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Les frères Grimm et leurs illustrateurs actuels

03 novembre 2013
Les frères Grimm et leurs illustrateurs actuels

Les contes des frères Grimm sont une source intarissable pour les acteurs contemporains de la littérature de jeunesse.  Néanmoins, ce n’est ni sur le chemin des actualisations ni sur celui des salades de contes que Michel Defourny a choisi de nous emmener pour cette promenade découverte mais plutôt sur le chemin des albums illustrés comme des livres d’art. Cette sélection met à l’honneur les peintres, illustrateurs, graphistes et photographes qui se sont un jour frottés aux contes des frères Grimm pour en donner leur vision, tantôt cauchemardesque, tantôt théâtrale, tantôt contemporaine, tantôt médiévale.

Michel Defourny, qui est passé des mythes hindous aux contes puis aux albums pour la jeunesse, est sans doute le meilleur guide que l’on puisse trouver pour une balade comme celle-là. Titulaire d’un doctorat en mythologie hindoue, il est chercheur et maître de conférences à l’Université de Liège, et a été chargé de mission en littérature de jeunesse de 2004 à 2009 auprès du Service général des Lettres et du Livre de la Communauté française Wallonie-Bruxelles. Il est aujourd’hui l’heureux donateur du Fonds Michel Defourny, un fonds de près de 50000 livres mis à la disposition des passionnés de littérature de jeunesse.

La sélection qui a été opérée est composée d’ouvrages issus du fonds et qui sont consultables sur demande aux Ateliers du Texte et de l’Image (ASBL)  en Féronstrée 118-120, 4000 Liège - 04/221 94 08

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Traductions de références et études

En plus de quelques traductions de références1, le Centre dispose d’une étude de François Fièvre qui vient de paraître aux Presses Universitaires François Rabelais, Le Conte et l’image. L’illustration des contes de Grimm en Angleterre au 19e siècle.

Recueils de contes illustrés

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La réédition de Grimm’s Household Tales (1946)

Ce recueil est illustré par Mervyn Peake et est paru aux éditions de la British Library (2012). Le buste picturalisé de Blanche-Neige constitue la couverture de l’album. Ce type d’illustration, on le constate rapidement, échappe totalement à l’imagerie à la Walt Disney. Les nains (p. 287) sont des êtres plutôt âgés, dotés de grosses figures au long nez. Cette illustration attire l'attention sur le travail des nains (une bêche, un pic) en quête de l'inaltérable (sacs d'or et de diamants). Blanche-Neige, pour sa part, est représentée dans toute sa beauté conventionnelle : chevelure noir d’ébène abondante, lèvres rouges comme le sang.

À noter que dans l'ensemble, Mervyn Peake fait preuve d'un certain goût pour le  burlesque.

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Grimm, Contes choisis, illustré  par Adolf Born

Cette anthologie, illustrée par Adolf Born, illustrateur, peintre et caricaturiste tchèque, né en 1930, propose une série de contes connus et moins connus qui mettent en évidence l’onirisme et la fantaisie ; le tout est illustré avec beaucoup d’humour.

Maurice Sendak

Le Centre propose également à la lecture deux volumes de contes illustrés par Maurice Sendak et parus chez Gallimard aux éditions Folio Junior.

Les trois plumes et douze autres contes (1979)

Hans mon hérisson et 13 autres contes (1979)

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Les dessins de Sendak sont réalisés à la plume et sont marqués par le romantisme allemand.

Contes de Grimm, illustrés par l’artiste allemand Nikolaus Heidelbach

Deux volumes anthologiques, parus aux éditions du Seuil, 2003 et 2004

« Dessiner  des costumes ou des intérieur d’époque m’ennuie terriblement » explique l’illustrateur. « Mes compositions sont de bric et de broc, un chapeau d’infirmière anglaise par par-ci, un tablier de bonne par-là, un poêle de Berlin, un fauteuil contemporain et le décor est posé. Il y a en allemand un terme qui signifie quelque chose comme « l’objet déplacé ». Je crois que cette notion est très présente dans l’art du 20e siècle. »




1 Les contes de Grimm, traduction d’Armel Guerne, Flammarion, 1967.
Contes de Grimm, traduction de Marthe Robert, folio Gallimard.
Contes pour les enfants et la maison, édition établie et traduite par Natacha Rimasson-Fertin, collection Merveilleux, José Corti, 2009, 2 vol. 

