Histoire naturelle : quand l'art rencontre la science

Astro-MaternityPlus loin, deux sculptures de la série des Astro prolongent cet hommage : Astro Maternity (photo ci-contre) et Astro Accident. Réalisées en 1971, elles ouvrent leurs plaques d’acier inoxydable (emprunt à l’industrie automobile florissante) sur des entrailles carmin : le cœur loupe un battement lorsqu’il découvre les enfants abrités par Astro Maternity, incarnations de la continuité de l’espèce au-delà du tribu qu’elle paie pour sa témérité. Cette thématique du danger trouve également écho dans l’œuvre Icare. Tableau orné d’un personnage en relief, elle semble illustrer la chute vertigineuse et inéluctable d’un spationaute ; par sa référence à l’infortune de Dédale et Icare, elle témoigne aussi de l’intérêt de Paul Van Hoeydonck pour la mythologique gréco-romaine. À quelques pas de là, Le Fil d’Ariane évoque – outre le nom d’un astéroïde gravitant entre Jupiter et Mars – un autre récit antique ; ces références parsèment la production de l’artiste.

Lorsque le visiteur quitte le palais abbatial pour se rendre dans les autres espaces d’exposition, il découvre un autre thème traité par Paul Van Hoeydonck : la mutation. Dans le groupe Le Cri, il donne vie à des formes plastiques à l’allure humaine : des entraves de tissu émergent des visages, dont l’angoisse muette rappelle un autre Cri célèbre, celui d’Edvard Munch.

Piccolo-TheatroÉvocation du théâtre de marionnettes, le Piccolo Theatro (photo ci-contre) traite également de la mutation : aux étranges bustes d’enfants juchés sur des tabourets fait face une scène habitée de personnages surréalistes, hybridations grotesques entre l’homme et la machine. Des êtres atypiques à la forme vaguement anthropomorphe animent également un ensemble de dessins : énigmatiques avatars de l’homme, ils semblent évoluer dans un ailleurs inaccessible – gratifiant parfois le visiteur d’un regard transperçant. La production en deux dimensions de l’artiste se complète aussi de plusieurs peintures disséminées sur le campus, dont The Night of the Flying Saucers, Astro With Snake, Cyb Take Off ou encore De Drie Standen van de Maan, triptyque où l’astre lunaire se compose d’une multitude de fines pièces métalliques.

Alors que la crypte de l’ancienne abbaye dévoile le groupe monumental des Funérailles du Christ, le cloître abrite également quelques œuvres : plusieurs d’entre elles portent les stigmates des nombreux voyages réalisés par Paul Van Hoeydonck. Tandis que Voyage on a Nile esquisse la civilisation égyptienne, le Kyoto Satellite Temple Group se situe dans la lignée des Kyotoscopes des années 1980, témoins de son intérêt pour la culture nippone. Sa découverte de l’Inde, et notamment de l’observatoire astronomique Yantra Mandir à Jaipur, marquera aussi durablement sa production. Enfin, le groupe Piazza del Cavallo Nero transcrit, avec ses colonnes brisées aux drapés classiques, l’influence de l’Antiquité : celui que le critique d’art Pierre Restany qualifiera d’archéologue du futur y met en parallèle le déclin de l’Empire romain avec celui qui secouera probablement notre génération si elle renonce à la conquête spatiale.

Toujours dans le cloître, une création aborde un autre thème essentiel de la production de Paul Van Hoeydonck : la cybernétique. Après ses Robots, il crée dès 1968 la série des Cyb’s, personnifications de l’application de la cybernétique à l’homme ; le groupe Danse Macabre, en déployant ses personnages au visage bardé d’électronique, illustre cette autre forme d’hybridation, avec laquelle l’humanité doit désormais composer.

Histoire-naturelle

Enfin, nimbée de la douce lumière des vitraux du cloître, Histoire naturelle (photo ci-dessus) accroche l’œil. Empruntant son nom à une création du surréaliste Max Ernst – dont le travail a fasciné Van Hoeydonck –, cette œuvre, empreinte d’une élégante sobriété, est la pièce maîtresse (et éponyme) de l’exposition. Rivés à leur socle d’acier, cinq bustes au visage d’un blanc de cire adressent au visiteur un regard insondable. Un insecte, une araignée ou encore une salamandre semblent retenir le plissé de leur vêtement, matérialisant la vocation première de l’exposition : nouer un dialogue entre l’art et la science. En traversant le voile délicat qui sépare l’imaginaire de la prescience, les œuvres de Paul Van Hoeydonck réussissent le pari de confronter le questionnement du chercheur avec celui de l’artiste. Une rencontre poétique et surprenante.

 

 

Julie Delbouille
Octobre 2013

 

crayongris2Julie Delbouille est journaliste indépendante, diplômée en histoire de l'art et en médiation culturelle.

 


 

 Photos © ULg - Jean-Louis Wertz

Informations pratiques et visites

Histoire naturelle

De novembre 2013 à février 2014
Du lundi au vendredi, de 9h à 17h
Entrée libre

Faculté de Gembloux Agro-Bio Tech
Accès via l’Avenue de la Faculté d’Agronomie (parking Espace Senghor)
5030 Gembloux

Plus d’informations sur www.histoire-naturelle.be

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