Lectures pour l'été 2013 : Polars et thrillers

Ailleurs sur la terre

saridYishaï Sarid, Le Poète de Gaza

Né en 1965 à Tel-Aviv, Yishaï Sarid est le fils d’un député de gauche, infatigable militant pour la paix. Il est bon de le savoir quand on ouvre son livre tant il y aborde des sujets sensibles. Son narrateur est spécialisé dans la tentative de mise en échec des attentats-suicides palestiniens. C’est à lui que revient la tâche peu plaisante, mais à ses yeux indispensable, d’interroger ceux qui pourraient le mettre sur la piste de ces bombes humaines. L’homme de qui il tente d’obtenir des informations, au début du roman, meurt étouffé lors de l’interrogatoire, sans que sa propre responsabilité soit mise en cause. Néanmoins, une enquête est diligentée. Cela tombe d’autant plus mal pour lui que sa femme, qui en a assez de vivre avec un fantôme, accepte un poste à Boston. Et qu’il travaille au même moment sur une affaire particulièrement complexe. Il doit en effet convaincre une écrivaine israélienne, Dafna, approchée sous prétexte de cours d’écriture, de faire venir de Gaza, pour qu’il soit soigné, son ami d’enfance, un poète palestinien atteint d’un cancer incurable. Dans quel but ? C’est l’une des trames du roman. Mais c’est loin d’être la seule. Nous entrons par exemple dans les arcanes des services secrets israéliens, découvrant comment ceux-ci s’organisent pour faire face à toute menace terroriste. Ou nous découvrons d’autres aspects de cette société par le biais du fils de Dafna, accroc à la drogue.
(trad. Laurence Sendrowicz, Babel Noir, 363 pages)

 

smithjaumannRoger Smith, La Sable était brûlant
Bernhard Jaumann, L’Heure du chacal

smith-melangesL’Afrique du Sud violente, corrompue, sert de cadre au Sable était brûlant. On y croise un flic zoulou chargé d’assassiner un homme d’affaires trop bavard. Un journaliste blanc accusé du meurtre de sa femme et de sa fille dans un accident de voiture dont il a été le seul survivant, et qui est enlevé par son père, un ancien de la CIA libéré malgré une condamnation à perpétuité. Et aussi un ancien flic en route vers le village zoulou de son enfance pour sauver du mariage une jeune orpheline promise à un caïd local. Après avoir dénoncé dans Mélanges de sang une autre violence, celle des ghettos de son pays, Roger Smith, qui a grandi à Johannesburg, remet le couvert dans ce roman-pamphlet où il dénonce un après-apartheid pas terrible, où les femmes et les malades du sida n’ont pas la part belle. Et où aussi la communauté zouloue reste enfermée dans un nationalisme et des coutumes rétrogrades.

Couronné par le Prix du Meilleur roman policier en Allemagne, L’Heure du chacal se déroule en Namibie où vit aujourd’hui son auteur. L’héroïne, une inspectrice noire originaire d’un township et qui a pu étudier grâce à une bourse, enquête sur une série de meurtres de riches blancs à Windhoek. Ils tous liés à une affaire qui a réellement existé dans les dernières années de l’apartheid auquel était soumis ce protectorat de l’Afrique du Sud: l’assassinat de l’avocat de la SWAPO (mouvement indépendantiste), Anton Lubowski, en septembre 1989. Basé sur un excellent suspense – qui est le tueur-vengeur? –, ce roman jalonné de témoignages d’acteurs de l’époque tire aussi sa force de sa dimension documentaire.
(Roger Smith, La Sable était brûlant, trad.Elsa Maggion, Calmann-Lévy, 339 p. - Bernhard Jaumann, L’Heure du chacal, trad. Céline Maurice, Éditions du Masque, 281 p.)

 

bussiMichel Bussi, Ne lâche pas ma main

bussi-nympheasbussi-avionCouronné par de nombreux prix pour ses deux précédents romans, Cité Nymphéas noirs et Un avion sans elle, Michel Bussi transporte son troisième thriller sur l’île de la Réunion où un couple et sa fille passent leurs vacances. À 15h01, au moment où commence l’histoire, Liane monte «une seconde» dans sa chambre. À 15h30, un dénommé Rodin se fait poignarder. À 16h02, Marial quitte sa fille Sofa pour voir ce que fait sa femme. Il trouve la chambre vide, des taches de sang sur les draps de lit. Mais bientôt, c’est lui qui est suspecté, la femme d’ouvrage affirmant l’avoir vu monter un quart d’heure après son épouse. Ce qu’il avoue, mais nie l’avoir tuée. Il prend alors la fuite avec sa fille. S’ensuit à travers l’île une course-poursuite jonchée de cadavres qui va voir resurgir des fantômes du passé. Un suspense diabolique, glaçant, aussi ingénieux que surprenant, qui justifie pleinement un titre un peu banal.
( Presses de la Cité, 375 p.)