Albums

Il existe plusieurs types d’albums qui traitent des contes de Grimm. Il y a ceux qui simplifient les récits, ceux qui les adaptent et ceux qui reprennent le texte original.

L’intérêt de ces différents albums réside principalement dans l’illustration. Les illustrateurs des contes orientent la lecture. Certains illustrateurs choisissent de gommer les côtés dramatiques ou ténébreux, d’autres préfèrent les mettre en évidence, d’autres actualisent les récits puisque, à leurs yeux, ces histoires du passé sont encore des histoires d’aujourd’hui.

Par exemple, Hansel et Gretel par Anthony Browne plonge le lecteur dans un univers des années 50. Dans une ambiance de misère qui suit l’après-guerre, on découvre une mère égoïste uniquement soucieuse de sa beauté, une vielle femme sévère qui ne revoie en rien à l’imagerie folklorisante traditionnelle de la sorcière. Soulignons la présence de la télévision qui fait alors son apparition dans les foyers

Jorinde et Joringel, dessiné par Katrin Stangl, Passage Piétons, 2004

Synopsis :

Ce conte relate l’histoire de Jorinde qui, sous l’emprise d’une sorcière a été transformée en rossignol. Après des années de chagrin, Jorinde, son bien-aimé, parvient à déjouer le sortilège grâce à une fleur rouge aperçue en rêve. Il réussit à pénétrer dans le château maudit et rend à Joringel sa forme de jeune fille. Il en profite également pour délivrer les 7000 autres oiseaux ensorcelés.

Cette version de Jorinde et Joringel est proche de ce que l’on appelle le livre d’artiste. La narration est simplifiée pour laisser place à une stylisation du dessin.

bremenThe Musician of Bremen, Katrin Stangl, Corraini, 2009

De la même illustratrice, découvrons cette version des Musiciens de Brême en langue anglaise (existe également en italien).    

L’imagerie est apparentée à un monde plus naïf et l’utilisation de couleurs est relativement réduite. Katrin Stangl joue une fois de plus sur la stylisation de l’imagerie. The Musician of Bremen est paru chez Corraini qui est une maison d’édition italienne qui travaille en grande partie le livre d’artiste.

 

Les musiciens de Brême adaptés par des artistes indiens

Nous assistons depuis peu à un phénomène intéressant. Alors que pendant longtemps, les artistes européens ont adapté et illustré des contes venus des quatre coins du monde, nous assistons aujourd’hui à un retournement de situation, ce sont des artistes étrangers qui choisissent d’illustrer notre propre patrimoine oral.

the-old-animals-forest-bandThe Old Animals’ Forest Band

« C’est le cas de The Old Animals’Forest Band, qui vient d’être illustré par des artistes appartenant à des tribus indiennes et publié chez Tara Books. Les éditions Actes Sud, qui publient la version française, ont préféré un titre moins dynamique : Les Animaux musiciens. Ne boudons pas cependant notre plaisir pour une affaire de titre. La banalisation des titres traduits est hélas une caractéristique de l’édition française. »

Synopsis :

Dans la version allemande, des animaux âgés – un âne, un chien, un chat, un coq – sont chassés par leur maître, sous prétexte d’inutilité. Tous les quatre se proposent de gagner la ville de Brême et de former un orchestre. En cours de route, ils aperçoivent une maison où ils pourraient passer la nuit mais ce sont des voleurs qui l’occupent et font bombance. Les animaux imaginent un stratagème bruyant qui provoque la fuite des malfaiteurs. À la suite de quoi, les quatre amis s’installent là-bas. Après une vaine tentative de retour, les brigands renoncent à récupérer leur gîte.

