Des femmes, des contes et des frères

Le mariage en récompense

La beauté est un moyen direct pour que les filles atteignent le but principal considéré comme réussite de leur vie : le mariage. Toutefois les rêves de mariage sont peu exprimés dans ces contes.                       

Mais le mariage fait également partie des stratégies du pouvoir.

Die zertanzten Schuhe/Les souliers usés au bal

Die zertanzten SchuheAinsi, des pères utilisent leurs filles pour leurs intérêts et satisfaction personnelle : par des mariages arrangés, par des mariages forcés, en les privant de leur libre arbitre, de leur liberté, de leur choix, et de l'amour. Des jeunes filles sont promises en mariage contre leur gré, comme Demoiselle Méline, la princesse amoureuse et promise à un autre ; ou la jeune fille du Fiancé voleur qui est promise par son père au premier gentilhomme qui s'y intéresse. Des filles sont offertes en récompense à un homme qui sauverait la ville ou le royaume, comme Le Vaillant petit Tailleur (Sept d'un coup) qui recevrait la fille unique du roi en mariage avec la moitié du royaume en dot à condition de  libérer le royaume des géants, de la licorne, d'un sanglier (offre nominative) ; dans Les deux frères, le roi promet sa fille et l'héritage du royaume à celui (offre collective et impersonnelle) qui vaincra le dragon qui dévaste le pays et exige chaque année une jeune fille vierge ; dans Les souliers usés au bal, le roi qui protège ses douze filles magnifiques et les enferme chaque soir jusqu'au lendemain matin propose à celui (offre collective et impersonnelle) qui résoudra l'énigme de leurs chaussures usées de choisir une de ses filles pour l'épouser et devenir roi après sa mort ; dans L'os chanteur, le roi fait savoir que celui (offre collective et impersonnelle) qui libérera le royaume du sanglier qui le dévaste pourra épouser sa fille ; dans L'oiseau d'or, le roi dit au prince qu'il aura sa fille en récompense s'il déplace la montagne qui est devant ses fenêtres (offre nominative personnalisée). Dans le Petit Âne, le roi propose la main de sa fille au Petit âne noble et qu'il voudrait voir rester chez lui (cadeau nominatif personnalisé).

D'autres pères promettent leur fille à un homme courageux ou exceptionnel, dans Histoire de celui qui s'en alla apprendre la peur, le roi promet sa très belle fille en mariage à celui (offre collective et impersonnelle) qui passera trois nuits dans le château maudit. Dans La lumière bleue, le roi donne finalement sa fille en mariage au soldat François (cadeau nominatif personnalisé) qui lui accorda grâce alors que lui-même l'avait laissé tomber. Dans La mort marraine, le roi fait savoir que celui (annonce collective et impersonnelle) qui sauvera sa fille l'épousera et héritera de la couronne. Dans Les six compagnons qui viennent à bout de tout, un roi a fait publier l'avis selon lequel sa fille épousera celui (annonce collective et impersonnelle) qui gagnerait à la course contre elle. Dans Les trois feuilles du serpent, le roi fait annoncer (annonce collective et impersonnelle) qu'on cherche un époux pour sa fille mais le prétendant doit d'abord passer une épreuve. Dans L'oiseau griffon, le roi fait annoncer que celui (annonce collective et impersonnelle) qui apporterait à sa fille des pommes qui la guériraient se marierait avec elle et deviendrait roi. Dans L'oie d'or, le roi fait savoir qu'il donnera la main de sa fille à celui (annonce collective et impersonnelle) qui la fera rire. Dans L'homme à la peau d'Ours, le pauvre père propose à Peau d'Ours (cadeau nominatif personnalisé) une de ses trois filles en remerciement pour l'avoir sorti de la misère. Dans Jean-de-Fer, le prince qui a aidé à remporter la victoire au champ de bataille demande au roi qui lui demande comment le remercier de lui donner sa fille comme récompense. Le père de Peau-de-mille-bêtes veut garder sa fille pour sa satisfaction personnelle.

Et celle qui refuse ou s'oppose à son père le paye de l'emprisonnement, telle Demoiselle Méline la princesse. qui n'a pas voulu du mariage arrangé par son roi de père, alors qu'elle aime un autre jeune prince avec lequel elle allait se marier. Ou subir des humiliations telles devoir quitter le château et s'habiller en paysanne pour aller travailler chez un potier puis être au service cuisine pour les gens dans une cabane au fond de la forêt sans jamais rien gagner, la princesse dans Le chasseur accompli.

