Federico Mayor Zaragoza honoré par la Cité Miroir

Federico Mayor Zaragoza, né en 1934 à Barcelone, est un intellectuel, à la fois biochimiste, homme politique, diplomate et poète. Bref Ministre de l’Éducation et de la Science au début des années 1980, député européen quelques années plus tard, il a dirigé l’UNESCO entre 1987 et 1999. Docteur honoris causa de l’ULg en 1989, il préside la Fondation Culture de Paix qu’il a fondée en 2000. Et il est l’auteur de plusieurs recueils de poèmes.

mayorLa Cité Miroir honore Federico Mayor-Zaragoza en l’invitant à donner une conférence le jeudi 15 mai prochain. Cet infatigable défenseur de la paix et de l’éducation a eu plusieurs vies qui se sont entremêlées. Docteur en pharmacie, il enseigne à la fin des années 1960 la biochimie à l’université de Grenade, dont il est brièvement recteur, puis à celle de Madrid où il fonde le Centre de biologie moléculaire. Ses compétences l’amènent à écrire de très nombreux articles scientifiques, tantôt pointus (sur le métabolisme cérébral par exemple), tantôt généraux (sur le rôle de la recherche scientifique et sa responsabilité éthique), ainsi qu’à intégrer plusieurs cénacles scientifiques espagnols, européens et même mondiaux.

Dans le même temps, cet ardent défenseur de la démocratie sous Franco évolue dans l’arène politique. Au cours des années 1970, il est membre de plusieurs commissions gouvernementales puis, à la charnière du franquisme et de la démocratisation du pays, sous-secrétaire du Ministre de l’Éducation et des Sciences. Parlementaire et conseiller auprès du Premier ministre centriste Adolfo Suarez, il est, de décembre 1981 à décembre 1982, Ministre de L’Éducation et de la Science du gouvernement dirigé par un autre centriste, Leopoldo Calvo Sotelo. En 1987, il est élu député européen.

Celui que Garcia Marquez qualifie d’« optimiste insatiable » mène également une carrière diplomatique. Directeur général adjoint de l’UNESCO de 1978 à 1981, il est, de 1983 à 1984, conseiller spécial du Directeur général auquel il succède en 1987. C’est sous sa direction que l’institution onusienne crée le programme Déclaration et Plan d’Action d’une Culture de la Paix. En 2000, un an après la fin de son deuxième mandat, il crée à Madrid la Fondation Culture de Paix qu’il dirige toujours aujourd’hui. Son objectif est de « promouvoir une culture de paix, les droits de l’homme, la non-violence, la tolérance et le dialogue entre les civilisations ». En font notamment partie les Prix Nobel de la Paix Oscar Arias Sanchez, Mikhaïl Gorbatchev, Rigoberto Menchú, Adolfo Pérez Esquivel, Simón Peres ou Desmond Tutu.

« Nous devons nous libérer de la peur pour agir en tant que citoyens, a déclaré son initiateur à Global Education Magazine en janvier 2013. Nous ne devons pas être des spectateurs passifs. Si nous voulons être acteurs de l'avenir, si nous voulons que beaucoup de choses changent, elles changeront. Nous devons être très actifs, participer, être engagés. »

Le combat pour la paix sera gagné, il en est convaincu, grâce aux femmes. « Nous, les hommes, nous avons appris à tout résoudre par la force, contre quoi se bat la Culture de Paix et de la Non-Violence. Il faut remplacer le proverbe pervers « Si tu veux la paix, prépare la guerre » par « Si tu veux la paix, participe à sa construction par ton comportement de tous les jours ». La femme a un respect particulier pour la vie et, par nature, ajourne l’usage de la violence. »

Il prône une « révolution des esprits » que peuvent favoriser les réseaux sociaux en offrant une immense liberté de parole. Internet constitue, d’après lui, un formidable « outil de sensibilisation, notamment sur l’avenir de la planète et le danger environnemental. C’est une manière pour les peuples et les citoyens de se faire entendre sans recourir à la violence. »

ventautanEt enfin, Federico Mayor Zaragoza, nommé en 1989 docteur honoris causa de l’ULg (ainsi que de nombreuses autres universités mondiales) est écrivain et poète. Il a publié de nombreux essais (Science et pouvoir, Unesco : un idéal en action) de même que, depuis 1985, plusieurs recueils poétiques aux titres programmatiques : A contraviento, (« Contre vents et marées »), Mañana es siempre tarde (« Demain c'est toujours trop tard ») ou El fuego y la esperanza (« Le feu et l’espoir »). Ses poèmes qui traduisent ses préoccupations d'homme politique et d'intellectuel engagé restent cependant peu traduits en français. En 1999, Vent d’Autan, ouvrage réalisé avec le peintre français Alain Husson Dumoutier a été publié chez Maisonneuve et Larose. L’intellectuel barcelonais fait aussi partie du comité de soutien de la Maison internationale de la poésie Arthur Haulot établie à Bruxelles.

Son intérêt pour la pensée et la poésie s’est en outre manifesté durant son passage à l’UNESCO. C’est en effet sous sa présidence qu’en 1995 ont vu le jour les Rencontres philosophiques de l’UNESCO (les 13es se sont tenues en novembre dernier). Dans son discours d’introduction intitulé « Qu’est-ce qu’on ne sait pas? », s’interrogeant sur les liens entre les savoirs et la science, Federico Mayor Zaragoza citait Ilya Prigogine et Isabelle Stengers. En octobre 1996, il a prononcé un discours en hommage à Léopold Sédar Senghor (« Homme-pont, homme aux multiples cultures, exemple d’une synthèse universelle ») et, l’année suivante, à Aimé Césaire1 lors d’une journée consacrée au poète martiniquais. « Chez Césaire, remarquait-il, la poésie justifie à chaque détour son étymologie de “création” et, à chaque tournant, la politique justifie sa racine morale, où le tribun s’honore d’avoir la charge des affaires de la cité. (…) C’est par son refus du refus, par ce “non” proféré à cause d’un “oui” antérieur et suprême, par la négation de la négation, par le dépassement de l’antinomie que Césaire nous apparaît, là encore, d’une singulière et actuelle exemplarité ». Enfin, suite à l’appel lancé en 1998 par le poète marocain Mohammed Bennis, le 21 mars a été déclaré, l’année suivante, Journée mondiale de la poésie.

Michel Paquot
Janvier 2014

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Michel Paquot est journaliste indépendant.




1 Aimé Césaire sera mis à l'honneur à la Cité Miroir, dans le cadre des Parlantes, en mars 2014.