Des femmes, des contes et des frères

Éduquer

Une autre partie encore de la violence des contes relève de la volonté d'éduquer les personnes par l'opposition punitions/récompenses, avec des châtiments particulièrement forts : la méchante belle-mère des Six frères cygnes fut attachée au bûcher et réduite en cendres ; dans Les trois petits hommes de la forêt, la vieille fourbe et sa fille sont enfermées dans un tonneau avec des clous, qu'on fait rouler jusqu'au fleuve ; la vieille sorcière et sa fille dans La noire et la blanche épousée sont enfermées nues dans un tonneau garni de clous tiré par un attelage lancé au galop ; dans La gardeuse d'oies, la camériste qui s'est substituée à la princesse qu'elle a humiliée est mise nue dans un tonneau garni de clous pointus traîné dans la rue par des chevaux jusqu'à ce que mort s'ensuive ; des pigeons crèvent les yeux des sœurs de Cendrillon ; Dame Holle fait recouvrir la fille paresseuse de poix ; la méchante sorcière de Frérot et sœurette est jetée vivante dans le feu et sa fille déchiquetée par des bêtes 2-grimm-hansel-and-gretel-grangersauvages dans la forêt ; la sorcière de Hansel et Gretel meurt brûlée vive ; la sorcière dans Le tambour est jetée dans le feu où elle brûla entièrement ; dans Le conte du genévrier, la femme a la tête écrasée par une pierre de meule ; un crapaud s'accroche au visage du Fils ingrat ; les hérissons du Lièvre et le hérisson font mourir le lièvre d'épuisement ; le loup du Loup et les 7 Petits biquets et celui du Petit Chaperon rouge se noient l'un emporté par le poids des pierres cousues dans son ventre, l'autre ayant glissé du toit (variante, il meurt en s'écrasant par terre à cause des pierres cousues dans son ventre) ; se noie également la petite fille du Petit Pou et la petite puce ; dans La vraie fiancée, la méchante marâtre se tue en glissant et tombant en bas des escaliers, assomée par la trappe de la cave ; Les deux frères jettent la sorcière dans le feu où elle brûla entièrement ; (dans certaines versions du conte, à la fin) dans Demoiselle Méline la princesse, la fausse fiancée qui avait fait saisir Méline pour lui trancher la tête subit ce triste sort ; les corbeaux crèvent les yeux du méchant cordonnier des Deux compagnons en tournée ; dans Le chasseur accompli, le roi fait jeter en prison et écarteler le vieux capitaine vantard et menteur ; les méchants frères dans L'oiseau d'or sont exécutés ; dans Le roi de la Montagne d'or l'épée enchantée décapite tous les rois, princes et conseillers qui s'étaient mal conduits ; dans Les deux frères, le maréchal qui a trahi, tué et menti est condamné à être écartelé par quatre bœufs ; dans Le chasseur accompli, le capitaine qui a menti est jeté en prison puis écartelé ; dans Les présents des gnomes, le forgeron finit sa vie déformé par deux bosses et sans ses cheveux ; le méchant frère de L'os chanteur se noie dans le ruisseau où il a été jeté vivant enfermé dans un sac ; la petite fille désobéissante dans Dame Trude est changée en bûche et alimente le feu de la sorcière ; le passeur dans L'oiseau griffon laisse tomber le roi ambitieux et cupide au milieu de l'eau où il se noie. Et les deux sœurs de la douce cadette dans L'homme à la peau d'ours se suicident, l'une se noie, l'autre se pend.

Les châtiments sont très variés et les mises à mort diverses, cruelles et inventives, telles qu'on les retrouve dans des archives historiques.

Les violences sont dirigées vers n'importe quelle personne, méchant (punition, Les Six frères cygnes) comme gentil (épreuve, Cendrillon), innocent (Blanche-Neige) comme averti (Dame Trude), enfants (Hansel et Gretel) comme adultes (Le jeune géant), femmes (Le conte du genévrier) comme hommes (Les deux compagnons en tournée).

Les actes pour se débarrasser des héros sont violents : transformation animalière (Blanche-Rose et Rose-Rouge, Jorinde et Joringel, Le roi Grenouille ou Henri de Fer), transformation en pierre (Les deux frères, Le fidèle Jean), menace de mort (La Belle au Bois Dormant), substitution (La fauvette-qui-saute-et-qui-chante), enfermement (Le poêle en fonte, le fourneau), intrigues (Fernand Loyal et Fernand déloyal, Les deux compagnons en tournée), dévorer (Le Petit Chaperon rouge) multiplication d'épreuves dangereuses ou impossibles (Le vaillant petit Tailleur, Les trois feuilles du serpent, L'oiseau griffon), noyade (Les trois cheveux d'or du diable), privation de son amour (L'ondine de l'étang, Raiponce), éloignement, séparation (Le roi de la Montagne d'or), assassinat (L'os chanteur).

