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Un totem pour le Musée en plein air

Un totem pour le Musée en plein air

sapinrougeDepuis le 8 octobre, une nouvelle œuvre vient enrichir les collections du Musée en Plein Air du Sart Tilman : marquant de sa silhouette élancée le paysage du domaine universitaire, un sapin rouge s’ancre désormais entre le Boulevard du Rectorat et l’Allée du 6 août. Signée par le peintre Jean-Pierre Ransonnet, cette sculpture monumentale voit sa genèse retracée dans une exposition – accessible au public dès le 7 novembre.

Installée dans un espace dédié au sein du Centre Hospitalier Universitaire, l’exposition Autour du sapin rouge livre quelques étapes essentielles de la création de cette œuvre. Dessins, ébauches, esquisses étalent leurs formes et leurs couleurs sous les yeux du visiteur, préfigurant déjà ce qui deviendra le dernier-né de Jean-Pierre Ransonnet. Ses petits carnets manuscrits, noircis de la répétition fébrile du conifère, partagent les lieux avec une série de peintures inédites, de moyen et de grand format. Initiée il y a quelques années, elle dévoile un équilibre harmonieux entre deux figures récurrentes chez l’artiste : l’homme et le sapin, qui martèle la toile de sa délicate empreinte rouge. La réflexion initiée par ces créations en deux dimensions se prolonge dans plusieurs modèles réduits : adoptant d’autres proportions que leur imposant voisin métallique, ils diffèrent également par l’emploi du bois et du plastique. Au fil de l’exposition, ces différents fragments reconstruisent la naissance du sapin rouge qui investit depuis plusieurs semaines le campus du Sart-Tilman.

JP Ransonnet, devant sa sculpture © Jean Housen. Musée en plein air

Si l’aboutissement de cet ambitieux projet est récent, l’œuvre puise ses origines dans la riche carrière de Jean-Pierre Ransonnet. En 1991, alors qu’il enseigne à l’Académie des Beaux-Arts de Liège, le plasticien participe à la création d’un jeu de cartes à jouer. Héritant du dix de cœur, il l’habille de courbes gracieuses, qui comportent déjà en filigrane la forme du sapin rouge. Le galbe de ces lignes marque durablement l’artiste :  s’appropriant depuis quelques années le motif du conifère, il refuse la rigueur abrupte et anguleuse qui lui est habituellement associée. De croquis en croquis, le contour se mue en un tracé sinueux, proche parent du dix de cœur réalisé à l’Académie et surtout réminiscence d’un lointain passé, comme l’explique l’artiste : Ce sont tout à fait les formes du clocher de l’église de mon village natal, qui a été démolie à la fin de la guerre. Je suis né en 1944, pendant l’offensive, et j’ai toujours été marqué indirectement par la guerre. L’église a été décapitée, mais j’en ai retrouvé quelques images, et le bulbe du clocher avait une forme tout à fait particulière, pratiquement unique dans la Province. Et je me suis rendu compte qu’inconsciemment, je reproduisais encore ce même motif. Ça a un sens, ce n’est pas fait d’une manière gratuite. À la résurgence de ces courbes caractéristiques sur le papier s’est ajoutée l’envie de réaliser une œuvre en trois dimensions. Principalement actif dans le domaine de la peinture – bien qu’il ait également abordé d’autres disciplines artistiques –, l’implication de Jean-Pierre Ransonnet dans le champ sculptural s’était jusqu’alors limitée à quelques brèves incursions : avec le sapin rouge, il livre au public sa première sculpture monumentale. 

Fermement rivé à ses fondations bétonnées – dont la stabilité a été soigneusement étudiée par le bureau d’architecture liégeois Greisch –, le sapin toise le domaine universitaire du haut de ses 6,70 mètres. Svelte géant métallique, il présente (notamment par sa taille plus modeste) quelques différences avec les projets initialement imaginés par Jean-Pierre Ransonnet : aux matériaux employés pour les modèles réduits succède l’acier Corten, gage d’une plus grande légèreté mais également d’une meilleure adaptation à son implantation en extérieur. Juché sur un haut socle au sommet légèrement évasé, le végétal est enveloppé de plusieurs couches de peinture rouge, le protégeant de la pollution comme des aléas du temps. Découpant nettement sa couleur vive sur la verdure omniprésente du Sart-Tilman, le sapin déploie sa triple superposition de courbes sur quatre côtés – évocation des points cardinaux ainsi que des quatre entrées des  Amphithéâtres de l’Europe. Comme le souligne l’artiste, l’œuvre est sujette à des interprétations aussi riches que variées, qu’elles s’inscrivent dans l’évocation du rapport entre nature et culture, dans le jeu sur la complémentarité entre le rouge de la sculpture et le vert des arbres, ou encore dans l’opposition entre la rigidité masculine de la colonne et la sensualité féminine du sapin.

Au-delà du processus de création initié par Jean-Pierre Ransonnet, l’œuvre est également tributaire des nombreuses collaborations qui jalonnent sa réalisation. Outre les corps de métier spécialisés qui ont donné vie aux esquisses de l’artiste, ce dernier a pu compter sur le soutien crucial de Pierre Henrion, conservateur au Musée en Plein Air, qui a suivi les différentes étapes du projet et a contribué à sa réussite. L’artiste Daniel Dutrieux a aussi apporté sa pierre à l’édifice, participant notamment au choix de l’emplacement de l’œuvre. Une recherche délicate, comme en témoigne l’artiste : On a cherché les lieux, mais on ne trouvait pas. L’idée première était qu’elle soit installée au milieu d’un rond-point. [...] Mais quitte à faire une sculpture, autant qu’elle ait une signification sociale dans l’espace. Que quand les gens se baladent, ils puissent se dire «on se retrouve au sapin rouge». Et qu’elle entre dans le vocabulaire... Dimension essentielle du projet, le choix du lieu s’est finalement arrêté sur un espace dégagé, proche du trafic routier et du passage des piétons. Intégrée dans le cœur vivant du campus, l’œuvre peut ainsi revêtir la signification sociale souhaitée par Jean-Pierre Ransonnet : outrepassant son seul rôle esthétique, elle s’affirme comme nouveau repère pour les visiteurs qui arpentent chaque jour le Sart-Tilman.

ULgTV sapinrouge

S’il clôt un imposant ouvrage consacré à la carrière de Jean-Pierre Ransonnet – actuellement en préparation aux éditions Yellow Now –, le sapin rouge est loin de mettre un point final à sa production. Malgré son appartenance aux œuvres sculptées, il porte la même empreinte que les peintures de l’artiste : un langage plastique et poétique qui rend les mots obsolètes.

 

Julie Delbouille
Novembre 2013

 

crayongris2Julie Delbouille est journaliste indépendante, diplômée en histoire de l'art et en médiation culturelle.

 

 


 

Inauguration de la sculpture le mercredi 6 novembre à 17h (à proximité du restaurant universitaire, à côté des Amphis de l'Europe), suivie à 18h du vernissage de l'exposition.

Renseignements et visites de l'exposition

Jean-Pierre Ransonnet. Autour du sapin rouge. Peintures, dessins, sculptures

Du 6 au 30 novembre
Jeudi et vendredi de 12h à 16h, samedi de 10h à 13h
Salle du Musée en Plein Air du Sart-Tilman, au CHU de Liège, Verrière sud, niveau -3

http://www.museepla.ulg.ac.be/


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