Les filles sont donc aussi objets de marchandage, biens d'échange, utilités politiques et économiques. Cette forme de violence qui traverse de nombreux siècles leur laisse peu de place. Deux jeunes filles ont protesté, non pour le fait d'être offertes à quelqu'un mais pour une question de classe ou d'origine sociales de l'élu : la princesse royale promise en récompense au Vaillant petit tailleur qui avait délivré le royaume d'hôtes indésirables (géants, licorne et sanglier) se plaignit à son père d'avoir épousé quelqu'un qui était issu d'une condition inférieure ; dans Les trois feuilles du serpent, la fille du roi exigea que le jeune valet qui devait l'épouser selon l'annonce publique faite par le roi passe une deuxième épreuve quand elle découvrit qu'il n'était pas de son rang. Contrairement aux volontés royales qui recherchent d'abord la force, la puissance, avant le titre, ces deux jeunes princesses jugent le titre plus important que la bravoure. Toutefois, un roi partage cette manière de réfléchir, dans Les six compagnons qui viennent à bout de tout, le roi et sa fille promise par une annonce publique étaient furieux que le vainqueur ne soit qu'un simple soldat, aussi le père "racheta" sa promesse  – ou la liberté de sa fille – avec tout l'or du royaume. Maintien des valeurs économiques des alliances où la circulation des richesses (dont les filles) doit se faire entre pairs.

L'objectivation des filles arrive au summum lorsqu'elles quittent définitivement le système exploit/récompense par le fait d'être tout simplement kidnappées pour être épousées, abus, tromperie, appropriation, ainsi dans Fernand Loyal et Fernand Déloyal, ou amour dans Le fidèle Jean. Et lorsque la jeune fille est utilisée et rabaissée pour assouvir une vengeance vis-à-vis du père, la fille est humiliée et souillée comme "réparation" à l'offense paternelle., ainsi agit le soldat héros dans La lumière bleue.

Une seule fois on trouve la référence à un mariage arrangé pour un jeune homme : le prince bien-aimé de Demoiselle Méline, la princesse, est promis par son père et marié à une jeune fille laide au cœur dur, l'éloignant ainsi de son propre choix amoureux qui l'avait fiancé à Méline.

Une seule fois, cela dans Les trois fileuses, c'est une reine qui propose son fils en mariage, à une personne précise, de plus il s'agit d'un fils princier aîné offert à une jeune fille sans titre de noblesse mais valorisée par des compétences féminines (filer le lin).

Amour familial et passion amoureuse

Les divers types de violence supra ne signifient pas que l'amour n'existe pas. Amour fraternel, solidarité familiale et amour conjugal sont bien présents.

hanselL'amour fraternel et/ou sororal est très fort. Blanche-Rose et Rose-Rouge sont inséparables ; dans Dieu nourrit les malheureux  la sœur pauvre aide sa méchante sœur ruinée abandonnée par tous ; un des frères sauve l'autre dans Les enfants couleur d'or ; dans Unœil, Deuxyeux et Troisyeux, Deuxyeux devenue princesse recueille ses deux sœurs (devenues mendiantes) qui l'avaient maltraitée. Les couples frère et sœur sont nombreux, inséparables et se sauvent par la force de ce lien, Dénichet et Madelon, Hansel et Gretel, Frérot et sœurette, le jeune garçon et sa petite sœur dans La nixe ou la dame des eaux, la belle jeune fille et son frère Régis dans La noire et la blanche épousée ; Marlène et son grand frère dans Le conte du genévrier. Les fratries se renforcent, Les six frères cygnes et leur petite sœur ; Les douze frères et leur jeune sœur ; Les sept corbeaux et leur petite sœur.

La solidarité familiale. Dans Blanche-Rose et Rose-Rouge, non seulement les deux sœurs sont inséparables, mais elles invitent leur mère devenue vieille à vivre avec elles et leurs enfants ; dans Frérot et sœurette, le roi, sœurette devenue reine, leur fils et Frérot vécurent ensemble jusqu'à leur mort ; Hansel et Gretel retournent chez eux et vivent avec leur père ; Jean le chanceux retourne vivre avec sa mère après avoir fini son boulot ; dans La fauvette qui saute et qui chante, le prince et sa jeune femme retrouvèrent leur fils et vécurent enfin ensemble ; dans La gardeuse d'oies près de la fontaine, la jeune princesse retrouve ses royaux parents qui l'avaient chassée et les embrasse ; dans La jeune fille sans mains, le roi, sa jeune femme et leur fils se retrouvent et reviennent vivre tous ensemble auprès de la vieille reine-mère ; dans La noire et la blanche épousée, le roi épouse la belle jeune fille qu'il aime et fait de Régis son beau-frère un homme très riche et très important ; dans La reine des abeilles, le jeune prince surnommé le petit nigaud épouse la cadette des princesses et ses deux frères qui l'humiliaient épousent les deux sœurs aînées ; dans Le cercueil de verre, le petit tailleur délivre et épouse la belle jeune fille qui délivre ses gens et son frère du sortilège envoyé par le diable ; dans Le conte du genévrier, Marlène, son grand frère retrouvé et leur père rentrent tous ensemble chez eux ; dans Le fidèle Jean, le roi, sa femme, leurs jumeaux et leur fidèle valet vécurent ensemble jusqu'à la fin de leur vie ; dans Le lièvre et le hérisson, les hérissons gagnent parce qu'ils s'entraident ; dans Le petit âne, après la main de sa fille, le roi offrit la moitié de son royaume et la succession au trône au jeune homme /petit âne qu'il appréciait ; dans Le poêle en fonte, le prince épouse la princesse et ils emmènent le vieux roi-père avec eux dans leur château ; dans Les douze frères, le roi, sa jeune princesse qu'il épouse et ses douze beaux-frères qu'elle a délivrés d'un enchantement vécurent tous ensemble ; Les sept corbeaux redevenus des hommes grâce à leur petite sœur vont, avec elle, retrouver leurs parents ; dans Les six frères cygnes, le roi, la reine, leurs trois enfants et les six frères de la reine qu'elle a délivrés de l'enchantement vécurent ensemble très longtemps ; dans L'homme à la peau d'ours, la jeune fille cadette accepte d'épouser Peau d'Ours qui a sorti son père de la misère ; dans Tom Pouce, les parents et Tom Pouce s'aident et vivent ensemble très heureux ; dans Unœil, Deuxyeux, Troisyeux, Deuxyeux recueille dans le château où elle vit heureuse avec son mari ses deux sœurs qui l'avaient maltraitées.    

