur l’île d’Elbe, un an après l’enterrement de son père. Où, comme l’été précédent, la rejoint le narrateur. Et où un gigantesque incendie va de nouveau les rapprocher. Mais jusqu’à quand? (Minuit Double) - voir aussi ici

 

DaeninckxDidier Daeninckx, Le Banquet des affamés

Il n’est pas étonnant que l’auteur engagé de Meurtres pour mémoire ou de Cannibales se soit intéressé à Maxime Lisbonne (1839-1905). Cet homme de presse et de théâtre célèbre de son vivant, mais complètement oubliée aujourd’hui, fut l’un des acteurs de la Commune de Paris dont il fut colonel. Condamné à mort trois fois, il est exilé, comme Louise Michel, en Nouvelle Calédonie. A son retour à Paris après la loi d’amnistie (notamment défendue par Hugo), il dirige les Bouffes du Nord, reprend L’Ami du peuple, le journal fondé par Marat sous la Révolution dans lequel il brocarde les politiciens de son temps. Il ouvre un cabaret-spectacle, La Taverne du bagne, qui imite le bagne, tenues comprises, et met sur pied un Banquet des affamés, table ouverte pour les déshérités qui connaît un formidable succès. Celui qui signait «Proscrit de la Commune» meurt dans une relative indifférence. Donnant la parole à son héros, Daeninckx rend hommage à un authentique révolutionnaire qui, jamais, n’abdiqua de ses idées progressistes et généreuses. Et, ce faisant, il signe l’un de ses meilleurs livres. (Folio)

 

TadjerAkli Tadjer, La meilleure façon de s’aimer

Saïd Méziane, 30 ans, est courtier en assurances. Un courtier «cynique, âpre aux gains, sans foi ni loi» dont l’abondante clientèle est formée de musulmans de Paris - un boucher hallal, un pèlerin en partance pour La Mecque, etc. Ce jour de mars 2011, il est pourtant sèchement remercié par les nouveaux propriétaires – chinois – de sa société. Au même moment, sa mère, Fatima, immobile et mutique depuis près de trois mois suite à un AVC, bouge enfin un doigt, redonnant espoir à son enfant unique. Soignée par des infirmières sur lesquelles elle porte un regard tantôt amical, tantôt sévère, la vieille femme replonge dans son passé. Orpheline très jeune, elle a été placée dans un orphelinat avant d’être recueillie à 10 ans par un couple de Français. Qui, en 1962, est contraint de quitter Alger sans pouvoir l’emmener avec lui faute de l’avoir officiellement adoptée. Saïd, de son côté, furieux d’avoir perdu son emploi et de voir sa mère dépérir, ce qui ne facilite pas ses rapports avec son amie, rumine son propre passé. Se souvenant avoir été obligé, suite aux attentats du 11 septembre 2001, de changer un temps d’identité afin de ne pas être regardé avec suspicion et méfiance. (Pocket)

 

ConstantineBarbara Constantine, Allumer le chat

Fille de l’acteur Eddie Constantine, l’auteure a été scripte au cinéma (chez Altman, Mocky, Klapisch, Ruiz, etc.) avant d’écrire ce premier roman en 2007. Cette pétillante comédie villageoise met alternativement en scène des personnages de générations différentes (plus un chat pédant!) dont les destins sont chamboulés suite à la mort de celui qui était à la fois un mari, un amant et un fils. Les existences de Mine, Josette, Edith, Raymond, Remi, Momo et les autres prennent des chemins aussi imprévisibles qu’inattendus dans cette peinture d’un quotidien transfiguré par la fraicheur du regard et l’humour chaleureux de l’écriture. Barbara Constantine a confirmé son talent de conteuse dans plusieurs autres romans comme Et puis Paulette… ou Tom, petit Tom, tout petit homme. (Points)

 

dugainMarc Dugain, Avenue des Géants

Le 22 novembre 1963, le jour de l’assassinat de John Kennedy, Al Kenner, le narrateur, abat successivement, avec la winchester reçue trois jours plus tôt pour ses 15 ans, sa grand-mère, qui la tyrannisait, puis son grand-père pour lui éviter «une peine immense». Cet adolescent de 2,20 mètres et de 120 kg, au QI supérieur à la moyenne, prend alors la route, non pour fuir mais pour savourer quelques jours de liberté, avant de se rendre à la police. Envoyé en hôpital psychiatrique, libéré sous contrôle judiciaire, il est hébergé par sa mère, femme infecte qui le déteste. Il trouve du boulot, prend son autonomie mais un accident de moto sur l’Avenue des Géants le renverra dans le giron maternel. Et déclenchera l’irrémédiable. Al Kenner existe vraiment, il s’appelle Ed Kemper, est un tueur en série qui purge sa peine dans l’Etat de Californie, où il lit des livres sur CD pour aveugles et donne des cours de théologie. Nourri des ingrédients du polar, Avenue des Géants n’en est absolument pas un. Son auteur s’attache en effet quasi exclusivement au parcours intérieur de son héros qui jamais ne fait mention de ses crimes. Ce roman éblouissant est aussi le portrait de l’Amérique de la fin des années 1960 avec ses hippies et des déserteurs de la guerre au Vietnam. (Folio)

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