L’an dernier, j’ai avoué, dans cette rubrique, mon admiration pour les textes du poète français Laurent Albarracin, en me penchant essentiellement sur son recueil Le Secret secret (Flammarion, 2012) et en évoquant succinctement Explication de la lumière (Dernier Télégramme, 2010) et Résolutions (L’Oie de Cravan, 2012). Je reviens à la charge, en prévision de cet été, avec un recueil récent que j’ai découvert entretemps, Le Ruisseau, l’éclair. Laurent Albarracin, poète de la réconciliation, de l’adéquation des choses avec elles-mêmes et avec le langage, auteur à la fois ludique et lumineux, stimulant et apaisant, se renouvelle ici tout en demeurant fidèle à son écriture. Le lecteur retrouve en effet dans ce recueil les tautologies poétiques dont Albarracin a fait un art, comme « L’apparition du fouet / c’est cela / le fouet » ou « Le ruisseau brosse / et fait briller / un autre ruisseau / qui est le ruisseau même ». Mais, tout en continuant à chanter la ressemblance de la chose avec elle-même, il s’intéresse soudain aussi aux contrastes et à l’hétérogénéité, en comparant les vertus respectives de deux réalités naturelles qu’on ne songe pas spontanément à associer : l’éclair et le ruisseau. En cela, il se rapproche encore davantage de Francis Ponge, qui trouvait plus intéressantes les différences que les analogies – manière, pour lui, à l’époque, de s’opposer à la domination de la métaphore surréaliste. Me frappent encore dans Le Ruisseau, l’éclair les jeux de mots (« L’éclair est l’hôte de la hâte ») et les jeux sur la disposition du vers libre (« Le ruisseau court / à sa perte dans l’herbe »). Enfin, j’y retrouve le goût de l’auteur pour les aphorismes décalés, tels que : « De deux choses il faut choisir celle qui les confond. » Or ce qui confond ici l’éclair et le ruisseau, c’est le recueil lui-même : choisissons la poésie de Laurent Albarracin !

Laurent Demoulin

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