« Sirish Rao a respecté le schéma narratif des frères Grimm, il introduit toutefois quelques variantes afin d’ « indianiser » le conte. Pouvait-il se passer d’une vache ? Non, bien sûr. Le chat s’efface donc devant une vache qui ne donne plus de lait. Il fallait aussi une fin qui fasse place aux regrets des villageois ingrats. Sirish Rao a imaginé que les paysans, ayant été réveillés par le furieux concert, se précipitent dans la forêt jusqu’à la hutte des malfrats où ils découvrent des sacs remplis d’or et de bijoux, ceux-là même qui leur avaient été volés. Comment remercier les animaux grâce auxquels ils avaient récupéré leurs biens ? Pris de remords, ils les invitent à retourner avec eux. Mais ceux-ci préfèrent créer leur propre fanfare : la fanfare des vieux animaux de la forêt.

Par delà l’adaptation du conte au contexte indien, l’album se fait remarquer par les illustrations de Durga Bai, une artiste qui appartient au groupe aborigène des Gonds, qui vivent principalement dans l’Inde centrale. Leur art est immédiatement identifiable, qu’ils représentent des arbres, des animaux ou des humains. »


3 versions du célèbre Hänsel et Gretel

hanselHänsel et Gretel  d’Anthony Browne

Cette version que l’on pourrait qualifier de néo-réaliste. Elle permet un rapprochement entre les deux héros et l’enfant lecteur. À noter la parenté visuelle entre l’image peu flatteuse de la mère et celle de la sorcière complètement « défolklorisée ».

 

hanselgretelHänsel et Gretel  de Suzanne Janssen et Christian Bruel

« Suzanne Janssen et Christian Bruel ont proposé en 2007 aux éditions Être une nouvelle traduction de Hansel et Gretel. Celle-ci restitue au récit sa force brutale, si bien que le lecteur a l’impression de découvrir pour la première fois ce texte des frères Grimm cent fois lu ou entendu. Par delà la beauté austère de la langue, Christian Bruel et Suzanne Janssen ont créé un livre « total » comme on en rêve. Le format, la typo, l’encre et le papier, la mise en page, les illustrations font de cette édition un réel chef d’œuvre.

Loin d’être anecdotiques ou illustratives, les images font ressentir le pathétique, la détresse, la douleur, la violence qui traversent le conte de part en part. L’impuissance et la résignation se lisent dans le corps décharné de ce père ravagé par la misère. La froideur imprègne le visage de la mère. Quant à la solidarité qui unit le frère ou la sœur, elle s’exprime ici à travers un air de gémellité. Jamais Hansel et Gretel ne sont autant ressemblés. Peut-être Suzanne Janssen s’est-elle souvenue que, dans la version de Lo Cunto deli cunti de Giambattista Basile publiée vers 1625, les deux enfants portaient des noms qui laissaient supposer qu’ils étaient jumeaux : ils s’appelaient Ninnillo et Nennella.

La technique de Suzanne Janssen est complexe : superposition de papiers découpés, de peinture et d’impressions photographiques, travail sur la perspective et la position des corps, focalisation sur les visages. Aux doubles pages illustrées succèdent les pages de textes ornés de branchages, de fleurs et surtout d’insectes découpés dans du papier brun rouge légèrement noirci.

Dans cet univers sombre, la couleur rouge apparaît comme un fil qui relie différents épisodes entre eux, depuis le sang de la blessure du cerf qui ouvre le conte jusqu’au rougeoiement du four dans lequel Gretel pousse la sorcière, sans oublier les flammes rouges auprès duquel, au plus profond de la forêt, les enfant s'étaient endormis. »  

Lorenzo-MattottiHänsel et Gretel de Lorenzo Mattoti

En noir et blanc (et beaucoup plus en noir…), le Hänsel et Gretel de Lorenzo Mattoti (traduction de Jean-Claude Mourlevat) paru chez Gallimard en 2009 est une vision dramatique et cauchemardesque du récit.

Tout est affaire de point de vue et dans ce cas-ci, c’est la noirceur qui est métaphorisée par le recours à l’encre noire. On est moins dans l’illustration que dans la suggestion : tout est question d’ombre et de lumière, de cauchemar en noir et blanc. La maison de pain d’épice, par exemple, qui est en général quelque chose de très coloré est ici carrément effrayante.

