Des femmes, des contes et des frères

Ainsi parmi tous les objets, le seul marqueur incontournable, d'une importance primordiale,  élément indispensable et irremplaçable pour les princesses, de Grimm et actuelles, c'est LA robe.

cendrillon2La robe montre la magnificence, met en valeur la beauté de la jeune fille, définit l'appartenance sociale, attire l'attention du jeune homme qui tombe alors amoureux, captive les regards du groupe qui assiste : Cendrillon se rend au bal avec une robe d'or et d'argent et des pantoufles de soie et d'or, suit une deuxième encore plus belle et une troisième robe somptueuse et très brillante accompagnée de pantoufles tout en or, toutes trois faisant se retourner les gens sur sa beauté ; dans Les souliers usés au bal, les filles portent des robes de bal superbes ; Peau-de-mille-bêtes porte une robe de soleil et le roi trouve qu'il n'a jamais vu de plus belle femme, puis une robe argentée comme la lune, et enfin une robe qui scintille comme les étoiles ; La vraie fiancée se rend au bal avec une robe aux soleils d'or et des pierres précieuses, puis une robe aux lunes d'argent avec une demi-lune de diamant dans les cheveux et enfin une robe brodée d'étoiles qui scintillait à chaque pas et un collier et une ceinture faits  d'étoiles de diamants.

La robe est l'indicateur de beauté, de statut social et la preuve de la justesse du souvenir : La gardienne d'oies près de la fontaine revêt la robe de soie qu'elle portait lorsqu'elle a été chassée par son père.

La robe devient le média qui permet de détourner le sortilège à son avantage : Demoiselle Méline la princesse doit porter la magnifique robe de mariée à la place de la jeune fille qui veut l'évincer dans le cœur de son prince, et tout le monde est frappé par sa beauté.

La robe participe du subterfuge, elle est le moyen le plus efficace pour mettre en place les conditions d'échanges amoureux les plus importantes : dans La fauvette-qui-saute-et-qui-chante, la princesse porte une robe aussi brillante et aussi belle que le soleil et tout le monde est émerveillé sur son passage (pour avoir cette robe, la fiancée usurpatrice laisse la jeune fille passer une nuit avec son futur mari,  – qu'elle pense prudemment à endormir au préalable) ; dans Le poêle en fonte, la jeune fille porte une robe magnifique (que la fausse fiancée échange contre une nuit avec le prince fiancé, endormi), la deuxième robe encore plus belle (échangée également contre une nuit avec le prince endormi), et la troisième robe est en or pur (échangée également contre une nuit avec le fiancé) ; dans Le tambour, la jeune princesse porte une robe aussi brillante que le soleil (qu'elle laissera à la seconde fiancée contre une nuit à la porte de la chambre de son fiancé endormi par un somnifère), puis une robe aussi argentée que la lune (laissée également contre une nuit à la porte de la chambre du fiancé endormi par un somnifère)  et enfin une robe aussi scintillante que les étoiles (contre une nuit à la porte de la chambre du fiancé qui retrouve la mémoire).

La robe c'est la pureté et la protection contre le diable : La jeune fille sans mains met une robe blanche pour recevoir le diable qui vient la chercher.

La robe est à la fois le présent merveilleux que méritent la beauté de l'aimée et le rang social qu'elle intègre par son mariage royal à la fois l'objet de reconnaissance pour le roi fiancé : dans La noire et la blanche épousée, le cocher doit apporter à la future épouse une superbe robe brodée d'or, un cheval et un carrosse, et plus tard une autre robe magnifique.

La robe est le dédommagement pour la rupture d'un contrat : dans Le tambour, la deuxième fiancée reçoit les robes magnifiques (dorée, argentée, scintillante) en dédommagement de son mariage annulé.

La robe est l'objet révélateur des compétences féminines idéales qui permettent de se marier (ou pas) : dans Les petits noeuds, la servante travailleuse fait une étoffe puis une robe à partir des touffes de laine jetées par sa maîtresse montrant ainsi combien l'une est besogneuse, l'autre paresseuse.

D'autres robes ne relèvent pas du merveilleux, mais sont tout autant d'une utilité primordiale, voire salvatrice : dans Les trois cheveux d'or du diable, l'hôtesse cache le jeune homme transformé en fourmi dans les plis de sa robe pour entendre du diable les réponses aux énigmes (cachette) ; dans Les trois petits hommes de la forêt, la jeune fille doit porter une robe de papier en plein hiver (appel à la pitié).

Ces dernières robes ne remplissent pas les rêves des jeunes filles. Tout au plus voit-on apparaître de temps en temps les guenilles de Cendrillon comme déguisement d'Halloween. Par contre, les premières robes citées qui font appel aux couleurs merveilleuses et inimitables des astres brillants, scintillants et inaccessibles sont la base de la panoplie "princesse".

robeprincesseLa robe merveilleuse, extraordinaire, fait partie de la réalité rêvée parce qu'elle peut relever de l'habileté, de l'art et des artifices des hommes. Non seulement pour les grands rites au rituel précis et particulier, bals, mariages, entrée dans le monde, mais également lors des fêtes, anniversaires, carnaval, soirées. La robe est élément féminin pour les femmes, les jeunes filles et déjà les fillettes. Toutes petites, les fillettes sont dirigées vers, tentées par, amenées aux robes de princesses (robes ordinaires pour le quotidien et la silhouette, robes extraordinaires pour la fête et la splendeur ; choix des couleurs, des textures, des tombés sont sujets de débats féminins depuis probablement le début de l'histoire des femmes), jusqu'au jour de leur mariage qui sera la réalisation, la consécration et l'aboutissement de leurs démarches, de leurs souhaits, attentes, devoirs, choix, obligations (selon le système familiosocioculturel auquel elles appartiennent). Les princesses sont présentes dans le quotidien de toutes les filles, magazines spécialisés (Point de vue images du monde), paparazzi traquant les couples mixtes (roturiers/nobles), sites et autres blogs parsemés d'illustrations diverses, princesses, papillons, robes éthérées, couleurs pastelles et scintillantes, oiseaux colorés et colombes, fleurs, soleils, nuages, étoiles, lunes, mariages à thème contes (parfois de fées) et robes de princesses, somptueuses, ou simplement issues des catalogues de jouets pour les fêtes de fin d'année principalement.

Dreamland, Oxybul (photo ci-contre), Collishop, Brooze, La grande Récré, Maxitoys par exemple proposent tous des robes de princesse, à dominante rose, parfois des pantoufles en faux verre (et non de vair) et des baguettes magiques et ailes de fées, princesses et fées étant de plus en plus communément associées.


Page : précédente 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 suivante