Le parcours de Patrick Davin s'inscrit dans la continuité d'une pratique musicale européenne qui équilibre rétrospection et prospection. M. Davin a effectivement entrepris des études classiques, au Conservatoire royal de musique de Liège : du violon à la direction d'orchestre, de l'harmonie à la fugue. Apparemment rien de singulier s'il n'y avait eu dès ces années des manifestations d'une curiosité sans frontières : Patrick Davin se penche sur toutes les musiques, dévore les partitions anciennes, scrute les créations les plus actuelles, s'immisce dans des mondes sonores nouveaux qui font la part belle à des modes d'exécution inédits.

Jeune - il a à peine une vingtaine d'années - Patrick Davin semble se décider pour la direction d'orchestre, sans y percevoir une abdication de la création musicale, mais plutôt pour y approfondir une intimité, un partage avec les interprètes et les compositeurs, morts ou vivants. Diriger un ensemble musical, c'est immanquablement aussi se lancer dans un long apprentissage. Patrick Davin part alors pour Toulon ; il fréquente des chefs renommés. Roger Rossel et René Defossez en Belgique, Pierre Boulez et Peter Eötvös à l'étranger lui ouvrent chacun à leur façon un regard sur le métier de chef d'orchestre : il retirera de ce parcours éclectique une souplesse, une capacité d'adaptation qui marquent de façon profonde la personnalité musicale du jeune chef.

Tout est réuni pour que débute une carrière internationale. Patrick Davin cherche immédiatement à y concilier ses trois champs de prédilection : la création contemporaine, l'opéra et la musique française des XIX^e et XX^e siècles. 

Présent sur le terrain de la création contemporaine ou dirigeant les œuvres du répertoire, Patrick Davin confirme une carrière ouverte à toutes les musiques. Les premières se succèdent à un rythme effréné, et chaque fois, le scrutateur de pages complexes - Patrick Davin est aussi un analyste précis - se fait alors divulgateur de pièces qui explorent de nouveaux univers. Et ce double geste, il le porte sur des compositeurs aussi différents que Philippe Boesmans, Luc Brewaeys, Jacqueline Fontyn, Vinko Globokar, Murray Schafer, Colin Nancarrow, Henri et Denis Pousseur, Charles Chaynes, Xavier Dayer, Bruno Mantovani, Benoît Mernier, Luc Brewaeys, James Dillon, Jean-Luc Hervé, Jean-Yves Bosseur, Kris Defoort et Marco Stroppa. L'Ensemble Musiques Nouvelles lui donne une occasion rare d'intensifier les créations. C'est d'ailleurs sous la direction de Patrick Davin que cet ensemble recommence à effectuer des concerts à l'étranger. On l'entend alors en France et en Italie surtout, mais aussi en Allemagne et en Chine. Tout s'enchaîne très vite : les meilleurs ensembles de musique contemporaine sollicitent son expertise. On retrouve Patrick Davin à la tête de l'Ensemble Modern de Francfort, de l'Ensemble Intercontemporain, d'Itinéraire, du Nieuw Sinfonietta, du Klangforum de Vienne.

L'autre intérêt de Patrick Davin touche l'opéra. La Belgique sera une fois encore sur le lieu de ses premières expériences : à l'Opéra Royal de Wallonie et au Théâtre de la Monnaie. Sur la scène se révèle une autre facette de Patrick Davin : celle de la confrontation du musicien avec des artistes issus d'horizons divers.  En quelques années, le chef liégeois devient le fidèle complice de metteurs en scène qui bousculent les pratiques théâtrales traditionnelles : avec Luc Bondy auThéâtre de la Monnaie, à l'Opéra de Lyon et au Théâtre du Châtelet ; avec  Jorge Lavelli à l'Opéra de Monte-Carlo ; avec Christophe Marthaler à Berlin et au Hofburg de Vienne ; Robert Lepage à l'Opéra Bastille ; Olivier Py à Genève ; Philippe Sireuil aux Operas de Liège et d'Anvers pour n'en citer quelques-uns.

Troisième facette d'une riche carrière : celle de relecteur d'œuvres du répertoire. Patrick Davin ne surfe pas sur les modes : il regarde avec finesse et profondeur la partition.  Avec le Rheinland-Pfalz State Philharmonic Orchestra, il enregistre des œuvres de Florent Schmitt et d'August Holmes, quelques productions qui ont marqué le paysage musical ces dernières années.

La scène n'a jamais éloigné Patrick Davin de la salle de cours. Pendant longtemps professeur de direction d'orchestre au Conservatoire royal de musique de Liège, il l'est à présent au Conservatoire (flamand) de Bruxelles, institution la plus prestigieuse du Royaume. Transmetteur de savoirs, donc, mais aussi briseur de frontières. Si Patrick Davin a exercé des fonctions de directeur musical (à l'Opéra royal de Wallonie et à l'Opéra de Marseille), il souhaite transcender les clivages qui se sont progressivement imposés dans le paysage musical contemporain. Le projet qu'il construit aujourd'hui le dit clairement : constituer un collectif de musiciens d'orchestre pour remettre au programme des concerts symphoniques de la musique ancienne. Patrick Davin ne cessera jamais de découvrir et de faire découvrir les musiques.

Philippe Vendrix
Novembre 2009

Philippe Vendrix est Directeur de recherche au CNRS et enseigne la musicologie au sein du Département des sciences historiques de l'ULg.