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Relire François Jacqmin dans la revue «Textyles»

28 octobre 2009
Relire François Jacqmin dans la revue «Textyles»

François Jacqmin

François Jacqmin, décédé trop tôt, en 1992, fut l'un des « Sept types en or » de la revue « Phantomas », le poète des Saisons (1979) et du Livre de la neige (1990). Son œuvre littéraire, couronnée de plusieurs prix, fait l'objet d'une relecture approfondie dans « Textyles »,  la revue des lettres belges de langue française. 

S'il est un poète francophone de Belgique qui fut salué par la critique, et une large frange d'amateurs et de chercheurs en littérature, dépassant le cadre strict des lecteurs de poésie, c'est bien François Jacqmin. Peu de temps avant son décès – survenu en février 1992, à seulement presque 63 ans – , cet écrivain à la production publique relativement peu abondante avait reçu trois prix littéraires importants pour son seul « Livre de la neige », paru en 1990 à La Différence : le prix Max Jacob à Paris, le Grand prix quinquennal de littérature de la Communauté française, et le prix Vossaert, de l'Académie royale de langue et de littérature françaises. En 1991, Jacqmin avait également donné un cycle de conférences dans le cadre de la Chaire de poétique de l'UCL. Réunis en un volume dans « Le Poème exacerbé »,  ces textes formulent les exigences théoriques d'un homme voué autant à la réflexion et à l'écriture qu'à la recherche d'une impossible sérénité à travers les joies du jardinage.

L'auteur du « Dominos gris » (1984) s'amusait à regarder sa vie envahie de paradoxes, parfois plus que de raison. Quand il publia son premier « grand » livre de poèmes, « Les Saisons », en 1979, il avait déjà 50 ans, et une fréquentation assidue de la littérature européenne, des arts plastiques, principalement l'abstraction, et des textes psychanalytiques. Il se désirait certains jours auteur burlesque, alors qu'on débusque dans bon nombre de ses proses poétiques une métaphysique du renoncement et de l'épure totale.

Jaqmin

Jacqmin, qui n'avait jamais vraiment cherché un éditeur, et qui considérait qu'être écrivain n'était pas un métier, tout au plus une (mauvaise) justification de vivre, aimait l'amitié et l'humour anglais. C'est ainsi que cet homme tranquille et souriant, toujours sobrement vêtu d'un veston et d'une cravate, publia entre le milieu des années 50 et la fin des années 90 chez les trois éditeurs de la « Belgique sauvage » les plus sensibles à l'humour, au non-conformisme, à l'absence d'esprit de sérieux, et à l'absurdité de vivre : chez Phantomas, autour de Théodore Koenig et Joseph Noiret, dans « temps mêlés », avec André Blavier, et au Daily-Bul, auprès d'André Balthazar.

Aussi y avait-il matière à se pencher sur cet écrivain de l'éreintement des mots, perfectionniste inlassablement non-satisfait de lui-même, qui avait fait sienne cette phrase du « Domino gris » : « Il considérait qu'une phrase était achevée lorsque la médiocrité de celle-ci cessait de le blesser ». Pourtant, comme le rappelle Laurent Demoulin, il n'existait pas jusqu'ici de volume d'études critiques sur François Jacqmin. Aussi ne peut-on que se réjouir d'avoir sous les yeux la série de contributions d'enseignants et chercheurs (ULg, ULB, Archives et Musée de la Littérature...) qui forment le numéro de la revue « Textyles », concocté par Gérald Purnelle et Laurent Demoulin.


Jaqmin
Jaqmin

Dans un entretien, Joseph Noiret, qui introduisit le poète de « Camera Oscura » (1976) dans « Phantomas » en 1950, souligne son individualisme paisible, à l'écart de toute activité politique ou partisane. Gérald Purnelle détaille les options formelles, typographiques et numériques, d'une poétique de la nuance, tandis que Francis Édeline analyse son écriture à la lumière d'Euclide et de la concision : « Sophisme, paradoxe et aporie sont ses instruments de prédilection pour réduire en poussière nos édifices rationnels ». Catherine Daems présente les états des textes qui ont servi au recueil posthume « Éléments de géométrie », publié avec des linogravures de Léon Wuidar au Tétras Lyre, en 2005.  Laurent Robert s'intéresse, justement, à Jacqmin auteur comique, Sabrina Parent évoque l'influence de la langue et d'une certaine littérature anglaises, Pierre-Yves Soucy convoque les artistes, souvent amis : de Léopold Plomteux à Gabriel Belgeonne, d'Armand Silvestre à  Serge Vandercam, Jean-Luc Herman, Michel Léonardi... Une bibliographie, ainsi que de courtes proses inédites, « Petites chroniques liégeoises », viennent enrichir ces éléments pour une monographie. On pourrait y adjoindre, dans les années qui viennent, un approfondissement de la question du langage plastique – François Jacqmin s'essaya lui-même au dessin, à la sculpture, et certains se souviendront de ses lettres rehaussées d'aquarelles –, ainsi qu'à un aspect méconnu de ses publications : sa collaboration avec le regretté pataphysicien Richard Tialans, au sein de « Aa Revue ».  

 

Alain Delaunois
Octobre 2009

 

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Alain Delaunois est journaliste à la RTBF et maître de conférences au Département Arts et Sciences de la Communication.

 

Photos : Fr. Jacqmin en 1990 © Bernard Jacqmin - Fr Jacqmin en 1957 © Georges Thiry / Yellow Now

 

Jaqmin
François Jacqmin,
dossier dirigé par Gérald Purnelle et Laurent Demoulin,
« Textyles » n°35,
Éditions Le Cri,
183 pages.

 

 

 


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