La Collégiale Sainte-Croix : patrimoine mondial en péril

De Notger au renouveau urbanistique

Si le jury du Watch s’est laissé convaincre, c’est que la Collégiale Sainte-Croix n’est pas une église comme les autres. Construit par Notger vers 979, l’édifice a joué un rôle majeur dans l’histoire de Liège. À l’époque, un seigneur voulait construire un château sur cet emplacement : il aurait de son promontoire assujetti Liège et le Prince-Évêque. Notger a donc décidé d’y fonder Sainte-Croix : il voulait créer un véritable urbanisme théologique avec Saint-Jean, Sainte-Marie – l’ancienne cathédrale Notre-Dame-et-Saint-Lambert – et Sainte-Croix. Cette collégiale devait créer un rempart spirituel pour la ville et en faire une ville sainte digne du Saint-Empire germanique, explique Quentin Hutsemékers. De cette première église élaborée par Notger, il ne reste plus qu’un mur, que l’on peut voir lorsqu’on s’aventure dans la ruelle qui borde le côté ouest de l’église.

choeur ouest choeur-estAprès plusieurs interventions datant du roman tardif au 13e siècle, de nouvelles constructions gothiques sont venues modifier à leur tour la collégiale au cours du 13e et du 14e siècle. Le gothique a repris à partir du chœur oriental : l’optique était de refaire le massif occidental roman mais la reconstruction s’est arrêtée en cours de route. La Collégiale a donc cette particularité d’avoir deux chœurs en abside... l’un gothique et l’autre roman, poursuit Quentin Hutsemékers.

La collégiale, ce n’est pas n’importe quelle église gothique, rebondit Claudine Houbart. Non seulement elle joue ce rôle symbolique au niveau de la ville mais au niveau architectural – et cela a bien été montré par la thèse de Mathieu Piavaux –, c’est vraiment une église qui occupe une place particulière dans l’Empire avec des dispositifs que l’on trouve rarement : le chœur inspiré de la Sainte-Chapelle de Paris, le fait aussi qu’il s’agit d’une église-halle, avec des bas-côtés de la même hauteur que la nef centrale.

Au milieu du 19e siècle, Jean-Charles Delsaux entreprend d’importants travaux de restauration qui modifient profondément l’apparence de Sainte-Croix. On est alors dans une période de rénovation stylistique inspirée de Viollet-le-Duc en France, poursuit Claudine Houbart. L’idée, c’était de donner aux bâtiments une apparence plus gothique qu’ils ne l’étaient... Cette mode du néogothique va amener à restaurer la collégiale tout en y apportant des éléments nouveaux. Après les interventions de Camille Bourgault dans les années 30 et les dégâts causés par la deuxième Guerre mondiale, ce sont les années 70 qui marqueront un tournant décisif dans l’histoire de Sainte-Croix. Soumise à un renouveau urbanistique sans précédent, Liège voit ses quartiers se fendiller : l’arrivée de la rue de Bruxelles jusqu’au centre chasse les paroissiens de Sainte-Croix, qui se retrouve coupée de son environnement direct. C’est un cercle vicieux, commente Quentin Hutsemékers. Une église ne peut pas vivre sans ses paroissiens. Et moins une église est fréquentée, moins elle est entretenue, plus elle se dégrade. L’ingénieur Hubert-Fernand Joway entame alors une importante rénovation. Son but était de consolider la Collégiale mais il n’avait pas vraiment de budget, commente Claudine Houbart. C’était une intervention d’urgence, destinée à rester provisoire dans l’attente d’un vrai projet... mais ça fait 40 ans que ça dure ! Il a par exemple complété les parties manquantes avec du bloc de laitier, un matériau qui ne tient pas bien... mais qu’il avait employé à dessein. Au final, cela n’a jamais été remplacé. Soumise à une restauration de fortune, délaissée par ses paroissiens, la collégiale va donc progressivement perdre de sa superbe. Des actes de vandalisme et des problèmes de sécurité liés à son état de dégradation conduiront à sa fermeture au public à la fin des années 2000.

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