mariage-cendrillonEnfin l'amour, la passion et le coup de foudre existent au sein des couples, le prince tombe amoureux de Blanche-Neige endormie dans son cercueil ; le prince tombe amoureux de Cendrillon qu'il découvre au bal royal ; le prince qui veut voir La Belle au Bois Dormant en tombe amoureux lorsqu'il la voit si belle endormie et lui donne un baiser ; Demoiselle Méline, la princesse aime son prince contre le choix de son père et traverse moult épreuves pour le retrouver ; Jorinde et Joringel sont amoureux ; dans La fauvette qui saute et qui chante, la belle jeune fille promise au lion et le beau prince/lion tombent amoureux ; le roi a le coup de foudre pour La jeune fille sans mains qu'il épouse alors et qu'il retrouve après l'avoir cherchée pendant sept ans ; le tailleur tombe amoureux de la jeune fille qu'il admire enfermée dans un cercueil de verre et qui l'embrasse d'un long baiser sur la bouche quand il la délivre ; dans Le fidèle Jean, le roi a  le coup de foudre pour la princesse peinte sur un tableau et la fait chercher et enlever tant son amour était violent ; dans Le fuseau, la navette et l'aiguille, le prince tombe amoureux de la jeune orpheline qui filait et lui donne un baiser avant de l'emmener avec lui ; Le petit âne/prince est tombé amoureux d'une princesse qu'il épouse et qui tombe amoureuse de lui lorsqu'elle voit la nuit des noces le bel homme qu'il est ; au moment où elle découvre le jeune prince qui l'aime enfermé dans Le poêle en fonte, la jeune princesse qui doit l'en délivrer en tombe amoureuse ; la princesse du Roi Grenouille et Henri de Fer aime le prince qu'elle délivre d'un sort ; dans L'eau de vie, la princesse et le jeune prince cadet du roi sont tombés amoureux l'un de l'autre ; dans L'enfant et la bonne vierge, le roi tombe profondément amoureux de la jeune fille mutique ; (après avoir croqué avec lui la Pomme de Vie) la princesse Des trois feuilles du serpent tombe amoureuse du jeune homme qui subit les épreuves ; L'homme a la peau d'ours  retrouve un an après la jeune fille cadette qu'il aime passionnément et qui l'a attendu ; le prince tombe amoureux de Raiponce ; le roi tombe amoureux de Peau-de-mille-bêtes ; les amoureux dans L'ondine de l'étang se retrouvent après une longue séparation et s'aiment toujours autant ; dans La noire et la blanche épousée, le roi tombe amoureux de la jeune fille qu'il voit sur un portrait ; dans Le conte du genévrier, le couple formé par le père et la mère du jeune garçon s'aime d'un grand amour ; dans Les enfants couleur d'or, un des frères a le coup de foudre pour la jeune fille qu'il rencontre et qui l'aime en retour ; dans Les six frères cygnes, le roi tombe profondément amoureux de la sœur cadette silencieuse des cygnes/princes.
L'amour  rivalise avec la violence et adoucit les nombreuses épreuves qui traversent les contes. Sans sexuation particulière, hommes et femmes éprouvent des sentiments amoureux, et les gestes plus intimes sont autant d'hommes que de femmes (un baiser, un baiser sur la bouche, serrer dans ses bras, ... Trois plumes, Le cercueil de verre, L'homme à la peau d'ours, ...).

Page : précédente 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 suivante