Les musées itinérants actuels

Le Centre Pompidou mobile

Les objectifs du Centre Pompidou mobile sont bien différents de ceux du Chanel Mobile art. Cette petite succursale n’est pas conçue pour un public d’initiés et ne fait pas l’apologie du Centre parisien. L’objectif est de mettre à disposition des œuvres majeures de l’art moderne et contemporain à des habitants de zones censées être éloignées de l’offre culturelle.

C’est à la faveur d’un concours que l’architecte Patrick Bouchain a créé une structure légère s’adaptant à tous types de terrains et offrant une superficie de 650 mètres carrés. Elle est facile à transporter, à monter, démonter et arbore des couleurs s’apparentant à celles du bâtiment parisien. L’inauguration s’est tenue à Chaumont en Haute-Marne le 18 octobre 2011 en présence du Président de la République de l’époque, Nicolas Sarkozy.

La première exposition, intitulée « La couleur », présente quinze œuvres de quinze artistes majeurs du 20e siècle, sélectionnés en fonction de leur travail de prédilection sur la couleur, depuis Braque et son Estaque (1906) jusqu’à Olafur Eliasson et son œuvre intitulée Your Concentric Welcome (2004). Trois formes d’expression sont exploitées : des peintures, des sculptures et une vidéo. Les œuvres proviennent en majorité du Musée National d’Art Moderne, les autres de fonds régionaux d’art contemporain.

Alain Seban, Président du Centre Pompidou, souhaite offrir au plus grand nombre l’expérience d’une visite muséale dans un encadrement adapté. Différents dispositifs de médiation sont à la portée d'un public « lambda » : visites guidées par des professionnels,  audioguides ou livrets pour ceux qui souhaitent des informations plus poussées. En fin de compte, c’est le visiteur qui choisit son type de médiation, même si les hôtesses conseillent fortement les visites guidées.

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Centre Pompidou mobile à Cambrai - Stéphane Dafflon

Le MuMo

Cette liberté accordée aux visiteurs est encore plus poussée dans le cas du MuMo. Ce  Musée Mobile s’arrête dans des écoles primaires et s’adresse exclusivement aux enfants de six à onze ans. Il se présente sous la forme d’un semi-remorque qui se déploie sur deux niveaux afin d’exposer quinze œuvres de quinze artistes contemporains. Le concept d’un musée d’art contemporain itinérant à destination des enfants est né en 2010 à l’initiative d’Ingrid Brochard, une jeune femme d’affaires ayant fait fortune en Chine dans l’industrie des cosmétiques.

Le MuMo a pour vocation de toucher une jeunesse défavorisée ou éloignée des centres culturels par une confrontation directe avec la création contemporaine. Ingrid Brochard utilise ses nombreuses relations dans le domaine de l’art pour attirer des artistes contemporains de renommée internationale, comme James Turrell, Paul McCarthy ou Maurizio Cattelan, qui ont produit peintures, sculptures, installations et vidéos inédites.

Depuis son lancement en 2011, l’institution a ciblé trois types de public en fonction du contexte social et géographique. Une première tournée a privilégié les zones rurales françaises éloignées des centres culturels. Une seconde s’est déroulée dans des écoles du Cameroun et de Côte d’Ivoire (deux pays très impliqués dans le développement économique du Groupe Bolloré, principal mécène du MuMo). La troisième a ciblé des enfants issus de milieux défavorisés se situant principalement en périphérie de villes françaises comme Paris ou Strasbourg. 

Les concepteurs du MuMo veulent permettre à ces enfants de se faire leur propre idée de ce qu’est l’art contemporain. Pour y parvenir, ils leur offrent une grande liberté de parole et de mouvement. Les enfants expriment leur interprétation personnelle des œuvres exposées. C’est ce qui différencie le MuMo du Centre Pompidou mobile, qui, lui, privilégie la médiation et l’animation. Le public est central, il doit avoir appris quelque chose à la fin de sa visite. Dans le cas du MuMo, l’art ne doit pas nécessairement être étudié mais doit susciter des émotions chez les enfants.

Le problème est qu’ils ont à leur disposition une trop grande liberté au détriment d’une certaine pédagogie. Cet objectif louable de mettre l’art à la portée d’un public de non-initiés, quel qu’il soit, et a fortiori quand il s’agit d’enfants, est toutefois difficile à atteindre sans un minimum d’encadrement et de pédagogie.

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Le MuMo à Lille - Maurizio Cattelan

Il ressort de ces comparaisons que seul le Centre Pompidou mobile possède des objectifs semblables à ceux des premiers musées itinérants. Pour autant, le modèle des années 1940 n’est pas une référence car les objectifs et les fonctions des musées itinérants évoluent en osmose avec la société. Si le besoin culturel d’une population délaissée est un problème qui persiste de nos jours, certaines institutions n’en font plus une priorité contrairement à celles des années 1940. L’aspect social du projet initial est délaissé, au risque de rendre les musées itinérants semblables à des expositions itinérantes, des centres de loisirs ou  des campagnes publicitaires.

Nadège Durant
Octobre 2013

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Nadège Durant est diplômée en Histoire de l'Art et archéologie, spécialité Muséologie. Son mémoire de fin d'études portait sur les musées itinérants.

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