Un tableau de Léonard Defrance perdu et retrouvé

Daniel Droixhe, du Groupe d'étude du XVIIIe siècle de l'ULg, vient de retrouver la trace de la quatrième Visite à l'imprimerie de Léonard Defrance, dont on soupçonnait l'existence depuis longtemps. Ce tableau très important pour l'histoire du livre représente vraisemblablement l'atelier du liégeois Clément Plomteux.


Tous les historiens du livre et de l'époque des Lumières connaissent les représentations d'imprimeries dues au Liégeois Léonard Defrance (1735-1805).  Celles-ci ont notamment servi à illustrer le Dictionnaire des journaux. 1600-1789 de Jean Sgard ou le commentaire du tableau À l'égide de Minerve par Roger Chartier dans l'Histoire de l'édition française sous la direction de Henri-Jean Martin. On sait aussi que ces représentations nous sont parvenues sous la forme de trois huiles sur bois appartenant à des collections privées. Deux d'entre elles, montrant l'atelier de composition et celui d'impression, de dimensions égales, forment un ensemble. La troisième est vouée à la seule salle d'impression, de sorte que l'idée de l'existence d'un pendant consacré à la salle de composition a depuis longtemps fait son chemin chez  les historiens liégeois.

Plusieurs indices permettent de préciser l'imprimerie dont il s'agit. Aux murs de ces ateliers sont apposés des sortes de placards annonçant des œuvres de philosophes bien connus : Voltaire, Rousseau (orthographié « Rousseaux »), Buffon, Helvétius, l'Histoire des deux Indes de l'abbé Raynal et de Diderot, le Traité des délits et des peines de Beccaria, qui met en cause les codes et les pratiques traditionnelles de la justice. Il est aujourd'hui avéré que plusieurs de ces auteurs ont été contrefaits par l'imprimeur-libraire liégeois Clément Plomteux1.  Ceci concorde exactement avec une indication fournie par les catalogues des œuvres d'art exposées à la Société Libre d'Émulation, puisqu'on y mentionnait en février 1784  deux tableaux de Defrance, appartenant à Plomteux, qui représentaient des intérieurs d'imprimeries. Cela tend à confirmer l'hypothèse qu'il s'agit bien de son atelier.

On en était là lorsqu'un heureux et tout récent hasard informatique a fait apparaître dans les collections de la Galerie Terradès, à Paris, une « Visite à l'imprimerie par Léonard Defrance », lors de l'exposition annuelle se déroulant du 20 novembre au 19 décembre 2008. Le catalogue de celle-ci consacre à l'œuvre une fiche très détaillée que Monsieur Antoine Cahen, propriétaire de la galerie, a bien voulu me communiquer, ainsi qu'une reproduction du tableau :

Defrance imprimerie Visite à l'imprimerie (Tableau retrouvé)

 

On est d'emblée frappé par la ressemblance générale  qu'offre celui-ci avec la représentation de la salle de composition déjà connue, même si  les deux œuvres diffèrent sur de nombreux points. Il constitue ainsi l'exact pendant du tableau isolé montrant la salle d'impression. De mêmes  dimensions (47 x 64,5 cm), cette « huile sur panneau de chêne, non parqueté », porte la discrète signature de Léonard Defrance de Liège sur la table figurant à droite à l'avant-plan.

 

Defrance

 

Non datée, la peinture a gardé son cadre d'origine, « estampillé par Étienne-Louis Infroit », « né vers 1719-1720, reçu maître sculpteur à l'Académie de Saint-Luc  le 14 août 1759 puis maître charpentier le 12 octobre 1768 ».




1 On doit en particulier au chercheur canadien David Smith l'identification incontestable de la contrefaçon Plomteux des Œuvres d'Helvétius, ainsi que l'indique une notice du catalogue général de l'Œuvre peint de Léonard Defrance, dû à Fr. Dehousse, M. Pacco et M. Pauchen (1985).  De son côté,  Pol-P. Gossiaux avait naguère repéré les éditions clandestines de l'Histoire des deux Indes  réalisées sous fausse adresse typographique  par le même imprimeur, au début des années 1780.
 

 

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