Lectures pour l'été 2013 : Polars et thrillers

Au cœur de l’Histoire

Remy-WilquinPhilippe Remy-Wilquin, L’œuvre de Caïn

En 1925, deux archéologues que la guerre a séparés, un Belge Valentin Dullac et un professeur juif allemand, Caspar Mendelssohn se retrouvent à Rotterdam. Le premier découvre vite que son aîné est menacé pour ses travaux sur les sociétés secrètes. Les événements se précipitent. Après avoir échappé de peu à la noyade, le Bruxellois apprend le suicide de son ami. Voulant en savoir plus, il se retrouve pris dans un engrenage qui va le mener dans différentes villes allemandes, et même à Varsovie, accompagné par la nièce du défunt et une jeune Russe qui accompagnait un psychiatre aveugle qui s’est soudainement volatilisé.

Voilà pour l’intrigue époustouflante de cette Œuvre de Caïn. Mais sa profonde singularité réside dans la toile de fond remarquablement documentée qui la soutient. À savoir, pour faire bref car c’est beaucoup plus riche et complexe, l’histoire des Douze Tribus du peuple juif, et parmi celles-ci les dix qui ont pris le nom d’Israël et sont dites perdues. Elles se seraient disséminées en Europe, notamment en Allemagne. Pour Mendelssohn, qui prône une totale assimilation, son pays est donc la Terre promise du peuple juif. Ce que lui contestent évidemment les défenseurs d’un aryanisme strict, profondément antisémites et  partisans d’ahurissantes thèses mystiques, concernant notamment l’histoire de la Terre et sa place dans l’univers. Avec à leur tête, le redoutable Caïn. Magistral!
(Le Cri, 195 p.)

 

 

iznerizner-sangClaude Izner, Minuit, impasse du Cadran et Sans dessus dessous

Au début des années 2000, sous le nom de Claude Izner, deux sœurs bouquinistes sur les quais de la Seine, Liliane et Laurence Korb, inventent Victor Legris, un libraire-enquêteur épaulé par son commis féru d’énigmes policières, Joseph Pignot. De cette série feuilletonnesque et chronologique – les histoires vont de l’expo universelle de 1889 à 1900 –, directement publiée dans la collection de poche Grands Détectives et traduite dans une demi-douzaine de langues, vient de paraître le onzième et avant-dernier épisode, Minuit, impasse du Cadran. Cette nouvelle aventure, sur laquelle plane la fin du monde annoncée à la mi-novembre 1899 avec la chute d’un astre, voit Victor et Joseph reprendre du service la demande du commissaire dont le comédien retrouvé mort est le demi-frère. Eux qui avaient juré à leurs proches de ne plus se mêler d’affaires criminelles vont donc devoir ruser pour ne pas se trahir. Ce roman fait une fois encore revivre avec brio le Paris de la Belle Époque dans un langage subtilement gouailleur qui fait merveille.

En même temps reparaît Sang dessus dessous, le premier roman pour adultes signé Claude Izner après une décennie de romans pour la jeunesse publiés par les sœurs sous leur double nom, Liliane Korb et Laurence Lefèvre. On y découvre que Victor Legris a un prédécesseur, Milo Jassy, un bouquiniste héros de cette unique enquête parue en 1999 et qui pourrait dès lors être son lointain descendant puisqu’elle se déroule en 1998. Suite au meurtre d’un ami libraire retrouvé au milieu de romans de Jules Verne, notamment Vingt mille lieues sous les mers attribué par certains à la communarde Louise Michel, le placide vendeur de livres va se transformer en (plus ou moins) fin limier.
(Claude Izner, Minuit, impasse du Cadran, 10/18, 371 p. -  Sang dessus dessous, 10/18, 255 p.)

 

bouhierbouhier-sangOdile Bouhier, La nuit, in extremis et Le sang des bistanclaques

C’est à Lyon, au lendemain de la Première Guerre mondiale, qu’Odile Bouhier installe l’intrigue de ses romans. Dans Le sang des bistanclaques, réédité dans la collection Grands Détectives, le commissaire Kolvair, aidé par Hugo Salacan, le directeur du premier laboratoire scientifique, enquête sur le meurtre de deux vieilles dames. Il doit composer avec les Brigades du Tigre, brigades de police mobiles créées par Clémenceau en 1907 et dirigées par une «gueule cassée».