Les actes pour les éprouver également : humiliation et maltraitance (Cendrillon, Unoeil, Deuxyeux et Troisyeux, Dame Holle, Le pauvre meunier et la petite chatte, La gardeuse d'oies), privation de la parole (L'enfant de la bonne vierge, Les douze frères, Les six frères cygnes), privation de ses enfant (L'enfant de la bonne Vierge, Les trois petits hommes de la forêt), isolement (L'enfant de la bonne Vierge, Raiponce), privation violente de la vue (Raiponce, Les deux compagnons en tournée), pauvreté (Les trois rameaux verts), enfermement (Demoiselle Méline, la princesse), poursuite fatale (Dénichet), intrigues (Fernand loyal et Fernand déloyal), tentations (Frérot et soeurette, Hansel et Gretel, La mort marraine), abandon (Hansel et Gretel), séparation (Jorinde et Joringel, L'ondine de l'étang, Raiponce, La noire et la blanche épousée, Le roi de la Montagne d'or), harcèlement incestueux (Peau-de-mille-bêtes), éloignement (La gardeuse d'oie près de la fontaine), coups (L'envie de voyager), souffrance (Les deux compagnons en tournée, La jeune fille sans mains), déshumanisation physique (L'homme à la peau d'ours), affrontement des forces de la nature ou des maléfices (le géant, le mauvais, le dangereux, le sorcier, la sorcière, le diable, etc.) Jorinde et Joringel, La Belle au Bois Dormant, Le vaillant petit tailleur, La fauvette-qui-saute-et-qui-chante, La gardeuse d'oie près de la fontaine, La jeune fille sans mains, La lumière bleue, La nixe ou la dame des eaux, Le cercueil de verre, Le conte du genévrier, Les trois petits hommes de la forêt, L'oiseau griffon).

Violence intrafamiliale

Les violences sont souvent exercées au sein même de la famille, la violence intrafamiliale traverse le temps. Les enfants sont particulièrement concernés, par leur fragilité, ils sont les plus menacés, martyrisés seuls ou en fratrie. Tout d'abord, la violence intrafamiliale parentale est omniprésente, elle provient autant des mères/belles-mères que des pères (les beaux-pères sont absents, du moins dans le sens de l'histoire et par rapport au héros ou à l'héroïne). Elle recourt à des modes de violences nombreux et variés, physiques et psychologiques. Pères et mères, hommes et femmes font preuve de la même cruauté : coups (Frérot et soeurette sont battus par leur belle-mère), maltraitance (sa belle-mère frappe et pince le petit garçon dans Le conte du genévrier ; dans Les trois petits hommes de la forêt la belle-mère fait preuve de cruauté vis-à-vis de sa belle-fille belle et aimable ; dans La vraie fiancée, la belle-mère fait preuve de cruauté envers sa jeune belle-fille ; dans La noire et la blanche épousée sa belle-mère et sa demi-soeur font du mal à la jeune fille belle et immaculée ; ses deux sœurs et sa mère infligent maltraitance et privations diverses à Deuxyeux dans Unœil, Deuxyeux et Troisyeux) négligence, privation de nourriture (Frérot et sœurette ne reçoivent que de vieilles croûtes de pain pour se nourrir ; Deuxyeux ne peut manger que les restes des autres dans Unœil, Deuxyeux et Troisyeux), humiliations et asservissement (par la belle-mère et les demi-soeurs de Cendrillon ; par la belle-mère de la jeune fille jolie et courageuse dans Dame Holle), injustice, discrimination (entre fille et belles-filles dans Cendrillon, entre fille et belle-fille dans Dame Holle, entre les deux fils aînés et le cadet dans L'oie d'or, entre deux filles (l'aînée et la cadette) et la troisième dans Unœil, Deuxyeux et Troisyeux), manipulation psychologique et fourberie (la mère de Marlène dans Le conte du genévrier fait croire à sa fille qu'elle est responsable de la mort de son demi-frère), enfermement (Demoiselle Méline, la princesse et sa femme de chambre), éloignement (dans Le roi de la Montagne d'or, le père envoie son fils seul dans une barque sur le fleuve) ; rejet (Le jeune géant est renié par ses parents), inceste (Peau-de-mille-bêtes), mutilation (le père de La jeune fille sans mains lui coupe les mains).


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