Lars Kepler, Incurables

Sous ce pseudonyme, double hommage à leur compatriote Stieg Larsson (auteur de Millenium) et à l’astronome allemand Kepler, un couple d’auteurs suédois signe de très gros polars traduits dans de nombreuses langues. Après L’Hypnotiseur (récemment réédité chez Babel Noir), où l’on voit un hypnotiseur tenter de pénétrer dans le subconscient d’un adolescent, et Le Pacte, qui se déroule dans le milieu des marchands d’armes, Incurables permet de retrouver l’inspecteur Joona Linna pour une enquête qui s’aventure une nouvelle fois dans le psychisme humain. Une pensionnaire d’un centre pour jeunes atteints de troubles ou addictions divers est retrouvée morte sur son lit, les mains sur les yeux. Dans la pièce voisine, une infirmière a été assassinée à coups de marteau. Une adolescente qui a disparu la même nuit fait figure de principale suspecte. D’abord réduit au rang d’observateur suite à une plainte déposée contre lui, l’inspecteur accepte, contre l’avis de ses collègues, de rencontrer un médium qui affirme avoir des informations à donner. Construit en courts chapitres, passant d’un personnage à un autre, Incurables s’inscrit avec brio dans la lignée de thrillers donnant autant de poids au suspens proprement dit qu’à la dimension humaine et psychologique de l’intrigue.
(trad. Hege Roel-Rousson, Actes Sud/Actes Noirs, 357 p.)

Anders de la Motte, |Le jeu], Niveau 1 : Oserez-vous entrez ?

Comme son nom ne l’indique pas, Anders de la Motte est Suédois. Il est un ancien policier dont ce roman, son troisième mais le premier traduit en français, a reçu un prestigieux prix dans son pays. Il s’y inscrit avec intelligence et doigté dans l’une des plus vives expressions de notre modernité: le jeu en ligne. Le héros, connu sous ses initiales HP, un gars quelque peu paumé, vaguement délinquant, sans grande envergure, trouve un téléphone portable dernier cri qu’il pense d’abord revendre. Jusqu’à ce que s’affiche la question «Tu veux jouer?». Il refuse d’abord avant d’accepter, lassé autant qu’intrigué par son insistance. Un mystérieux «maître du jeu» va l’entraîner sur des chemins de plus en plus dangereux. En parallèle, nous suivons Rebecca, une garde du corps qui trouve sur son casier des messages pas vraiment chaleureux qui lui rappellent un passé qu’elle préfèrerait oublier. Comment ces deux-là vont-ils se rencontrer? C’est ce que lecteur découvre progressivement, pris par cette intrigue hors du commun engluée dans une ambiance glauque, malsaine. Seul bémol à ce thriller haletant: son écriture un peu faiblarde, qui ne semble pas être le premier souci de l’auteur.
(trad. Carine Bruy, Fleuve Noir, 423 p.)

Björn Larsson, Les poètes morts n’écrivent pas des romans policiers

Si, comme le rappelle le titre du roman de Björn Larsson (Médicis étranger en 1999 pour Le Capitaine et les Rêves), morts, les poètes n’écrivent pas de romans policiers, vivants, ils en sont totalement capables. Ainsi en va-t-il de Jan Y Nilsson, «un des plus grands poètes» suédois, mais peu lu, qui se laisse convaincre par son très influent éditeur d’écrire un tel livre. Mal lui en prend: il est retrouvé pendu dans son bateau au moment où il a enfin touché le jackpot grâce à de mirifiques droits étrangers. Suicide ou assassinat ? L’enquête est menée par un policier lui-même poète à ses heures, «secondé» par toute une galerie de personnages plus ou moins liés au défunt. Le lecteur est ainsi invité à lire un double livre en quelque sorte: un roman policier dont les codes sont scrupuleusement respectés et une réflexion sur l’écriture poétique, assez surprenante dans ce genre de littérature, doublée de considérations assez justes sur l’éthique éditoriale.
(trad. Philippe Bouquet, Grasset, 491 p.)

Arnaldur Indridason, Le Femme en vert

La Femme en vert confirme l’exceptionnelle maîtrise littéraire de cet écrivain. Erlendur, qui, au terme d’un voyage dans un underground poisseux, a retrouvé sa fille tombée dans le coma suite à l’injection de substances illicites, tente de trouver l’origine des ossements humains découverts sur un chantier. Parallèlement, nous suivons la vie d’une famille miséreuse de trois enfants (dont un handicapé) en proie à la violence conjugale, la jonction entre les deux trames se faisant progressivement. Un grand livre qui dit beaucoup de chose sur notre humanité.
( Trad. Éric Boury - Points 2)