La nuit, in extremis témoigne du même intérêt de la romancière à la fois pour les intrigues policières et pour la reconstitution historique. En cet automne 1921, l’affaire dans laquelle se trouve plongé Kolvair concerne la mutinerie de certains poilus pendant la Première Guerre mondiale, plus précisément en avril 1917 lors de l’offensive meurtrière du Chemin des Dames. Le commissaire, qui a perdu une jambe dans le conflit, s’inquiète de la libération de l’un d’eux, Anthelme Frachant, qu’il a connu dans les tranchées et qu’il juge dangereux. Il le soupçonne en effet d’avoir assassiné son ami. Comme il n’est pas question d’ouvrir une enquête à son sujet, il décide de ne pas le lâcher d’une semelle. Accompagné par un policier américain venu observer ses méthodes, il s’installe à sa suite dans une pension de famille. Où un triple meurtre est bientôt commis.
(La nuit, in extremis, Presses de la Cité, 263 p. -  Le sang des bistanclaques, 10/18, 258 p.)

 

faconRoger Facon, Le Lion des Flandres

En juin 1936, Roger Salengro, maire de Lille, devient ministre de l’Intérieur du gouvernement de Léon Blum. Venu du nord, le séduisant inspecteur Frémont surnommé «le lion» pour sa flamboyante chevelure rousse en est le conseiller pour les affaires délicates. Et la première à laquelle il est confronté n’est pas des plus simples: un ancien inspecteur, membre du «Souvenir Jaurès», est abattu en revenant de Berlin. Pendant qu’il suit la piste d’une enquête qui l’entraîne dans le nord de la France, un journal anticommuniste s’apprête à monter un dossier à charge contre le ministre – qui se suicidera quelques mois plus tard.

Ancien ouvrier verrier et éducateur à Valencienne, Roger Facon a également été enquêteur de police avant de se lancer dans l’écriture de romans policiers. Dans une langue plus proche du roman historique que du polar pur et dur, il recrée superbement ici une époque extrêmement tendue, voire violente, le Front populaire et les grèves qui ont suivi inquiétant les possédants et remontant une extrême-droite de plus en plus offensive. L’auteur peuple également son récit de personnages véridiques et raconte la montée des fascismes en Europe, comme la Guerre d’Espagne, ce qui enrichit encore la portée historique de son roman.
(L’Archipel, 286 p.)

 

vanlaerhovenBob Van Laerhoven, La vengeance de Baudelaire

Couronné en 2007 par le Prix Hercule Poirot du roman à suspense, ce premier roman traduit en français d’un écrivain hollandais né en 1953 se déroule à l’automne 1870 dans un Paris assiégé et affamé par les Prussiens. Et où la mode du spiritisme et de la magie noire bat son plein, où les médiums ont pignon sur rue. Le commissaire Paul Lefèvre est un quinquagénaire amoureux autant de la poésie que des femmes, précisément des cocotes. C’est d’ailleurs dans un bordel de la chaussée d’Antin qu’il découvre le cadavre d’un «jeune poète prometteur» porteur d’un papier où figurent des vers tirés des Fleurs du mal. Or le commissaire est un admirateur de Baudelaire qu’il a rencontré treize ans plus tôt, lui faisant dédicacer son livre. Cette dédicace lui permet de constater que l’écriture des vers trouvés près du mort et celle du poète lui-même, pourtant décédé trois ans auparavant, sont identiques. Secondé par l’inspecteur Bouveroux, avec qui, près de trente ans plus tôt, il a servi dans le Sahara algérien, il tombe sur un autre cadavre orné d’un nouvel extrait du recueil partiellement censuré à sa parution en 1857 et qui a valu à son auteur de la prison et une amende. Un troisième corps sans vie est retrouvé au cimetière Montparnasse, sur la tombe de Baudelaire. Avec lequel il apparaît que les macchabées ont tous un rapport plus ou moins direct.
(trad. Marie Hooghe, MA Éditions/Pôle Noir, 281 p.)

 

 

clerc-murgierHélène Clerc-Murgier, Abbesses

«À Montmartre… dans l’abbaye… près du temple de Mercure… il y a trois lettres sur une dalle de pierre… puis… une entrée… là se trouve u trésor… le trésor de Marie.» Voilà l’étrange message murmuré en cette année 1622 au lieutenant criminel Jacques Chevassut par un homme condamné à être pendu pour assassinat. Si le récipiendaire de la confession la prend à la légère, ce n’est pas le cas de son premier conseiller, et également ami, qui décide d’aller y voir de plus près. Or non seulement le bonhomme disparaît soudainement mais en plus, un corps est retrouvé dans le même état que celui pour lequel le mendiant a été envoyé au gibet. Suivi par d’autres. Le magistrat n’a plus d’autre choix que de prendre l’affaire en main. Derrière ce mystère, dont la révélation est totalement inattendue, conduisant le lecteur à revoir sous un autre jour tout ce qu’il avait cru comprendre, l’auteure fait revivre le Paris de cette époque, avec ses sociétés secrètes s’adonnant diverses pratiques alchimistes et ésotériques.
(Jacqueline Chambon, 366 p.)

 


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