Interview de l'auteur en vidéo

La comparaison de ces trois versions disponibles au Centre met en évidence l’une des dimensions fondamentales des contes : œuvres qui se prêtent à l’interprétation et dont le sens nous échappe parfois.

le conte du genevrierLe Conte du Genévrier (article à paraître dans la revue Lectures)

On répète que les frères Grimm aimaient beaucoup le Conte du Genévrier, tant il fait figure du prototype du genre. Les thèmes s’y entremêlent et s’y chevauchent. Ils croisent d’autres récits. Tel passage évoque quelque chose de connu, tel autre rappelle un épisode d’une histoire familière. Ainsi en est-il des gouttes de sang dans la neige au début du conte. On se doute qu’un enfant naîtra et que la mère mourra. Après le remariage du père, on s’attend à ce que la marâtre cherche à faire disparaître l’enfant du premier amour. À la différence de Blanche-Neige, dans le Conte du Genévrier, l’orphelin ne put échapper à son destin. Et qui plus est, comme dans un mythe grec, le voilà dévoré par son père, sans que celui-ci s’en doutât. Au noisetier donateur que fit pousser Cendrillon sur la tombe de sa mère correspond ici le genévrier au pied duquel la demi-sœur enterra les os du jeune garçon… Il n’en fallu pas davantage pour que l’on assistât à une métamorphose : comme si l’âme de l’orphelin assassiné s’était muée en un oiseau multicolore dont le chant magique et douloureux scande la seconde partie du récit.

Ma mère m’a tué ;
Mon père m’a mangé
Ma sœurette Marlène
A pris bien de la peine
Pour recueillir mes os jetés
Dessous la table, et les nouer
Dans son foulard de soie
Qu’elle a porté sous le genévrier.

Après avoir récompensé les gentils et châtié la criminelle, l’oiseau multicolore s’effaça pour faire place à l’enfant martyr ressuscité. Et comme si rien ne s’était passé, celui-ci donna la main à son père et à sa sœurette... puis tous trois rentrèrent à la maison et se mirent à table.

Parmi les Contes pour les enfants et la maison des frères Grimm, celui du genévrier est peu souvent raconté. Trop violent, trop cruel, traumatisant sans doute. Insoutenable, cette marâtre qui malmène l’enfant du premier mariage, le pinçant, le frappant, le malmenant sans cesse avant de rabattre sur lui le couvercle d’un coffre qui lui tranche la tête. À ma connaissance, le Conte du Genévrier n’a jamais été illustré en totalité. Tout au plus une image accompagne-t-elle le récit dans l’un ou l’autre recueil de contes qui privilégie le texte. Voyez l’illustration de Maurice Sendak ; proche de celle de Walter Crane, dans le volume intitulé Hans-mon-hérisson que publia Gallimard en Folio Junior.

Ce serait donc « une première » que nous offrent en 2012, Gilles Rapaport et son éditeur Paul Fustier qui a placé sa maison sous le signe du « genévrier ».

Un petit film sur Youtube permet de suivre les étapes de l’évolution des illustrations « de la mise en place du noir et blanc jusqu’à l’image publiée en couleurs. »

On est éblouis par l’art de Gilles Rapaport qui a situé le conte à l’époque médiévale et non, il y a plus de 2000 ans comme l’affirme le texte. Les personnages, leur gestuelle, leur visage, leur regard nous poursuivent par delà la lecture. Plans panoramiques et plans rapprochés alternent en créant un rythme qui soutient l’oralité « mise par écrit » propre aux contes des frères Grimm. L’omniprésence du noir qui entre en contraste avec la couleur, discrète par moments, éclatante à d’autres traduit ce mélange de cauchemar et de merveilleux qui caractérise cette histoire de jalousie, de haine et d’amour.

grenouilleLe Prince Grenouille de Binette Schroeder,   Éditions Nord-Sud, 1989

Cette version du Prince Grenouille est une remarquable adaptation de Binette Schroeder qui joue sur la symbolique et les couleurs, dans des mises en scène qui renvoient au théâtre, à l’opéra et au cinéma.

Dans ce récit, c’est l’initiation à la sexualité qui est mise en évidence de manière  indirecte et symbolique, à travers la multiplication d’indices visuels à découvrir par le lecteur. Tandis que la grenouille se transforme en garçon, la jeune fille, une enfant qui jouait encore à la balle, se prépare à passer à l’âge adulte : elle doit, conformément à son engagement, accepter la grenouille dans son lit.

