Saint Nicolas, de l'histoire à la légende


saint nicolas

Présence dans les écoles, les clubs sportifs, les galeries commerciales, arrivée publique en hélicoptère ou en calèche, représentations en chocolat, en couque ou en pain d'épice, collecte et guindaille des étudiants... À cette époque de l'année, saint Nicolas est omniprésent dans notre région. Quelles que soient sa provenance ou ses croyances, chaque enfant résidant en Wallonie (ou ailleurs, comme on le verra plus loin) est très tôt confronté à l'image d'un homme âgé, à la fois imposant et accueillant, prêt à distribuer friandises et jouets, à qui on associe quantité de légendes, d'usages et de comportements.

La récente polémique à propos de la croix qui figure sur sa mitre et que d'aucuns voudraient voir disparaître, montre à quel point le personnage dérange les militants laïques qui y voient l'emprise d'une Église monopolistique d'autrefois. La disparition du « saint » est cependant loin d'être une réalité programmée puisque chaque école ou chaque entreprise, même dotée d'un pouvoir organisateur anticlérical, se plie à la tradition. Celle-ci a certes évolué au cours des siècles, elle reste profondément ancrée dans notre patrimoine immatériel. 

Saint Nicolas a-t-il existé ?

L'existence historique de saint Nicolas fait l'objet de nombreuses controverses. Aujourd'hui pourtant, les spécialistes s'accordent pour situer sa naissance vers 265 ou 270 après JC, à Patare, important port de la province romaine de Lycie, au sud de l'Asie mineure, actuelle Turquie, et pour admettre que, vers 290-300, il devint évêque de Myra, autre ville de la même province, à environ 80 kilomètres à l'est de Patare. Le jour de sa mort nous est parvenu – le 6 décembre – mais pas l'année.

L'accession de Nicolas au rang d'évêque fut particulière puisque les écrits hagiographiques prétendent qu'il reçut cette dignité suite à un songe qu'avait fait un des membres de l'assemblée de prières réunie dans la ville au lendemain de la mort de l'évêque local, et qu'il passa directement de l'état laïque à l'épiscopat, prouesse que l'Église ne reconnaît que pour trois saints seulement : saint Nicolas, saint Sévère et saint Ambroise. Pour le reste de sa biographie, aucune relation contemporaine n'est avérée authentique par les Bollandistes. Sa participation au Concile oecuménique de Nicée en 325 est même contestée et il est certain que bon nombre de vitae, dont la célèbre Légende dorée de Jacques de Voragine (mort en 1298), semblent confondre Nicolas de Patare avec un homonyme, saint Nicolas, archimandrite du monastère de Sion et évêque de Pinare, qui vécut deux siècles après lui1.

Quoi qu'il en soit, la popularité de « notre » saint Nicolas, déjà réelle au VIe siècle à Constantinople et dans l'Église d'Orient, se répandit en Occident dès le VIIIe siècle, grâce aux moines orthodoxes qui cherchaient à fuir les persécutions des iconoclastes. On écrivit alors de nombreux hymnes et récits hagiographiques en son honneur et les miracles qui lui furent attribués favorisèrent des cultes de plus en plus lointains et qui se transmirent souvent jusqu'à nos jours.

 

Les patronages qui lui sont liés

manne st nicolas

La réputation de ces miracles firent de lui davantage un saint patron qu'un saint guérisseur, quoique de nombreuses guérisons furent et sont encore imputées à la manne ou myron, liquide aromatique qui exsude de ses ossements. Ce liquide « miraculeux » dont les textes parlaient déjà avant le transfert des reliques à Bari en 1087, est encore recueilli, le soir du 9 mai de chaque année, par le Prieur de la Basilique Saint-Nicolas de Bari, en présence de l'Archevêque catholique et du Métropolite orthodoxe. La manne récoltée dans une ampoule de verre est alors versée en partie dans de petites fioles qui seront conservées telles quelles, au trésor du Vatican et aux archives de Bari notamment, le reste est dilué dans de l'eau bénite destinée à être vendue aux pèlerins.

Saint Nicolas a été choisi comme saint patron de territoires (la Russie et la Lorraine), de métiers ou de fonctions (bateliers, flotteurs de bois, pêcheurs, marins, tonneliers, marchands, dentellières, enfants de chœur, etc.) mais aussi et surtout de groupes d'âge ou de catégories sociales (enfants, écoliers, étudiants, prisonniers, filles à marier et prostituées). Chacun de ces patronages se rapporte à un épisode de sa vie légendaire.

saint nicolas des marins

Ainsi, de nombreux miracles sont liés au pouvoir de saint Nicolas de calmer les tempêtes et de sauver les marins des écueils en tout genre. Il se retrouve dès lors patron des navigateurs, des voyageurs et des pêcheurs et, dans nos régions, plus particulièrement des bateliers, des flotteurs de bois et des pontonniers, qu'il préserve des inondations. Ainsi, à Saint Petersbourg, une église est dédiée à Saint-Nicolas-des Marins (photo ci-contre).

Liège, comme de nombreuses villes d'Europe occidentale, possédait autrefois son « pont Saint-Nicolas », doté d'un petit oratoire.

Sa protection des filles à marier et des prostituées concerne la période où il n'était pas encore évêque : Nicolas aurait alors aidé anonymement un voisin qui, ne pouvant assurer l'entretien financier de ses trois filles, les destinait à la prostitution. Ayant rassemblé de l'argent, le futur saint en jeta par trois fois - pour chacune des filles -, de nuit, par la fenêtre du voisin ; celui-ci put ainsi doter ses filles et leur éviter le déshonneur.

Plus tard, Nicolas sauve trois innocents de la peine capitale, en s'emparant de l'épée de leur bourreau, et délivre du cachot trois généraux, condamnés à mort pour raisons politiques. Le voilà donc protecteur des prisonniers et de ceux qui sont injustement condamnés. Par ailleurs, comme au cours de sa vie, il n'eut de cesse de punir les voleurs et de faire restituer les objets volés à leur propriétaire, les commerçants et les financiers voient en lui un allié et se placent sous son patronage.


 


1 Pour l'étude des sources, voir notamment Gerardo CIOFFARI, Saint Nicolas. L'histoire et le culte, Bari, Centro studi Nicolaiani, 1996

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