Lectures 2014 - Poches - Romans

MukosongaScholastique Mukasonga, Notre-Dame du Nil

La Prix Renaudot surprise décerné à ce roman couronne une écrivaine rwandaise née en 1956, aujourd’hui assistante sociale en Normandie, dont la famille a été massacrée lors du génocide. Et notamment sa mère à qui elle a consacré le digne et émouvant La femme aux pieds nus (Folio) paru en 2008. Ici, elle met en scène, dans les années soixante, la vie d’un lycée pour filles de familles aisées situé sur les hauteurs de Kigali et dont les enseignants sont Européens. «Heureux le professeur qui a le bonheur d’enseigner au Rwanda, écrit-elle. Il n’y a pas d’élèves plus calmes, plus dociles, plus attentifs que les élèves rwandais.» Mais ce lycée exemplaire n’accepte que 10% de Tutsis et bientôt le poison de la division franchit ses murs. Derrière cette chronique enjouée, où l’on apprend par exemple que la fille du président va être donnée à Baudouin et Fabiola, où un vieil excentrique affirme que les tutsis descendent des pharaons noirs, plane un climat de plus en plus lourd qui débouchera sur le génocide de1994. (Folio)

 

ModianoPatrick Modiano, L’Herbe des nuits

En 1964, le héros, un jeune homme de 19 ans (l’âge de Modiano à l’époque), arpente, en compagnie d’une certaine Dannie, les rues de Paris en tous sens au grès des hôtels ou appartements qu’ils occupent ou ont occupé, transitant par différents cafés ou par la maison de campagne où le garçon oublie son premier manuscrit. Cette femme semble liée à un groupe d’hommes qui seront les responsables l’année suivante de l’enlèvement à de l’opposant marocain Ben Barka. Plusieurs d’entre eux ont également sévi sous l’Occupation, principalement celui qui se fait appeler Georges B. pour Boucheseiche, truand lié à la Gestapo française de la rue Lauriston, ainsi que cette énigmatique Dannie, en réalité Mireille Sampieri (ou Sampierry) qui fut la maîtresse d’Henri Lafont, le chef de la Gestapo française fusillé en 1944. L’Herbe des nuits s’arrime donc, une fois encore, à une époque historique qui, depuis La Place de l’Etoile en 1968, imprègne l’ensemble de l’œuvre de Patrick Modiano, fils d’un juif séfarade aux accointances douteuses sous l’Occupation et d’une actrice anversoise. (Folio)

 

ChiarelloFanny Chiarello, Une faiblesse de Carlotta Delmont

En concert à Paris, la cantatrice américaine Carlotta Delmont disparaît soudainement. Son impresario et compagnon, sa gouvernante, le chanteur lyrique (très amoureux), tous sont dans l’expectative. Et puis elle réapparaît aussi subitement qu’elle s’était évaporée. Mettant en danger sa carrière et son amour. Cette histoire qu’elle aurait pu raconter «normalement», Fanny Chiarello la reconstruit sous des biais différents: lettres, articles de journaux, télégrammes, confessions, un journal de bord et même une pièce de théâtre. C’est extrêmement stimulant et témoigne d’une belle créativité littéraire. (Points)

 

Romans historiques

LapierreAlexandra Lapierre, Je te vois reine des quatre parties du monde

Même chez elle, elle est inconnue. Et pourtant, Dona Isabel Barreto occupe une place de choix dans l’histoire espagnole puisqu’elle fut la première et seule amirale de l’armada armée par Philippe II au XVIe siècle. Au début du roman, nous la découvrons âgée d’une quarantaine d’années, expiant une mystérieuse faute dans un couvent réputé de Lima tandis que son mari est sur les mers. Pour tenter de comprendre les raisons de cette mortification, sa sœur Pétronille se plonge dans les registres relatant la terrible expédition menée treize ans plus tôt vers une hypothétique Australia incognita. Mais l’entreprise a échoué. Après avoir accosté aux iles Marquises et Salomon, l’armada a bifurqué vers les Philippines. Et des quatre navires partis des côtes péruviennes, un seul est revenu à Acapulco, au Mexique, en décembre 1596. Sans son commandant. Alvaro de Mendana est en effet mort l’année précédente en confiant par testament sa charge à sa femme, s’éteignant sur cette ultime phrase, «Je te vois reine des quatre parties du monde». (Pocket)

DespratJean-Paul Desprat, Rouge de Paris

Après Bleu de Sèvres et Jaune de Naples, Rouge de Paris est le dernier volume de la trilogie consacrée à la célèbre Manufacture qu’Adèle Masson, engagée comme peintre d’oiseaux, tente de maintenir à flot sous la Révolution.  Pendant cinq ans, l’entreprise va vivoter, fabricant notamment des médaillons révolutionnaires. C’est le paiement d’une dette par Catherine II de Russie un an avant sa mort en 1795 qui la sauvera. Mirabeau est l’autre figure centrale de cet ample roman. Aristocrate député du Tiers-Etat, il lutte contre les privilèges tout en souhaitant le maintien d’une aristocratie. Il pense en effet que la monarchie ne doit plus être basée sur le droit divin mais sur le consentement populaire et prône une égalité des pouvoirs entre le roi et la représentation nationale. Il est en avance sur son temps puisqu’il s’élève contre la peine de mort, souhaite la nationalisation des biens du clergé et le mariage des prêtres, défend la liberté de la presse et l’éducation pour tous. Et s’oppose à la traite des Noirs. Autre personnage-clé de la Révolution, Danton sera, malgré son immense popularité, conduit à l’échafaud le 5 avril 1794 avec ses amis, tels le journaliste Camille Desmoulins et le poète Fabre d’Eglantine. (Points)

 

LattesJean-Claude Lattès, Le dernier roi des juifs

Le héros de ce roman qui retrace un siècle d’histoire de la Judée et de la Palestine sous domination romaine est un personnage historique que l’ancien éditeur Jean-Claude Lattès regarde vivre sans rien inventer de ses faits et gestes et en mettant dans sa bouche des choses qu’il a effectivement dites. Petit fils d'Hérode, intime de quatre empereurs romains (Auguste, Tibère, Caligula et Claude), disciple du philosophe Philon d’Alexandrie, père de Bérénice (célébrée par Racine et Corneille), Agrippa a permis à son peuple de vivre en paix pour la première fois de son histoire. Roi de Palestine, où vivent un million de Juifs, il l’est aussi des quatre millions disséminée dans l’Empire romain – soit 10% de la population - où ils sont souvent persécutés. Notamment à Alexandrie où a lieu le premier pogrom de l’Histoire. Ce sont les juifs de Jérusalem qui sont venus  le chercher face aux excès du procurateur Ponce Pilate. Après sa mort en 1944, la Judée, minuscule province qui n’a cessé d’être occupée, sera rayées de la carte. (Pocket)


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