Un tableau de Léonard Defrance perdu et retrouvé

Dans un amical courrier du 6 novembre, notre collègue Pol P. Gossiaux a bien voulu me faire part de quelques réflexions concernant l'œuvre ici en question.  On sait comment un des placards apposés aux murs de la Visite à l'imprimerie, qui représenterait l'atelier de Clément Plomteux, paraît se référer à un texte du très populaire Sébastien Mercier. P. Gossiaux considère dès lors comme vraisemblable l'hypothèse d'un lien  avec l'œuvre principale de Mercier, à savoir le Tableau de Paris, ouvrage qui a « a certainement été imprimé par Plomteux ».

D'un Tableau l'autre

Un examen systématique des nombreuses rééditions du Tableau, paru d'abord en 1781, permettrait de vérifier l'hypothèse. Une rapide enquête dans les collections de la Bibliothèque nationale a permis d'identifier une contrefaçon réalisée sous la fausse adresse d'Amsterdam,  en 1783, par l'associé maastrichtois de Plomteux, Jean-Edme Dufour. En sept  tomes, cette édition clandestine, conservée sous la cote 8-LI3-52 (I,1-7), montre les caractères de la production sortie de l'atelier de Dufour, dont le nom est associé à celui de Philippe Roux, qui assurait la viabilité financière de l'entreprise plus que le travail d'imprimerie.

L'ornementation de l'ouvrage, qu'elle provienne de modèles gravés sur bois ou qu'elle soit réalisée au moyen de caractères typographiques assemblés, est repérable dans les  éditions « officielles » de Dufour, c'est-à-dire celles qui portent ouvertement  son nom. Ces agrégats de fleurons forment en quelque sorte des empreintes digitales attestant l'origine de la fabrication. On en fournit ici quelques exemples.

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 De nombreuses autres éditions de Dufour, avérées ou clandestines, comportent des compositions typographiques ornementales qui se retrouvent dans cette édition du Tableau de Paris. On épinglera l’édition clandestine du Mariage de Figaro, imprimée par Dufour sans adresse en 1785 (voir D. Droixhe, Signatures clandestines  et autres essais sur les contrefaçons de Liège et de Maastricht au XVIIIe siècle, Oxford : Voltaire Foundation, 2001, n° 08.025).

 
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 N'est pas moins significatif le bandeau gravé qui ouvre le texte du tome premier du Tableau de Paris de 1783. Il est signé de l'initiale « D », qui renvoie à un artisan du cru : Pierre Paul Depas, habitant, selon la capitation liégeoise de 1762, la paroisse Sainte-Aldegonde, « dans la petite rue », avec la mention « graveur sur bois ». L'historien canadien David Smith avait très tôt reconnu sa manière dans les bandeaux qui décorent une édition Dufour des Œuvres d'Helvétius.
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