Lectures 2014 - Poches - Romans

 

GadennePaul Gadenne, Les Hauts-Quartiers

Paru en 1973 de manière posthume, cet épais roman est le septième et dernier d’un écrivain mort à 49 ans, en 1956, de la tuberculose. C’est d’ailleurs de cette maladie qu’est atteint son héros, Didier, un écrivain mystique qui tente de terminer son étude sur les saints. En révolte contre les hauts-quartiers où vit confortablement la bourgeoisie de la ville, il se dépouille progressivement pour atteindre une totale précarité. Non sans avoir connu quelques femmes, et notamment Flopie qu’il a épousée et qui est la dernière à être à ses côtés lorsqu’il meurt. Dans sa préface, Pierre Mertens se désole du peu d’écho qu’a aujourd’hui en France l’œuvre de Gadenne (même si plusieurs de ses livres ont été réédités, tels Siloé, La Rue profonde ou L’invitation chez les Stirl)), constatant que «c’est bien l’oubli qui a sanctionné sa sortie de scène». (Points)

 

BertrandJacques A. Bertrand, Les autres, c’est rien que des sales types

De quoi s’agit-il? De vingt représentants de ces Autres qui peuplent – polluent? - le monde, et donc notre existence– et qui sont, cela va sans dire, typiquement humains, même si le chien, nous rappelle l’auteur, n’est jamais loin. Tout est formidablement juste et drôle. La dissertation sur les Cons, par exemple, les grands, petits, jeunes, vieux, pauvres, dernier des, comme un balai, etc., constitue un extraordinaire morceau de bravoure littéraire.  «Quoi de plus humain que l’Imbécile Heureux? On n’en trouve dans aucune autre espèce animale (ou alors, peut-être chez certains chiens de compagnie)», interroge le facétieux auteur. Avant de noter qu’il n’existe pas d’Imbécile Malheureux parce qu’il «ne serait plus tout à fait un imbécile. Il serait principalement malheureux, comme vous et moi.» Tout est de cette eau-là, qu’il soit question du Touriste, du Philanthrope, du Parisien, du Provincial, du Psychorigide, du Voisin, du Malade, du Pauvre, du Végétarien, de l’Enthousiaste («l’exemple même du type assommant»), du Lambda (majoritaire) ou du Groupe («ramassis de sales types qui fonctionne comme un seul homme»). (10/18)

 

GounelleLaurent Gounelle, Le philosophe qui n’était pas sage

Le héros est un prof de philo new-yorkais engagé dans une démarche personnelle de recherche intérieure. Mais que vaut cette philosophie de vie face à la mort de sa femme, tuée rituellement lors d’un reportage dans une tribu amazonienne? Il lui est devenu insupportable que ce peuple réputé comme le plus épanoui sur Terre le demeure. Le voilà donc parti au cœur de la jungle en compagnie d’un drôle d’équipage. Sur place, malade, refusant d’approché les indigènes, il reste reclus dans sa tente, laissant le soin à Krakus, un ancien mercenaire, d’inoculer dans ce monde harmonieux et solidaire les virus de notre société capitaliste: l’individualisme, le matérialisme, le consumérisme, la violence, et tout ce qui en découle: la peur de manquer, les diktats de la mode, l’esprit de compétition, la rivalité, etc. La seule à tenter de résister est Elianta, dotée de pouvoirs chamaniques. (Pocket)

AlexakisVassilis Alexakis, L’enfant grec

Si le narrateur ressemble beaucoup à l’écrivain né à Athènes en 1943 et installé en France après le coup d’Etat des colonels de 1968, bien des situations et personnages mis en scène sont purement imaginaires. En définitive, seul le point de départ est exact: suite à une opération à la jambe, l’auteur de La Langue maternelle a séjourné dans un hôtel parisien près du Jardin du Luxembourg. Il a arpenté ce vaste parc à tous petits pas et en tous sens, se liant avec ses habitants, clochards, concierge, dame-pipi ou animatrices du théâtre de Guignol qui, à une époque, faisait vivre les personnages classiques de la littérature. Ce sont eux, Jean Valjean, d’Artagnan, Lucien de Rubempré, Don Quichotte, Long John Silver, Tarzan ou Michel Strogoff qui le renvoie dans son enfance grecque. (Folio)

 

DevillePatrick Deville, Peste & Choléra

Couronné en 2012 par le Femina, ce roman raconte la vie du Suisse Alexandre Yersin (1863-1943) resté largement méconnu bien qu’il a, en 1894, découvert le bacille de la peste à Hong Kong sur des cadavres de soldats anglais et qu’il a ensuite inventé le vaccin contre cette maladie. Mais il arrête ensuite la bactériologie pour se mettre à la médecine vétérinaire, à la botanique et à l’astronomie. Déjà présent dans un précédent roman de l’auteur, Kampuchéa, Yersin fut aussi explorateur professionnel et cartographe. Il est par exemple le premier à avoir relié par voie de terre la Mer de Chine à Phnom Pen. A 26 ans, après avoir notamment travaillé sur la tuberculose et la diphtérie au sein de l’Institut Pasteur nouvellement créé, il laisse tomber une carrière prometteuse de génie scientifique et embarque pour l’Asie. Mais très vite il s’ennuie et s’installe à Nha Trang, un village côtier situé à 500 km de Saigon où il ouvre en 1895 un Institut Pasteur. – et où son chalet existe toujours, seulement habité par ses quatre gardiens. Cet ancrage vietnamien ne l’empêche pas de revenir de temps à autre à Paris ou d’être à plusieurs reprises envoyé en mission, en Chine, où sévit une épidémie de peste, à Madagascar ou à Bombay. Il est le premier à se lancer dans la production de caoutchouc et mène des études sur la quinine. Et pourtant, il meurt oublié en 1943, à une époque où le monde a autre chose à faire que de s’occuper de sa postérité. (Points)

 

TongCuongValérie Tong Cuong, L’Atelier des miracles

Délaissée par ses parents, supportant douloureusement une culpabilité enfantine, Millie est une jeune fille assez paumée. Lorsqu’une nuit, son immeuble prend feu, elle se jette par la fenêtre de son appartement. A son réveil à l’hôpital, elle feint l’amnésie avec l’illusion de parvenir ainsi à tirer un trait sur son passé. Monsieur Mike est un militaire qui a déserté suite à «des choses par racontables». Quitté par sa femme, relégué sous un porche, il a été tabassé par d’autres SDF. Mariette, enfin, est une quadragénaire mariée à un député arriviste et imbu de lui-même, qu’elle n’aime plus depuis longtemps, et mère de jumeaux ados qui ne lui témoignent que du mépris. «Persécutée» par la classe de 3ème à qui elle enseigne l’histoire-géo, elle gifle le «meneur» qui se retrouve au bas de l’escalier. Là-voilà en centre de repos. Tous trois sont «recrutés» par le directeur de l’Atelier, une association caritative venant en aide aux personnes en grandes difficultés. Mais cet homme altruiste et généreux dissimule une blessure profonde. Ce roman touche avec une stupéfiante justesse à notre humanité commune, à ce besoin de solidarité, d’entraide. A cette certitude que quelque part quelqu’un existe pour nous et, par son amour, son affection, va nous aider à vivre. Et tout cela est merveilleusement dit. (J’ai lu)


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