Saint Nicolas, de l'histoire à la légende

Mais comment expliquer que saint Nicolas soit le patron des enfants ? L'actuel spécialiste mondial de saint Nicolas, le Père Cioffari, parle d'un « malentendu littéraire » (« trois innocents » comme synonyme de « trois enfants ») et d'un autre, iconographique (trois incarcérés comme trois enfants dans un cuveau), à l'origine d'une légende franco-allemande dans laquelle il fut conté qu'un hôtelier ou un boucher assassina trois enfants, les découpa en morceaux et les mit au saloir. On connaît la suite : « Sept ans après, saint Nicolas, saint Nicolas passa par là... ». Précisons qu'il fallut attendre le XIIe siècle, soit 800 ans après la mort du saint, pour que naisse cette légende.

La légende des enfants au saloir fut le sujet d'un jeu médiéval. Il inspira un chant, sur un air proche de l'hymne Pange Lingua, dont le texte fut publié pour la première fois en 15822.

 

Il était trois petits enfants
Qui s'en allaient glaner aux champs
   
S'en furent un soir chez un boucher :
- Boucher voudrais-tu nous loger?
- Entrez entrez petits enfants               
Y'a d'la place assurément

Il n'étaient pas sitôt rentrés
Que le boucher les a tués
Les a coupés en p'tits morceaux
Mis au saloir comme pourceaux.

Saint-Nicolas au bout d'sept ans
Vint à passer dedans ce champs
Alla frapper chez le boucher :
- Boucher voudrais-tu me loger? 

- Entrez entrez Saint Nicolas
Y'a d' la place, il n'en manque pas.
Il n'était pas sitôt rentré
Qu'il a demandé à souper :

- Voulez vous un morceau d'jambon?
- Je n'en veux pas il n'est pas bon
- Voulez vous un morceau de veau?
- Je n'en veux pas il n'est pas beau. 

Du p'tit salé, je veux avoir
Qu'il y a sept ans qu'est dans le saloir.
Quand le boucher entendit c'la
Hors de la porte il s'enfuya.

- Boucher, boucher, ne t'enfuis pas
Repens-toi, Dieu te pardonn'ra.
Saint-Nicolas alla s'asseoir
Dessus le bord du saloir :

- Petits enfants qui dormez là
Je suis le grand Saint-Nicolas!
Et le saint étendit trois doigts
Les p'tits se l'vèrent tous les trois.

Le premier dit : - J'ai bien dormi!
Le second dit : - Et moi aussi
Et le troisième répondit :
- Je me croyais au Paradis!


 

Sa longue transmission orale engendra des variantes locales parfois fort curieuses. En voici une, recueillie à Monceau-Imbrechies (région de Chimay), où, jusqu'aux années 1960, elle servit de chanson de quête aux garçons du village, le jour de la Saint-Nicolas3, alors que les filles pratiquaient une quête similaire le 25 novembre, pour la Sainte-Catherine.

Saint Nicolas a trois enfants
Ils sont bien riches et gros marchands.
Ont tant allé, ont tant venu
Que le soleil ils ont perdu.
S'en vont demander à loger
Tout droit chez un maître-boucher :
- Boucher, boucher, maître-boucher
Voudriez-vous bien nous héberger ?
- Oh, nènni-da, mès p'tits enfants,
Nous n'ons point d'lit pour vous coucher
....
Ah revenez, mès p'tits enfants,
Nous ons un lit pour vous coucher.
Les ont pris, les ont découpés
Dans un tonneau les ont salés.
Sept ans après, saint Nicolas
Saint Nicolas passa par là.
- Ah ! Voulez-vous de ce jambon ?
- Je n'en veux pas, il n'est pas bon
Ah ! Donnez-moi du p'tit salé
Qu'il y a sept ans que vous gardez.
Quand le boucher entend cela
Il prend son bâton, il s'en va.
- Boucher, boucher, ne t'en vas pas
Prie bien, ton pardon tu l'auras
Mais pour ta femme, ne l'auras pas
C'est elle qui t'a conseillé ça.

saint nicolas
 


Patron des enfants, saint Nicolas affectionne particulièrement ceux qui font preuve d'obéissance et qui s'appliquent dans leur travail. Pas étonnant dès lors que le saint devienne le patron des écoliers, petits et grands, et des enfants de chœur.

 


 

2 Information donnée par Roger Pinon
3 Cette chanson fut notée après la 2e guerre par Maurice Vaisière, d'après deux témoins locaux : Lia Pierre et Roland Vaisière. Elle figure sur le disque Anthologie du Folklore wallon n°2 publié par le CACEF en 1974

 


 

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