 

cohenThierry Cohen, Si tu existes ailleurs

«Tu vas mourir du cœur le même jour que cinq personnes.» Cette prophétie prononcée par sa nièce de 3 ans trouble profondément Noam. D’autant plus que, peu après, il entend un vieil homme clamer que «la date de notre mort est déjà fixée». La psychologue qui l’a soigné pendant de nombreuses années parce qu’il se sentait responsable de la mort de sa mère renversée par une voiture alors qu’il traversait la rue, l’envoie chez une consœur qui l’encourage à aller voir une enfant prophète à Jérusalem. À partir de là, il va se livrer à un jeu de piste pour tenter de trouver ces fameuses cinq personnes qui mourront avec lui. Ce périple le mènera à Tel-Aviv, Rome, Budapest et Amsterdam. Si tu existes ailleurs possède également une dimension psychologique par la présence des deux psys mais aussi par le «carnet de confidences» où le héros dévoile ses pensées les plus profondes. Et notamment la douleur non cicatrisée d’avoir perdu son premier amour d’adolescent.
(J’ai lu, 379 p.)


connelly
Michael Connelly, Volte-face

Le nouveau roman de Michael Connelly s’avance sur un terrain dont la littérature américaine est friande, mais aussi son cinéma, ses séries télés et même son théâtre: celui du prétoire. Pourtant, il renverse complètement la donne. En effet, son narrateur, Mickey Haller, célèbre avocat de Los Angeles, ne va pas tenter de prouver l’innocence d’un homme incarcéré par erreur pour le meurtre d’une fillette, comme semble l’indiquer un test ADN, mais au contraire s’efforcer de confirmer sa culpabilité. Tout au long de Volte-face le lecteur se trouve ainsi du côté de celui qui nie l’erreur judiciaire. Du mauvais côté, en quelque sorte, puisque la réparation d’une telle erreur est toujours rassurante car elle atteste de l’humanité de la justice. Une autre singularité de ce roman est de mettre en doute l’absolue fiabilité de l’ADN. Ce n’est pas elle qui décide de la culpabilité ou non d’un homme, c’est un élément parmi d’autres.
( trad. Robert Pépin - Le Livre de Poche, 440 p.)

 

abbottJeff Abbott, Adrénaline

abbott-fauxsemblantsabbott-paniqueabbott-traumaabbott-complotSam Capra, 25 ans, spécialiste du parkour, un sport extrême qui consiste à se déplacer d’obstacles en obstacles dans des bâtiments en chantier par exemple, est un agent de la CIA basé à Londres. Lors d’une réunion avec ses collègues à propos d’une affaire impliquant la maffia russe, il reçoit un appel de sa femme, employée par le même organisme et enceinte de leur premier enfant, l’enjoignant de quitter au plus vite l’immeuble. À peine en est-il sorti que celui-ci explose et sa sauveuse, qu’il aperçoit dans une voiture stationnée non loin de là, disparaît. Qu’est-elle devenue? Quelle est son implication dans l’attentat ? Et où est leur enfant ? Sa volonté farouche de donner une réponse à ces questions est entravée par la CIA qui, le soupçonnant d’être mêlé à cette affaire, l’arrête et le torture. Il parvient à s’évader et, avec l’aide d’une énigmatique Mila, le voilà parti sur la piste de son épouse, serré de près par ses anciens collègues. Et notamment par un certain Howell dont la position n’est pas très claire.
Né en 1963 à Dallas, Jeff Abbott qui vit toujours au Texas, à Austin, sait sacrément bien mener sa barque. Son septième thriller après Trauma, Panique, Faux-semblants ou Complot est particulièrement stressant, fertile en rebondissements, fausses pistes et chausse-trapes. Le roman, qui baigne dans toutes sortes de trafics, notamment d’êtres humains, est remarquablement documenté sur la CIA, révélant par exemple l’existence de ses prisons en Europe de l’Est.
(trad. Anath Riveline, J’ai Lu, 439 p.)



Michel Paquot
Juin 2013

crayongris2Michel Paquot est journaliste indépendant et chroniqueur littéraire

Page : précédente 1 2 3 4 5 6