 

 

 

 

grigriGrigrigredinmenufretin paru chez Gautier-Languereau

Paru aux USA en 1988, traduit en 1989 chez Gautier-Languereau, le conte allemand Rumpenstünzchen est illustré dans un style médiévalisant, par moments les illustrations s’inspirent de l’art de la miniature, à d’autres, elles évoquent l’esthétique des préraphaélites anglais du 19e siècle.

 

 

 

 

2 versions de Blanche-Neige

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Blanche-Neige illustrée par Éric Battut  (2002)

Cette version se base sur la traduction de Marthe Robert. Éric Battut, fidèle à son style, déroule l’action sur de grandes pages dans lesquelles les personnages sont de taille réduite. Cela lui permet de dramatiser le récit de façon naïve, tandis que la couleur crée une atmosphère expressionniste.

 

 

 

 

bnBlanche-Neige raconté par Joséphine Poole, illustré par Angela Barrett

 Ici, le récit prend une véritable dimension mythique. Le monde des nains qui travaillent sous la terre s’apparenterait presque à un au-delà auquel Blanche-Neige accède en traversant une forêt ténébreuse après sa mise à mort symbolique. Sa beauté renvoie aux canons de la beauté d’époque victorienne, tandis que le mobilier par sa couleur noire tout en évoquant le monde de la nuit renvoie à l’univers de Charles Rennie Macintosh et ses émules.


Collection « Il était une fois »  chez Grasset-Monsieur Chat

La collection « Il était une fois… » dirigée par Étienne Delessert chez Grasset-Monsieur Chat est composée de contes d’Andersen, de Perrault mais également de quelques contes des frères Grimm. Les albums sont conçus selon un même schéma : le  texte intégral est illustré par des artistes d’horizons très différents. Le texte est présenté dans un cartouche sur la page de gauche avec une illustration et le déroulé de l’histoire sur la page de droite.

Dans cette collection, Neige Blanche et Rose rouge est imagé par Roland Topor (1984) qui avait déjà illustré les contes de Perrault , aux éditions de l’Imprimerie Nationale, en 1987 et Raiponce est illustré par Michael Hague (1984).

ourdiL’oiseau d’Ourdi

L’oiseau d’Ourdi a été illustré par Marshall Arisman dans la collection « Il était une fois » chez Grasset-Monsieur Chat, en 1983, dans un style qui selon Michel Defourny, fait penser à celui du peintre Francis Bacon, par sa violence et ses couleurs.

Ce conte correspond à la Barbe Bleue de Charles Perrault. Il y est question d’un sorcier ou d’un ogre qui attire chez lui de très jolies filles. Il leur interdit de pénétrer dans une pièce de sa maison, celle où sont « conservées » les femmes qu’il a assassinées antérieurement. Lorsqu’il s’absente pour quelques jours, ses futures victimes, poussées par la curiosité, utilisent la petite clé qui leur a été confiée. Tachée de sang, celle-ci les trahit.

L’oiseau d’Ourdi a également fait l’objet d’une adaptation par la célèbre photographe américaine Cindy Sherman. Cet album, paru sous le titre Fitcher’s bird chez Rizzoli en 1992, est illustré par une série de photographies dont le style est propre à Cindy Sherman : utilisation de masques, de matières gluantes …

 

 

troisLes Trois Langages

Les Contes de Grimm ne cessent de fasciner des artistes appartenant à tous les horizons. Les Trois langages a ainsi été illustré en 1984 par le graphiste Ivan Chermayeff, qui a beaucoup travaillé le collage. Ce récit, dans lequel un père bannit son fils peu doué pour les apprentissages scolaires ou conventionnels, est illustré avec beaucoup de gaité par des images très colorées. On pense à Matisse.

Effet de réalisme poétique dans La Reine des abeilles (1984), illustré par les dessins de Philippe Dumas qui transpose le conte à notre époque, en mettant en scène ses propres enfants.

John Howe illustre Le pêcheur et sa femme (1983) dans un style qui annonce la fantasy dans laquelle il excellera ultérieurement.

Eléonore Schmid illustre Les Trois plumes (1984), avec beaucoup de douceur et de fidélité au texte.

Paul Perret recourt à un style caricatural pour La Gardeuse d’oies (1984).

