Éclats de lune. Civilisations

Otte-NoiretLa lune façonne notre pensée

par Marcel Otte et Pierre Noiret, préhistoriens (ULg)

La fonction de l’esprit s’appuie sur un référent temporel. Le mouvement lunaire, le plus universel, aux rythmes courts et immuables, sert autant à bâtir la pensée qu’à organiser le déroulement du temps. Les calendriers utilisés par les populations du Pléistocène sont fondés sur le mois lunaire, comptant 28 jours. Ceux connus dans le Paléolithique européen s’agencent d’ailleurs sur une base de sept et de ses multiples, divisions naturelles du cycle lunaire complet et dont notre « semaine » poursuit l’usage. Le chiffre sept maîtrise le temps qui passe, régit les rythmes biologiques et astraux, justifie la force fécondante, organise toute forme de vie.

Bâton gravé d'Ishango (Congo)

 

Mésopotamie. Divinité, calendrier et présages lunaires

par Philippe Talon, assyriologue (ULB)

Contrairement à d'autres mythologies, la lune en Mésopotamie est une divinité mâle, comme le soleil. Le dieu-lune était principalement adoré dans la ville d'Ur, en basse Mésopotamie (Iraq), sous le nom de Nannar ou Sîn, fils du dieu Enlil et de la jeune Ninlin.

 À la cour des empires assyrien et babylonien, des prêtres étaient chargés de monter la garde nocturne, notamment pour guetter la réapparition de la lune et proclamer ainsi le début du mois. Mais d'autres phénomènes, comme les éclipses, les auras lunaires ou les conjonctions avec d'autres divinités planétaires étaient surveillés.

 

khonsouLa lune dans le panthéon égyptien

par Michèle Broze, égyptologue (ULB)

En Egypte ancienne, la situation est un peu complexe : il n’existe pas un dieu lune ou une déesse lune. Le dieu Thot est certainement la divinité par excellence liee à la lune. Thot comme dieu lunaire a une compétence particulière : comme il détient la connaissance de l’écriture divine, il sait aussi  compter. C’est a lui qu’incombe le calcul des phases de la lune, qu’il  complete pour la rendre pleine.  Le dieu Khonsou, fils d’Amon, est mis au monde lors du premier quartier. Il devient vieillard apres le 15. Il remplace le soleil lorsque celui-ci descend dans l’au-dela (a savoir la nuit). Enfin, on cite aussi Osiris comme dieu lunaire, etant en quelque sorte un principe de renaissance, se voit associe a tous les cycles.

Le dieu lunaire Khonsou,coiffé du croissant et du disque lunaire.
temple de Khonsou à Karnak.
(Photo de la mission financée par le FrS/FnrS et soutenue par les FUnDP)

 

endymionElle s’appelait Séléné et elle était déesse…

par Vinciane Pirenne, historienne de la religion grecque (ULg)

Les  Grecs de l’Antiquité n’ont cessé de concevoir un monde enchanté où agissaient les dieux, tout en cherchant à comprendre d’une manière toujours plus rationnelle les mécanismes physiques à l’œuvre dans la nature. Une telle tension n’aboutit pas forcément à ce qu’un esprit cartésien considère comme des contradictions. La force des représentations mythiques est de permettre de concevoir à la fois la lune comme une sphère lumineuse qui croît et décroît chaque mois, et une déesse immortelle inscrite dans la cosmologie. En grec, la lune s’appelle σελήνη (selēnē) et seules nos conventions modernes distinguent entre le nom propre et le nom commun par l’adjonction ou non d’une majuscule. À une oreille grecque, le luminaire céleste et la déesse sont convoqués ensemble quand le nom est prononcé.

Endymion.Huile sur toile de George Frederick Watts, 1872.
© Foundation for the Art Renewal Center

 

Les mots de la lune à Rome

par Ghislaine Viré, latiniste (ULB)

Si les Romains ne se sont pas intéressés à ce qu’est la lune et aux lois qui la régissent, ce n’est pas à la suite d’une quelconque déficience, puisque, dans d’autres domaines, comme le droit, ils ont été capables de rigueur, de sens des nuances et d’innovation, mais parce que les préoccupations pratiques et le souci de la vulgarisation l’emportaient à leurs yeux sur les spéculations scientifiques ;  ils ont, dès lors, évacué de leurs ouvrages les démonstrations nécessaires à l’intelligence des données qu’ils ont reproduites en les empruntant à une ou plusieurs sources grecques. La terminologie qu’ils se sont construite, abondante quantitativement, mais qualitativement souvent insuffisante ou imprécise, reflète non seulement leur goût pour l’expression concrète, imagée et expressive, mais aussi leur volonté d’imprimer leur propre marque au savoir venu d’ailleurs.

 

al-hamalLa lune dans la calendrier arabe préislamique

Hossam Elkhadem, historien des sciences (ULB)

Les habitants de la Péninsule Arabique  avant l’Islam avaient certaines connaissances rudimentaires, empiriques et pragmatiques dans plusieurs branches du savoir. En astronomie, les observations de ce peuple de nomades et de pasteurs lui permettaient de trouver des routes dans le désert pendant la nuit. Ils connaissaient fort bien les étoiles fixes et les étoiles errantes et avaient observé que le lever ou le coucher de certaines étoiles étaient associés à des conditions climatiques bien déterminées. C’est sur cette base que les Arabes de l’époque préislamique ont établi le système d’ al-nasiy᾿et celui d ’al-anwa᾿.

Al-hamal (aries) est située sur le front du bélier, extrait d’un manuscrit
italien (ca. 1450) du De Sideribus Tractatus de Gaius Julius hyginus (fin Ier siècle av. J.-C.).

 

La Lune sous la lunette de Galilée

galilee

Pierre Marage, physicien et historien des sciences (ULB)

Galilée est un homme dans la lignée des grands ingénieurs et artistes de la Renaissance qui, loin de mépriser le travail manuel, valorisent la technique. Il a installé à son domicile un atelier où il fabrique des instruments scientifiques. Une nuit de décembre 1609, Galilée tourne pour la première fois la Lunette qu’il a inventée vers le ciel, et il y fait des découvertes stupéfiantes. L’année suivante, il publie à Venise un ouvrage intitulé Le messager des étoiles, qui le rendra universellement célèbre. Galilée a trouvé dans les observations rapportées dans le « Messager », bientôt suivies par l’observation des phases de Vénus, la confirmation des convictions coperniciennes qui sont les siennes depuis longtemps déjà, notamment en raison de son rejet de la physique d’Aristote.

Télescope de Galilée