Les dialectes wallons à la loupe

 

cahier

Un cahier d'enquâte : Ma 2, Bende

Le second défi concerne la publication de ces matériaux d'enquête, conservés dans deux collections se chevauchant partiellement: les cahiers d'enquête et les fiches. Contrairement aux Atlas de France, l'objectif de l'ALW n'est pas de fournir les données d'enquête brutes mais de les expliquer et de les classer. Dès lors, chaque mot est analysé, étymologisé, comparé avec les formes rencontrées dans la lexicographie, etc. Cette méthodologie, pour coûteuse en temps qu'elle soit, permet de donner au lecteur le moyen de comprendre ce qu'il lit. Les dix volumes parus depuis 1953 — sur 20 prévus — ont traité des aspects phonétiques et morphologiques de la langue et d'une série de champs lexicaux: phénomènes atmosphériques et divisions du temps (tome 3); maison et ménage (4 & 5); terre, plantes et animaux (6 et 8); ferme, culture et élevage (9); maladies (15); vie sociale (17). Sont encore en chantier les volumes ayant trait au vocabulaire des petites plantes, des métiers et outils, du corps humain, des actes et gestes de l'homme, de la vie intellectuelle et morale ainsi que le vocabulaire abstrait.

Le dernier volume paru, le tome 17 (2011), met en évidence certaines caractéristiques du vocabulaire social. On y effleurera par exemple la relation des témoins aux langues et aux modes d'expression. Des notices telles que patois, tutoyer, baragouiner, etc., fournissent parfois des remarques métalinguistiques, touchant aux représentations que les témoins se font de leurs pratiques linguistiques (et de celles de leurs voisins). Par exemple, 'baragouiner, mal parler' sera parfois traduit par +sprèk'ter..., du néerlandais spreken, par +flam'ter ou +hal'môder, dérivés respectivement des français flamand et allemand, ou encore par +djôzer l' wastat´, équivalent à <jaser le wat is dat>. Cet aspect ethnographique se remarque aussi, par exemple, dans les notices évoquant les habitudes en matière de location d’habitations ou de fermes, les désignations de la place du village ou des notices comme aller à la veillée, voisiner, etc., qui donnent à voir une société rurale, bien différente de celle d'aujourd'hui, une conception de la vie en communauté, bien loin de l'organisation de la société actuelle.

Ces quelques cas ne sont qu'une partie des trésors recueillis par Jean Haust, dont la moitié est toujours inédite. L'Institut de dialectologie continue le travail, sous la direction du professeur Marie-Guy Boutier. Elle y est aidée par Esther Baiwir, chargée de recherches FNRS, et par Jean Lechanteur, rédacteur bénévole et ancien directeur du projet. L'œuvre du maître continue de fasciner ces rédacteurs, qui ont eu la chance de lui succéder à la table de travail de l'ALW.

 

Esther Baiwir
mai 2014

 

 

crayongris2Esther Baiwir est chercheuse FNRS à l’ULg, où elle enseigne la littérature wallonne. Ses travaux concernent la dialectologie et, plus largement, la linguistique historique des langues romanes.

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