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Les frères Grimm et Maurice Sendak

Le Centre de Littérature de Jeunesse de Liège dispose non seulement des 2 recueils de contes illustrés par Maurice Sendak publiés chez Gallimard, mais également de son adaptation du Roi Barbe d’ours, dans lequel l’illustrateur américain théâtralise l’histoire jouée par deux enfants, inscrivant les dialogues dans des bulles, façon BD.  

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Autre titre, Chère Mili, un album dédié par Maurice Sendak à sa sœur qui s’était occupée de lui, pendant son enfance.

La jaquette nous apprend que c’est là un conte inédit des frères Grimm, retrouvé dans une lettre adressée, en 1816, à une petite fille. Ce conte avait été oublié. « C’est un siècle et demi plus tard que les descendants de cette petite fille prirent conscience de ce trésor ».

On croirait, à sa lecture, qu’il a été écrit à l’intention de Maurice Sendak et qu’il a attendu pendant un siècle et demi ses illustrations, marquées à la fois par le romantisme et le préraphaélisme, par Mozart et par le régime nazi.

Synopsis

Une petite fille fuit la guerre. Elle tente d’échapper aux dangers qui la guettent, protégée par son ange gardien. « Lorsqu’un danger la menaçait, toujours elle en était sauvée, et sa mère pensait souvent dans son cœur : « Mon enfant doit avoir un ange gardien, qui l’accompagne partout même si on ne peut pas le voir. » 

Sans doute est-ce la raison pour laquelle, lorsque le grand incendie embrasa les cieux, sa mère décida de l’envoyer dans la forêt. On sait que la forêt des contes est le lieu de la sauvagerie, des périls mortels, et de l’abandon.

Si la fillette a réussi à s’échapper, d’autres enfants que l’on aperçoit dans le lointain sont emmenés dans des camps de la mort. Dans sa solitude, elle continue à être soutenue par son ange gardien qui l’a aidée « à franchir les falaises et les gouffres profonds ».

À force d’efforts, elle arrive à la chaumière d’un vieillard qui n’est autre que Saint-Joseph. Son comportement est celui d’une petite fille modèle. Le vieillard partage le peu qu’il a. Et de son côté, la petite fille prend soin de lui. Elle fait là-bas la connaissance d’une fillette qui lui ressemble et qui se révèle être son ange gardien. Celle-ci l’aide à retourner chez elle après qu’elle eût reçu du vieillard une rose rouge. Est-ce dans l’au-delà que la fillette a pénétré là où le temps semble ne pas exister et où la jeunesse est éternelle. Toujours est-il qu’elle retrouve sa maman bien vieillie, c’est que, sur terre, le temps d’une vie s’est écoulé.

Comme dans d’autres albums de Maurice Sendak, Mozart est présent dans cet album. Il dirige un chœur d’enfants dont les voix se sont tues, « un silence amplifié par le geste esquissé d’un violon absent des mains d’un garçon ».

Les frères Grimm en Espagne

senorLe Centre de Littérature de Jeunesse de la Ville de Liège veille à s’ouvrir à la production internationale. Dans ce cadre, il propose, entre autres, aux lecteurs un recueil en espagnol, illustré par Oliveiro Dumas, El Senor Korbes y otros cuentos de Grimm, paru chez Media Vaca, en 2001. Des illustrations irrespectueuses et loufoques comme on n’en voit guère pour accompagner les contes des frères Grimm.

Tous ces titres et bien d’autres encore, comme Le Petit Chaperon rouge, La Vieille Bique et les biquets, La Marmite magique, Le Renard et les oies, Les Talers d’étoiles… illustrés par Trina Schart Hyman, par Bernadette, par Tony Ross et bien d’autres peuvent être consultés au Centre de Littérature de Jeunesse de la Ville de Liège. 

 

 

 

Michel Defourny et Vincianne D’Anna
Novembre 2013

Échos d’une conversation à bâtons rompus avec Michel Defourny, en feuilletant quelques albums illustrés des Contes des frères Grimm.

 

crayongris2 Vincianne D'Anna est journaliste indépendante.

 

 

microgris

Michel Defourny est spécialiste de la littérature de la jeunesse qu'il enseigne à l'Université de Liège. Il a créé le Fonds Michel Defourny.


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