Éditer en wallon en 2014 ?

Le recours à l’illustration

L’argument esthétique n’est pas une pratique neuve. Les imprimeries wallonnes ayant atteint un haut niveau de technicité, la complexité de la réalisation n’effraie pas l’éditeur. En outre, dans un pays où la bande dessinée s’est largement développée, on peut aisément recourir à des illustrateurs locaux de qualité. Il n’est donc pas étonnant de voir des dessinateurs de renom œuvrer aux côtés d’auteurs dialectaux : Jijé (Joseph Gillain), dessinateur de Spirou, illustre les Cahiers wallons de Namur ; François Walthéry, dessinateur de Natacha, est l’auteur du Vî bleû et dessine régulièrement pour les associations liégeoises de défense de la langue wallonne, mais on retrouve aussi Auguste Donnay, Armand Rassenfosse, Ben Genaux, Alexandre Daoust, Gustave Camus, Paul Collet, Sabine de Coune. Leur savoir-faire suffit parfois à encourager l’achat.

walthery natacha petitprince laloux

À l’heure actuelle, la plupart des ouvrages destinés à un public néophyte sont illustrés. L’objectif est double : rendre l’ouvrage le plus attrayant possible et simplifier la compréhension du message véhiculé.

Lorsque l’éditeur recourt à l’illustration photographique, bien souvent, on comprend qu’il emploie un autre argument de vente : la nostalgie. Cet argument est peu en phase avec l’action de défense et d’illustration que les associations de promotion des langues dialectales développent.

Le refus d’hypothéquer la qualité

thiryFort heureusement, la plupart des éditions actuelles veillent à offrir une langue de qualité. Les éditeurs privés, parce qu’ils n’ont pas toujours une connaissance très aboutie du wallon, du gaumais, du picard, préfèrent recourir à des spécialistes. La Société de langue et de littérature wallonne est souvent mise à contribution.

Quant à la qualité littéraire, c’est autre chose. Sans être trop critique, on peut affirmer que l’édition wallonne actuelle souffre de l’adaptation. Pour minimiser sans cesse les risques, et pour éviter d’avancer à l’aveugle dans un univers qu’ils ne comprennent pas toujours bien, certains éditeurs envisagent l’adaptation comme une solution idéale. Pour Esther Baiwir et les membres de la SLLW, c’est une erreur. Interrogée à ce propos, elle nous signale que les publications de la SLLW tiennent ce critère de la qualité littéraire et de l’originalité en compte. En refusant de miser sur une diffusion de masse ou de viser un public cible, ils demeurent les garants d’une haute littérature wallonne. Pour chaque inédit, un comité de lecture est réuni et valide le manuscrit.

Doze omes de Joël Thiry, édité par le
Musée de la Parole en Ardenne

La particularité des éditeurs subsidiés par les pouvoirs publics, c’est de pouvoir nager en dehors du courant commercial. Ainsi, Èl bourdon, Èl Mojo dès walons, la Société de langue et de littérature wallonne, le Musée de la parole en Ardenne, et d’autres, ont une orientation éditoriale double : philologique et littéraire. On réédite des textes anciens épuisés ou difficilement accessibles pour le lecteur contemporain, on propose des études linguistiques.

Le Service des langues régionales endogènes de la Fédération Wallonie-Bruxelles, quant à lui, propose annuellement des éditions dans toutes les variétés régionales de Wallonie. Leurs publications, la collection Les Babluttes en tête, s’adressent principalement à un public jeune et ont pour objectif principal de familiariser les enfants à la langue wallonne. L’éveil à la langue régionale restant un moyen de perpétuer ce patrimoine. En outre, de nombreux concours et bourses sont mis en place pour inciter les auteurs à produire et à diffuser. Régulièrement, le Service des langues régionales endogènes établit le lien entre l’auteur et l’éditeur potentiel.


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